L'histoire du dimanche - La chasse aux cygnes, le privilège des seigneurs dans la vallée de la Somme jusqu'au 18e siècle

Symbole de pureté et d’élégance, le cygne est utilisé depuis des siècles, comme un oiseau d’ornement sur les plans d’eau. Une vie paisible qui ne l’a pas toujours été. Abolie en 1704, la chasse aux cygnes était un droit féodal en Flandre et dans tout le Nord de la France.

Symbole de pureté, d’élégance et de grâce, le cygne fait partie des oiseaux les plus anciens connus sur terre. Il existait déjà il y a 130 millions d’années. C’est le plus gros oiseau volant au monde. Ses principales occupations sont de se nourrir et de se reposer.

On en voit souvent sur les bords de la Somme. Il suffit de se promener sur le chemin de halage pour les admirer et découvrir qu’il fut un temps où ils étaient chassés. Cette histoire est évoquée sur une pancarte située à proximité du lieu où se dressait la borne de Camon, qui marquait la frontière entre Amiens et sa banlieue.

Au XVIIIe siècle, bien qu’elle ne soit plus une chasse véritable, la chasse aux cygnes est réservée aux religieux et aux seigneurs, d’Amiens jusqu’à Bray-sur-Somme. Le droit de chasse appartenait à la fois à l’Abbé de Corbie, à l’évêque d’Amiens, au Vidame, rattaché à la Baronnie de Dours, aux seigneurs riverains, celui de Rivery et celui de Blangy-sur-Somme et enfin au Chapitre. Ce dernier tenant le rang des anciens Comtes d’Amiens, "parce que le courant de la rivière lui appartient, comme le prouve l’arrêt donné à Paris au mois de février 1283 sous Philippe III" précise le Révérend Père Daire dans son ouvrage L’histoire de la ville d’Amiens écrit en 1757.

Ainsi, chaque année, le premier mardi du mois d’août, vers neuf heures du matin, "la rivière est alors couverte de bateaux chargés de monde". Les seigneurs envoyaient leurs baillis et officiers de justice rabattre les cygnes, dont les jeunes qui ne volent pas encore, vers le village de la Molette ou Motte-Brebière, au-dessus de Camons, sur "l’île à cygnes", appelée "la serinyne".

Là, on faisait le procès verbal, présidé par le bailli de l’abbé de Corbie. Une fois que les poissonnières avaient prêté serment sur le nombre de cygnes nouvellement couvés, les oiseaux étaient adjugés aux différents seigneurs et les cygneaux marqués au fer rouge du sceau de leur propriétaire. "Les Cygnes de l’Évêque se reconnaissaient par une crosse appliquée du côté droit du bec de l’oiseau ; ceux du chapitre par une croix de long et de travers ; ceux de l’abbé de Corbie par l’impression d’une clef ; ceux du Vidame par un écusson des deux côtés du bec ; ceux du seigneur de Rivery par une barre en travers et ceux du seigneur de Blangy, par un écusson placé du côté gauche" détaille l’Abbé Daire.

Si père et mère portaient chacun un sceau différent, les seigneurs partageaient la couvée par moitié. Des comptes retranscrits sur papier comme sur ce manuscrit issu du fonds du chapitre de la cathédrale d'Amiens. Il est évoqué le partage du produit d'une chasse de 1536 entre l'évêque d'Amiens et le seigneur du chapitre.

À l’issue de la cérémonie, les cygnes étaient jetés à l’eau, après avoir coupé un bout d’aile des petits, appelé "le fouet de l’aile", pour les empêcher de s’envoler, et les adultes étaient tirés à l’arc.

À cette époque, la chair de cet oiseau était encore très appréciée, comme le relate cet article de L'officier de réserve de juin 1956 : "Rabelais, qui se connaissait en bons plats, en parlant de ‘gastrolatres’, cite des cygnes parmi ceux qu’on appréciait autrefois lorsqu’on préparait de grands festins. Opinion partagée par un autre écrivain, notamment Bélon, qui assure que la chair de cet oiseau était considérée comme ‘exquise ès délices’, alors que, paraît-il, celle-ci est non seulement dure, mais, de plus, insipide".

La dernière chasse aux cygnes eut lieu le 5 août 1704. Ce n’est que depuis cette date qu’elle a été abolie mais la coutume a été conservée tout au long du XVIIIe siècle sous la forme d'une grande fête nautique. Elle devint prétexte à une joyeuse promenade en bateaux depuis le pont du Cange jusqu’à Camon, sur les différents canaux de la Somme.

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