ENTRETIEN. "C’est à nous de les pousser à essayer !" : les handisports accessibles avec l'aide des orthoprothésistes

Mercredi 28 août vont débuter les Jeux paralympiques de Paris, mettant à l'honneur les athlètes handicapés et leurs disciplines adaptées. Les orthoprothésistes qui appareillent les athlètes sont partenaires des performances sportives mais, au départ, ces spécialistes sont présents pour améliorer leur quotidien.

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Leur métier permet d'accompagner les handicapés pour un retour à un quotidien plus confortable. Les orthoprothésistes sont spécialistes des prothèses, orthèses et composants orthopédiques.

Améliorer le quotidien

Les orthoprothésistes sont des professionnels de santé dont le rôle est de proposer un appareillage adapté aux personnes handicapées (amputation, accident…) et améliorer leur quotidien (mobilité, posture du dos...).

La déficience physique est le cœur de leur métier, et chaque solution proposée aux patients est unique. C'est le travail de Chloé Batard, qui travaille à Amiens pour un groupe national d'orthoprothésistes dont la maison mère est basée à Seurre en Côte-d'Or.

Dans un premier temps, Chloé passe un long rendez-vous d'une heure avec le patient : "ils nous sont adressés par les médecins de rééducation ou des chirurgiens orthopédiques. Ils ont déjà un suivi médical et ils sont orientés par les médecins spécialisés et ont une ordonnance particulière qui leur permet de prendre en charge ces appareils-là."

L'échange permet de cerner les besoins des patients "en faisant le point sur les appareils qu’ils ont déjà, sur leur quotidien, sur leurs envies."

La réponse de la spécialiste est technique, "en leur parlant du choix de la prothèse, du type de 'pied'. Tout ce qu’on peut leur apporter en qualité pour rendre leur quotidien moins compliqué. Souvent, il s’agit de gérer la douleur sur les prothèses et on adapte à chaque personne la prise en charge : ça peut aller d’une petite modification au changement de toute la prothèse."

Le même mise au point au quotidien comme pour le sport

Le choix d'une prothèse est déterminé par "le niveau d'activité du patient". Chloé explique que, par exemple, pour une prothèse de jambe, la catégorie du “pied” correspond à l'activité du patient (marche, marche dynamique...) : "une fois que la prothèse est réalisée, je les fais marcher dans le couloir de marche, on essaie des pentes, des escaliers pour peaufiner les réglages et qu’ils soient optimums en fonction de leurs chaussures, suivant leurs activités."

Le même protocole est appliqué pour les prothèses sportives : "On va adapter les matériaux, on utilise souvent la même base qui sont des emboîtures carbone, qui sont plus légères, et surtout pour les amputés des membres inférieurs, on va adapter le choix du pied. Par exemple, les coureurs paralympiques vont avoir une lame en carbone de course, qui n’est pas faite pour marcher. Une lame restitue beaucoup d’énergie, il faut toujours rester en mouvement. On va adapter une prothèse pour une activité donnée. Quelqu’un qui fait du triathlon, il peut avoir besoin de plusieurs prothèses."

Le sport, dépassement de soi et effacement du handicap

Passer de l'appareillage pour un handicapé à une pratique sportive régulière, cela peut paraître impossible. Pourtant, les orthoprothésistes sont un peu les instigateurs du handisport. Chloé reconnaît qu'elle a "tendance à leur parler de sport assez vite, quand je sens qu’ils sont capables de passer ce cap, de la marche quotidienne à une activité physique. Ils ont souvent la barrière de se dire que ce n’est pas possible. On leur fait essayer des équipements, et ils prennent goût à ça, et ils prennent confiance, ils ont envie d’aller plus loin."

La pratique sportive, encouragée par les médecins de rééducation, est, selon Chloé, "une manière de dépasser le handicap, de retrouver une vie d’avant et de ne plus être freiné par lui. Ce n’est plus quelque chose qu’on cache, on peut en être fier et c’est super sympa à vivre !"

Pratiquer le sport, au point où parfois, les patients veulent repousser leurs limites. C'est à ce moment que la relation de confiance entre le prothésiste et le patient va jouer : "Le sport, surtout avec des prothèses, cela a une conséquence sur le physique : ce sont des impacts importants et une cadence élevée, ça peut créer des blessures, comme dans tout sport. Parfois il faut les freiner, le seul objectif, c’est leur bien-être. C’est important, certains patients ont des vécus très difficiles et finalement dans le sport ils retrouvent leur image, leur bien-être et parfois le sport agit comme une drogue !"

Des équipements encore coûteux

Les équipements demeurent coûteux, par exemple pour une prothèse de marche, "on va tourner autour de 5000 euros", sachant "qu'un appareillage du quotidien est 100% pris en charge par la Sécurité sociale." Cela s'explique par le choix des matériaux, et surtout, "chaque prothèse est unique, adaptée à chaque personne", relève la spécialiste.

En revanche, Chloé Batard rappelle que "les prothèses sportives ne sont pas du tout prises en charge par la Sécurité sociale." Les coûts sont très élevés, car "ce sont des lames en carbone qui sont moins produites, les prix varient en fonction du constructeur. L'emboîture en elle-même, c’est le même prix, que ce soit une prothèse de sport ou une prothèse de tous les jours. Par contre, entre le pied et la lame, ça peut varier du simple au double. Il faut compter à partir de 10 000 euros pour une prothèse tibiale sportive, et entre 20 000 et 30 000 euros pour une prothèse fémorale. On importe des pièces spécifiques régulièrement qui sont fabriquées en Islande, en Allemagne, aux États-Unis, pour un usage bien précis, et aussi pour un nombre de patients limités, donc qui valent très chères."

Pour les pratiquants sportifs, le financement est parfois compliqué : "soit ce sont eux qui prennent à 100 %, c’est sur devis, soit il y a des prises en charge de certaines pièces par les associations, et il faut monter des dossiers, c’est un peu compliqué."

Améliorer la prise en charge des patients handisport

Au-delà du rôle essentiel des orthoprothésistes pour les patients, ces spécialistes, fédérés par l'UFOP (Union Française des orthoprothésistes) souhaitent profiter de l'attention médiatique des Jeux paralympiques pour réclamer de meilleures prises en charge pour les patients handisport. Le président de l’UFOP, Jean-François Cantero, s'est exprimé dans une tribune à une semaine des Jeux : "Le financement d'un appareillage de sport constitue une épreuve supplémentaire dans leur parcours de vie, obstacle quasi infranchissable pour la plupart des personnes concernées. En effet, n'étant pas à ce jour inscrits à la Liste des produits et prestations remboursables (LPP), ces appareillages sur mesures spécifiques à la pratique sportive ne sont pas pris en charge par l'Assurance Maladie. Les mutuelles restent, par conséquent, difficilement mobilisables. Espérons que le financement de ces appareillages soit acté à l'occasion des prochains Jeux paralympiques. Espérons également que les orthoprothésistes soient enfin reconnus et dotés des moyens qui leur permettront d'accompagner les personnes en situation de handicap, qu'elles soient sportives ou non, dans la qualité et la durée."

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