Jeunes issus de l’ASE, sans-abris, étrangers : le logement accompagné, "une solution humaniste où on propose un loyer abordable"

Le logement accompagné, une autre facette du logement social. Une solution plus économique pour les ménages défavorisés, les jeunes travailleurs et les personnes les plus démunies. Ces résidences, qui jouent un rôle d’accompagnement social, existent depuis plus de 20 ans, mais sont encore assez méconnues. Nous avons visité une de ces résidences et rencontré ses locataires sur place pour en savoir plus sur ces structures.

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Ahmed se lève tous les jours à 7h du matin. Après un café et un petit-déjeuner, il se met au travail. Tous les jours à la même heure, il ouvre des livres et cahier de français pour réviser. Puis, l'après-midi, il se rend au cours, quatre fois par semaine pour se perfectionner. "Je révise beaucoup pour pouvoir commencer une formation d'aide-soignant l'année prochaine. En attendant, je vais faire un stage à l'hôpital", explique ce quarantenaire.

Soudanais, Ahmed a obtenu un titre de séjour en 2016. Il vivait alors en Alsace et ne trouvait pas d'emploi. Il a décidé de partir à Lille où il a très vite décroché un CDD dans les espaces verts. Grâce à ses petits revenus, il a postulé pour un logement temporaire, auprès de l’association Areli, à Lille et emménage dans la résidence Henri Convain. "J'ai un petit studio meublé avec douche et toilettes. La cuisine est collective. Souvent nous faisons à manger ensemble avec mes voisins et parfois je les invite à voir un match de foot. On s'entraide et on se respecte. C'est comme une famille", insiste Ahmed.

Un logement et un accompagnement social à petit prix

Une famille où jeunes et moins jeunes, français et étrangers, vivent ensemble dans une même résidence sociale. Tous les locataires ont un point commun : ils sont majeurs, en règle sur le territoire français et ils ont un minimum de ressources mensuelles, soit au moins le revenu de solidarité active (RSA). Et tous ont la volonté de trouver un emploi stable et de s'insérer ou se réinsérer dans la société. "Le loyer est abordable pour tous car nous fonctionnons avec un système de redevance. C'est-à-dire que le loyer, les charges et quelques prestations, comme le changement des draps sont inclus dans un forfait fixe et l’aide personnalisée au logement (APL) est déduite. Nous accueillons des jeunes travailleurs, ou en apprentissage, de jeunes boursiers aussi et des travailleurs étrangers", explique Lydie Renard, directrice des projets et services résidentiels Aréli.

Les intervenants sociaux travaillent avec les résidents sur leurs addictions, leurs souffrances psychiques.

Lydie Renard, directrice des projets et services résidentiels Aréli

L’association Aréli, qui dispose de 1 900 logements dans le Nord et le Pas-de-Calais, propose bien plus qu'un logement aux locataires. Dans chaque résidence, un travailleur social accompagne les résidents. "Les sujets varient en fonction des besoins de chacun. Le volet logement fait partie de nos priorités parce que nous proposons un habitat temporaire. Il faut les préparer à un logement autonome dans un délai de deux ans. La santé aussi est importante. Les intervenants sociaux et nos partenaires extérieurs travaillent avec les résidents sur leurs addictions, leurs souffrances psychiques, s'ils en ont. Il y a aussi l'aspect des droits sociaux qui est abordé car ils sont rarement au fait de leurs droits", détaille Lydie Renard.

Désengorger les hébergements d'urgence

L'Unafo, l'Union professionnelle du logement accompagné, regroupe les gestionnaires de ces résidences. Dans les Hauts-de France, ce sont plus de 126 résidences, soit 6 800 logements dans les résidences sociales, pensions de famille et foyers de travailleurs. Il existe différents types de logements en fonction de la situation sociale et familiale. Les pensions de famille sont proposées aux personnes les plus fragiles, souvent en souffrance psychique et avec un parcours de vie et d'hébergement chaotique. Ceux-là ont besoin d'une présence quotidienne à leurs côtés.

Une de nos missions est de proposer un logement à des personnes qui n'ont rien à faire dans les hébergements d’urgence.

Olivier Rigault, président de l’Unafo

Dans les logements autonomes, l'accompagnement est davantage un soutien administratif qui permet aux résidents de faire face à toutes les problématiques de la vie. Ce sont des publics jeunes qui rentrent dans la vie active, des ménages qui rencontrent des accidents de la vie, des femmes victimes de violences intrafamiliales, des ruptures traumatisantes qui nécessitent de trouver un endroit sécurisé. "Une de nos missions est de proposer un logement à des personnes qui n'ont rien à faire dans les hébergements d'urgence et d'accéder à un statut de locataire dans nos structures, de manière accompagné. Le gestionnaire s'occupe de tout. Le résident ne s'occupe pas des charges qui sont comprises dans la redevance (loyer) mais il apprend à vivre seul dans un logement", explique Olivier Rigault, président de l’Unafo.

Il n'est pas simple de démarrer dans la vie lorsqu'on n'a pas appris à être autonome. Ces logements accompagnés permettent d’apprendre la vie en communauté tout en restant autonome dans un studio. "Les résidences jeunes actifs sont des solutions adaptées pour démarrer dans la vie active. Ce sont souvent des jeunes qui sortent de l'Aide sociale à l’enfance (ASE) ou qui ont peu de soutiens familiaux. Ils apprennent ici à gérer un logement", ajoute Olivier Rigault.

Des résidences pour apprendre l'autonomie

La résidence La Licorne, un grand bâtiment rénové, située à l’ouest d’Amiens, accueille des jeunes entre 16 et 30 ans. Lorsque nous entrons dans le hall, nous sommes accueillis par l’équipe et Lassine, un jeune homme de 20 ans, locataire depuis un an dans la structure.

Il nous propose la visite de son studio. Un petit appartement tout équipé. "Bienvenue dans mon appart. Ici, nous avons les meubles, le lit, les plaques à induction pour cuisiner et la salle de bains individuelle." Lassine est heureux de nous présenter son premier logement. "C'est un premier appart pour commencer. Là, je fais mes courses moi-même, je paie mon loyer avec des aides. Ça me permet de prendre mes responsabilités. Et au moins, j'ai un toit où dormir. Quand je serai prêt pour être indépendant, je prendrai mon envol… Mais avec un loyer plus cher", sourit le jeune homme.

Comme lui, 98 jeunes vivent ici, encadrés par deux intervenantes sociales et l’équipe de direction : des jeunes migrants, des adolescents en rupture familiale ou de jeunes actifs. "Les conditions pour accéder au logement accompagné, c'est d'avoir entre 16 ans et 30 ans, de bénéficier d'un revenu minimum comme le RSA et d’avoir un projet professionnel ou de formation. Ce sont des jeunes qui, pour la plupart, se retrouveraient à la rue. Les jeunes signent un contrat de séjour d'une durée de deux ans. C'est un logement temporaire. L'objectif est de les aider à trouver un logement à eux par la suite et d’être complètement indépendant", explique Audrey Toursel, directrice adjointe de l'association Accueil et promotion, qui regroupe 60 établissements d'hébergement social et d'insertion dans les Hauts-de-France.

Lucas a 20 ans. Il est résident de la Licorne depuis quatre mois. Après une rupture familiale, il a vécu une semaine dans la rue, sans solution d'hébergement. Puis, il a entendu parler du logement accompagné et il s'est inscrit sur la plateforme de l'association Accueil et promotion. "Tout s'est fait en un mois. J'ai juste eu un rendez-vous et j'avais mon studio ici. J'en avais vraiment besoin parce que sinon, je serais chez ma mère ou dehors." Lucas a enchaîné les stages et les petits boulots et il est désormais en contrat d’apprentissage dans la vente. Grâce à sa formation et son travail en alternance, il gagne 750 € par mois. Avec l'aide au logement, son reste à charge pour le paiement de la redevance dans la résidence est de 85 € et il bénéficie également d'une aide administrative et sociale. "Il y a des papiers à faire, des trucs Caf à gérer, c'est un casse-tête parfois stressant. Ici, on m'a bien aidé", confirme le jeune actif.

Ici, il y a des gens avec qui on peut parler et créer des liens. Je ne veux plus galérer. Je fais ce qu’il faut

Lucas, locataire de la résidence La Licorne

Deux intervenantes sociales, sont présentes chaque jour, pour accompagner les résidents dans leur parcours d’insertion. "C’est important de combiner l’insertion sociale et professionnelle. L'un ne va pas sans l'autre. C'est un équilibre. Je travaille avec chacun sur ses besoins, ses souhaits. Si la personne ne veut pas me rencontrer, s’il n'en a pas besoin, il est libre. Je les aide surtout pour leurs demandes administratives. Ils ont besoin d'être rassurés et de se prouver qu'ils peuvent le faire seuls. C'est la recherche de l'autonomie", insiste Laurine Dauthieux, intervenante d’action sociale à la résidence jeunes la Licorne. Un lieu pour rebondir et se sentir toujours appartenir à la société. "Sans ce logement, je n'aurais pas pu avancer, évoluer au niveau professionnel. Ici, il y a des gens avec qui on peut parler et créer des liens. Je ne veux plus galérer. Je fais ce qu’il faut", confie Lucas.

Le développement des logements sociaux

Ces logements sociaux, pensions familiales et résidences d'insertion, sont en plein développement. Dans un contexte de pénurie de logements en France, le gouvernement a lancé un plan en 2017, "le Logement d'abord", pour lutter contre le sans-abrisme.

Ce plan devait favoriser l'accès direct au logement pour la réinsertion des personnes sans domicile et précaires, face à la saturation des dispositifs d’hébergement d'urgence. Un plan sur cinq ans (2018-2022) qui prévoyait de produire des logements sociaux et très sociaux adaptés aux besoins des personnes, d’accélérer l’accès au logement pour les personnes défavorisées, de mieux accompagner les personnes sans domicile et de favoriser le maintien dans le logement.

L'objectif : l'ouverture de 10 000 places en pension de famille pour les personnes les plus fragiles. D'après les chiffres publiés en février 2023 par le gouvernement, 440 000 personnes sans domicile ont accédé à un logement depuis 2018, et la part des ménages défavorisés ou sans abri dans l'attribution des logements sociaux a augmenté de 67 %.

Dans les régions réindustrialisées, comme les Hauts-de-France, l'enjeu du logement social est très important

Olivier Rigault, Président de l'Unafo

Un deuxième volet du plan "Le logement d’abord" a été annoncé en novembre dernier par la Première ministre, Elisabeth Borne. Parmi les mesures du gouvernement : doubler l'offre de logements locatifs abordables, étendre l'éligibilité du prêt à taux zéro, construire 35 000 nouveaux logements étudiants. Ce nouveau plan doit s'étendre de 2023 à 2027 et prévoit la production de 25 000 places en résidences sociales et foyers pour jeunes travailleurs sur tout le territoire. L'Unafo, principal représentant du logement accompagné, participe à la mise en œuvre de ce plan, aux côtés du gouvernement.

Selon le président de la fédération, cette annonce est une bonne nouvelle pour les foyers et les personnes les plus défavorisés mais aussi pour le développement économique des régions. "Le logement est en lien direct avec l'accès à l’emploi. Dans les régions réindustrialisées, comme les Hauts-de-France, l'enjeu du logement social est très important. Pour recruter, les entrepreneurs ont besoin de logements de proximité adaptés", explique Olivier Rigault, qui regrette une certaine frilosité chez les élus des territoires. "Nous constatons des difficultés croissantes à convaincre les élus et les riverains quand il y a un projet de permis de construire de logements sociaux. Il nous faut faire preuve de pédagogie et expliquer que les gens que nous logeons et accompagnons sont des gens du territoire. C'est le jeune majeur qui n'arrive pas à quitter le domicile de ses parents faute d'argent, c'est la victime de violence qui a besoin d'un lieu de répit. Le logement accompagné, c'est une solution humaniste où on propose un loyer abordable avec un accompagnement humain de qualité."

Le combat que nous menons depuis de nombreuses années est d’alerter sur le manque de moyens apportés aux résidences sociales.

Olivier Rigault, Président de l'Unafo

Ce plan permettrait de loger des personnes qui se retrouvent à la rue et d'éviter des cassures dans leur parcours de vie mais d'après les professionnels du secteur du logement social, de nombreux efforts restent à faire. "Le combat que nous menons depuis de nombreuses années est d'alerter sur le manque de moyens apportés aux résidences sociales. Depuis, trois ans, nous constatons une baisse constante de logements sociaux et peu de moyens financiers pour le volet de l'accompagnement social." Accompagnement qui est au cœur de la réinsertion. Sans ce coup de pouce social, le logement qui se doit d'être transitoire, peut devenir permanent et ainsi créer un engorgement du système social.

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