Environ 250 000 foyers dépendent du chauffage au fioul en Hauts-de-France, principalement dans les campagnes. Alors que l'installation de ce type de chauffage sera interdit au 1er janvier 2022, les professionnels de Picardie encouragent les particuliers à investir dans des solutions alternatives.
Les chutes de température de ce début décembre ont incité nombre de chaumières à allumer leur chauffage. Dans les Hauts-de-France, leurs chaudières carburent bien souvent au fioul : 250 000 foyers de la région se chauffent grâce à cette énergie fossile, ce qui représente un utilisateur français sur huit, souligne la fédération française des combustibles, carburants et chauffage (FF3C).
Ces chaudières sont légion dans les zones rurales, non approvisionnées par le gaz de ville. Particulièrement polluants, les systèmes de chauffage au fioul et au charbon ne seront plus installés à partir du 1er janvier 2022, a annoncé cet été le ministère de l'Écologie et de la Transition énergétique. Les personnes les utilisant après cette date pourront bien sûr les garder et les faire réparer.
Un délai difficile à tenir
Commercial pour une entreprise basée à Saint-Quentin et Chauny dans l'Aisne, Benoît Tetart traverse la Picardie pour établir des devis afin de remplacer des chaudières fioul chez les particuliers. Aujourd'hui, il prend la route pour conseiller des habitants de Saint-Michel en Thiérache, "où il n'y a pas de gaz de ville," glisse-t-il. Les annonces du gouvernement sont une très bonne nouvelle pour son entreprise.
Si l'annonce a été brutale, qu'on l'a pas vue venir, c'est tout de même une bonne chose d'initier ce changement vers les énergies renouvelables. Même si son prix a baissé pendant l'épidémie, le chauffage au fioul revient relativement cher.
"L'annonce est une bonne et une mauvaise nouvelle", nuance quant à lui Jean-Claude Parin, dirigeant de deux entreprises de chauffage dans l'agglomération d'Amiens. S'il salue le remplacement de l'énergie fossile par des alternatives moins polluantes et moins coûteuses, l'élu à la Fédération du bâtiment déplore "un calendrier difficilement tenable".
2022, ça me semble bien trop court. On ne prend pas en compte la situation des sociétés qui commercialisent uniquement du fioul et qui auront trop peu de temps pour se reconvertir. Ça concerne de nombreux emplois.
Afin d'assurer une transition moins brutale pour les professionnels, la FF3C promouvoit un "biofioul". Composé d'un tiers d'ester méthylique de colza renouvelable, le "F30" pourrait se substituer au fioul traditionnel et contourner l'interdiction des équipements recourant à 100% d’énergie fossile. "[Son] objectif est d’accompagner et d’accélérer le verdissement de ce mode de chauffage efficace," estime la FF3C. Les négociations sont en cours pour que ce combustible soit autorisé au delà de 2022.
Investir dans les alternatives
Si vous souhaitez troquer votre chaudière au fioul ou charbon contre une alternative, le choix peut être influencé par votre lieu d'habitation. "Dans les agglos comme à Amiens, on a le gaz de ville et des maisons suffisamment isolées," rapelle Jean-Claude Parin. On a alors le choix d'opter pour le gaz, les granulés, le bois ou la pompe à chaleur.
Par contre,"en milieu rural, il n'y a pas d'arrivée de gaz et les habitations peuvent souvent se révéler de véritables passoires thermiques". Avant d'envisager le remplacement d'une chaudière au fioul, il étudie l'isolation de la maison. Si elle n'est pas suffisante, il écarte d'emblée l'installation d'une pompe à chaleur électrique, qui pourrait alors être trop énergivore pour chauffer le bâtis. Si le particulier ne souhaite pas engager de travaux d'isolation, le professionnel l'oriente plutôt vers les chaudières biomasse, fonctionnant au bois ou aux granulés.
L'entreprise de Benoît Tetart a tourné la page du fioul : le remplacement et l'entretien de ce type de chaudière représente aujourd'hui une part anecdotique de son activité. "Un monsieur âgé qui nous a contacté le mois dernier voulait remplacer sa chaudière fioul par exactement le même modèle. On a accedé à sa demande bien sûr, après lui avoir souligné que ce n'était pas la solution la plus économique et écologique," raconte le commercial. Aujourd'hui, son entreprise réalise la majorité de son chiffre d'affaires sur les chaudières à granulés qu'elle vend depuis 13 ans.
Si les particuliers ont suffisamment de place - il faut 2,5 m² environ - il recommande l'installation d'une chaudière à granulés car elle est plus économique. Si les particuliers possèdent un petit logement, il leur propose d'installer plutôt un thermo-poêle à granulé, que l'on peut installer dans une pièce à vivre.
Avec un chauffage à granulés, des personnes qui utilisaient le fioul précédemment peuvent diviser par deux leur facture.
Outre la place importante qu'il occupe en raison du silo à combustibles qui l'accompagne, le système nécessite d'être alimenté en granulés régulièrement et d'être entretenu au moins une fois par an. Dans l'Aisne par exemple, la livraison de granulés à domicile est encore limitée.
Si les particuliers ont des difficultés à se déplacer et qu'ils ont les capacités financières, le commercial les oriente vers la pompe à chaleur, qui fonctionne avec l'électricité. "On n'a pas besoin de s'en occuper, ça tourne tout seul," explique Benoît Tétart. Elle est pratique, mais à condition d'avoir une maison bien isolée.
Des aides cumulables
En ce début d'hiver, l'activité de Benoît Tetart est sembable aux autres années, malgré l'épidémie de Covid-19. "Avec les annonces du gouvernement cette année, je pensais que les demandes de remplacement allaient exploser ! Mais les gens ne sont pas forcément au courant des aides qu'ils peuvent percevoir pour passer aux granulés ou à la pompe à chaleur. Ils peuvent être aidés jusqu'à hauteur de 14 000 euros, ce n'est pas négligeable" constate-t-il.
Les particuliers peuvent bénéficier des aides cumulables du CEE, de Ma Prim Renov, de soutiens financiers accordés par certaines communautés de communes, du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) ou encore de l'éco-prêt à taux zéro. Ces aides varient en fonctions des revenus du foyer et du matériel souhaité. Il est possible de réaliser une simulations d'aides sur le site faire.gouv.fr.
Pour Jean-Claude Parin, une conversion de système de chauffage ne recèle aucun piège "dès lors qu'on frappe à la bonne porte". "Il faut nécessairement choisir une entreprise certifiée RGE [Reconnu garant de l'environnement, NDLR], regarder ses références. À partir du moment où l'on fait appel à des professionnels, on sera orienté vers le système le plus adéquat," assure-t-il.
La "performance énergétique" d'un logement prise en compte à partir du 1er janvier 2023, fin des chaudières au fioul à partir du 1er janvier 2022, doublement des aides aux ménages à la rénovation, annonce Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du Logement pic.twitter.com/rDLCIiaRRU
— franceinfo (@franceinfo) July 27, 2020
Comme annoncé le 27 juillet à l'issue du 5e conseil de défense écologique, le gouvernement entend faire disparaître le chauffage fonctionnant à 100% d'énergie fossile (fioul et charbon) d'ici 2028. Pour cela, aucune nouvelle chaudière de ce type ne sera plus installée après le 1er janvier 2022. La réparation pourra néanmoins être possible.
Plus controversée, la décision du gouvernement de ne plus installer de chauffage au gaz dans les maisons individuelles d'ici 2021 et les logements collectifs d'ici 2024 fait grincer des dents. "Ça, par contre, ce n'est pas envisageable, assène Jean-Claude Parin. Éliminer le gaz, c'est se déporter sur l'électrique. Or, on nous dit qu'il faut prochainement arrêter nos centrales nucléaires. C'est une décision irrationnelle.