Comme il y a deux semaines, ils étaient des centaines de milliers à manifester dans les Hauts-de-France contre la réforme des retraites. Parmi les manifestants, des jeunes, défendant la retraite de leurs parents, mais aussi des femmes qui se disent pénalisées par cette réforme.
"C’est maintenant qu’il faut se mobiliser, car on va tous être à la retraite un jour. C’est maintenant qu’il faut dire stop", exprime haut et fort Jade, étudiante au conservatoire d'Amiens, en théâtre et membre de la Fédération Syndicale Étudiante d’Amiens. La jeune femme de 19 ans est venue avec son ami Mathis, étudiant en art du spectacle. "On n’est pas assez nombreux", déplore-t-elle. "Il y en a beaucoup qui ne se sentent pas concernés […] Par exemple, ce matin, j’ai proposé la manif alors qu’on n’a pas cours cet aprem, il y a eu un gros blanc. C’est dur."
Pour Agathe, jeune assistante sociale de 23 ans, "soit des personnes voient que c’est beaucoup trop loin et s’en fichent, soit des personnes connaissent des parents ouvriers. Comme les miens, ça fait 40 ans qu'ils sont à l’usine. On voit plus l’usure des années et on voit plus le réel de ce qui pourrait nous attendre."
Comme eux, la jeunesse mobilisée mercredi 31 janvier, dans les rues d’Amiens, était visible dans le cortège imposant. Une source syndicale a estimé entre 15 et 20 000 le nombre de manifestants dans la capitale picarde. Arnaud, venu en tant que membre de la Fédération des Associations Étudiantes Picarde pointe l’inquiétude des étudiants rencontrés. "On est déjà à 18% de taux de chômage chez les jeunes. On est les premiers à être touchés par le chômage, et on dit que les gens vont travailler plus. Nous risquons d’avoir moins de travail, et nos bourses ne suivent pas."
Certains ont manifesté en famille
Présentes pour s'opposer à la réforme des retraites, des mères ont aussi fait le choix d’amener leurs filles lycéennes à la deuxième mobilisation d'ampleur, alors que les premiers débats autour du texte ont actuellement lieu à l'Assemblée nationale. "À la première (manifestation, ndlr) je trouvais qu’il n’y avait pas assez de jeunes. Et c’est pour ça que j’ai dit aux filles, il faut y aller parce que ça vous touche aussi. Plus il y en aura, mieux ce sera. Il faut montrer au gouvernement, qu’il ne faut pas nous mépriser comme ça", raconte Suzanne, 42 ans. Pour elle, "Le combat concerne tout le monde, pas que ceux qui travaillent [...] On n’arrête pas de nous dire que c’est juste. Il n’y a aucun argument qui nous fait croire qu’elle est."
Comme Radia qui accompagnait sa mère, ils étaient également nombreux à être présents pour les générations devant bientôt partir à la retraite. "Les premiers en ligne de mire, ce sont nos parents. En tant qu’enfant, on veut leur assurer une retraite décente et qu'ils puissent partir à un âge convenable. Surtout pour les métiers avec une pénibilité", explique Nina, étudiante en cinéma à Amiens.
"On ne peut pas demander à des personnes qui se fatiguent jeune, de continuer jusqu’à être en maltraitance envers eux-mêmes et finir cassé"
Agathe, assistante sociale de 23 ans
Agathe, l'assistante sociale de 23 ans, prend pour exemple son jeune collègue travaillant de nuit et de rue, dans des conditions extrêmes. Dernièrement, par moins 10 degrés. "On ne peut pas demander à des personnes qui se fatiguent jeunes, de continuer jusqu’à être en maltraitance envers elles-mêmes et finir cassé", dit-elle. Avant d'ajouter, "64 ans pour profiter du fauteuil roulant et à l'Ehpad ?"
Pour elle, il y a également une injustice par rapport aux femmes. "On est toujours inférieure par rapport à tous. En tant que femmes ça m’inquiète encore plus, je me questionne encore plus sur l’avenir. Quelques mois, ça représentent beaucoup quand on est à la fin de la fin."
À Lille, les femmes se sentent lésées
À Lille aussi, les femmes étaient présentes pour se défendre face cette réforme. Pour Solène, membre d'un collectif féministe, les choses sont claires. "Ce sont les femmes qui ont les carrières les plus courtes, les plus hachurées, qui ont du temps partiel subi ou voulu parce qu'elles élèvent les enfants et ce sont plus souvent les femmes qui le font. Cette réforme, elle est hardcore, il y a déjà 40% d'écart de pension entre hommes et femmes. Ce sont elles qui ont les plus petites pensions et ça va être empiré de manière extrême avec cette réforme."
Claire, enseignante dans le 1er degré, illustre la situation décrite par Solène. "J’ai trois enfants, et je sais que ça va reculer ma durée de cotisation. J’ai une carrière hachée à la fois parce que j’étais intermittente et à la fois parce que je suis maman. Et maintenant, je suis fonctionnaire enseignante. Il faut que j’arrive avoir une retraite à taux plein, et pas le plus tard."
Quand on lui pose la question si elle se mobilise également en tant que femme, Clothilde, artiste plasticienne répond sans hésiter :"évidemment, on oublie souvent qu’on est des êtres, on n’est pas des consommateurs, on n’est pas des travailleurs. Et ça je pense que Macron il l’oublie un petit peu."
Beaucoup de monde dans les Hauts-de-France
Cette journée de manifestations a une nouvelle fois rassemblé beaucoup de monde dans les rues de la région des Hauts-de-France. À Lille, d'après une source syndicale, ils étaient 70 000. Plus tôt dans la journée, près de 6 000 personnes ont défilé à Boulogne-Sur-Mer, tout comme à Valenciennes. Dans l'Oise, 5 000 manifestants à Beauvais ont été comptés par la police, contre 10 500 selon l'intersyndicale, 5 500 à Compiègne selon les chiffres de la préfecture, contre 80 000 par les syndicats.