Malgré la mobilisation des associations et de certains Amiénois, les chats errants se multiplient dans la ville et aux alentours. Souvent malades, faméliques, amochés, ils tentent de survivre seuls. Pour arrêter le phénomène, des habitants proposent des campagnes de stérilisation et alertent la municipalité.
Aurélie Ducat est bénévole dans l’association Chipnoum, basée à Corbie. Elle habite Amiens et c’est en 2020 qu’elle décide d’intégrer l’association. "À l’époque, j’ai adopté un chat de Chipnoum et je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup de chatons dehors, errants, qui étaient récupérés ou pas. J’ai voulu aider. Mais c’est un engrenage. On prend en charge de plus en plus de chats et on ne s’en sort pas. Aujourd’hui, j’ai cinq chats dans mon appartement et quatre sont en famille d’accueil. On dépense beaucoup d’argent pour les soigner et les faire stériliser. Financièrement, cela devient un gouffre."
L’association est financée grâce aux dons des particuliers, mais aussi par les ventes caritatives qu’ils organisent. Les bénévoles interviennent à Amiens et aux alentours. L’argent collecté permet d’aider les familles d’accueil qui recueillent les chats pour la nourriture et les soins vétérinaires. Mais depuis la crise du Covid, la situation s’est aggravée. "Pendant deux ans, les interventions sur le terrain ont considérablement diminué. Les portées de chatons se sont multipliées à Amiens. L’été dernier, le phénomène a pris une ampleur sans précédent", explique Aurélie Ducat.
Les associations sont débordées
La première saison de reproduction des chats se situe au printemps, avec la naissance des petits en mai. Puis une deuxième au mois d’août avec les naissances en septembre. Ce qui explique une forte activité des associations les mois d’été. La SPA et les fourrières sont débordées et les associations croulent sous les demandes. "J’ai demandé à la mairie d’Amiens d’organiser des campagnes de stérilisation, mais je n’ai pas eu de réponse. J’ai l’impression que ce n’est pas leur priorité. Pourtant, ça ne coûte pas grand-chose de mettre en place un budget municipal spécifique. Ce serait pour le bien-être de tous. La prolifération des chats entraîne des nuisances, mais représente aussi un risque routier, sans compter le bien-être animal qui devrait aussi être pris en compte", insiste la bénévole.
Je me retrouve chaque jour devant la misère de ces animaux
Mako, Amiénoise
C’est aussi le constat de Mako, une Amiénoise qui vient de lancer une pétition sur Mesopinions.com, Pour une prise en charge des chats errants par la ville d’Amiens. Loin de vouloir créer la polémique, elle souhaite alerter sur la situation des chats dans la capitale picarde. "Je n’ai pas compris pourquoi une micro polémique s’est retrouvée lancée sur le Courrier picard disant que je m’attaque aux amis des chats étant donné que je demande la stérilisation des chats errants", explique Mako. Cette jeune Amiénoise s’occupe des chats de son quartier depuis 10 ans. Actuellement, elle en nourrit une vingtaine. "Je me retrouve chaque jour devant la misère de ces animaux. De nombreuses portées naissent chaque semaine dans la rue, les mères sont souvent malades, borgnes, les mâles sont maigres. C’est une situation méconnue et je voulais que ça se sache", confie Mako. Devant cette situation catastrophique, elle contacte la mairie d’Amiens qui lui conseille d’appeler la fourrière. "À la fourrière, ils m’ont dit qu’ils n’avaient pas de place pour de nouveaux chats et que les prochains seraient euthanasiés. L’association de protection féline m’a répondu qu’ils ne pouvaient pas intervenir dans ce quartier, faute d’autorisation municipale", se désole-t-elle. Lancée fin juillet, la pétition a obtenue plus de 2 000 signatures.
On aimerait faire beaucoup plus, mais techniquement, c'est compliqué
Caroline Verlinde, présidente de l'association amiénoise les Chahuttes
La mairie d’Amiens finance dix stérilisations de chats par an, des chats sauvages récupérés dans la rue par l'association les Chahuttes, une association de protection féline amiénoise. Par arrêtés municipaux, elle permet également aux bénévoles d’intervenir dans une dizaine de quartiers par an pour trapper les chats. Il s'agit d'un système de trappe, placée au fond d’une cage. La porte se ferme automatiquement quand le chat pose les pattes sur cette trappe. L’animal est ensuite déposé chez le vétérinaire pour être stérilisé et identifié. "Nous stérilisons entre 20 et 30 chats sauvages par an et nous prenons en charge environ 200 chats errants, mais sociables, pour les faire adopter. Dans ce cas, ces derniers restent une quinzaine de jours à l’isolement dans nos familles d’accueil avant leur adoption", explique Caroline Verlinde, présidente de l’association les Chahuttes.
L’association compte 25 membres, mais seulement cinq familles d’accueil. Trop peu pour prendre en charge tous les chats errants de la ville. "On aimerait faire beaucoup plus, mais le problème n’est pas tant financier que logistique. Lorsque nous faisons stériliser les chats errants, nous les plaçons ensuite à l’isolement pour leur convalescence entre 1 et 5 nuits. Mais nous n’avons pas assez de place en famille d’accueil car cela nécessite une pièce entièrement isolées pour éviter que le chat, s’il est malade, ne contamine les autres animaux de la maison. Techniquement, c’est compliqué," ajoute Caroline Verlinde. Les chats sauvages, eux, sont remis à l’endroit où ils ont été trouvés après l’opération de stérilisation. Dans certains quartiers, les habitants les nourrissent, mais parfois, ces animaux sont considérés comme des nuisibles. D’après la présidente des Chahuttes, ils sont utiles dans certains quartiers d’Amiens. "On constate que lorsque ces chats sauvages sont remis en liberté, il y moins de rats et de lapins qui creusent des trous dans les jardins. Cela crée un certain équilibre".
La situation des chats à Amiens est négligée
Mako, Amiénoise
Impossible de déterminer le nombre de chats divaguant dans les rues d’Amiens. Des félins abandonnés, fuyards ou issus de portées nées dans la rue. Ils se cachent souvent dans les terrains abandonnés ou les jardins, parfois en meute. "La situation des chats à Amiens est négligée. La domestication entraîne une dépendance des chats vis-à-vis de l’humain. Ils ne peuvent pas se nourrir seuls. Dix stérilisations par an, c’est dérisoire. Quand on voit le nombre de chatons qui s’accroît, il faut agir", explique Mako.
À la mairie d’Amiens, Bruno Bienaimé, adjoint au maire délégué à la Nature en ville et la santé, se dit conscient du problème, mais limité par la réglementation : "Pour stériliser un chat, il faut l’identifier. On passe alors par le vétérinaire de la fourrière. Mais lorsqu’ils ne sont pas identifiés, on ne peut rien faire. Le code rural est très strict."
Des campagnes de stérilisation
Certaines communes ont trouvé la solution. C’est le cas d’Abbeville. Dans cette ville de l’arrière littoral de la Somme, le service des brigades vertes de la mairie organise chaque année, depuis cinq ans, plusieurs campagnes d’identification et de stérilisation de chats errants.
Grâce à un partenariat signé avec la fondation 30 millions d’amis, la commune est subventionnée à hauteur de 50 % des coûts. 86 chats ont été trappés, identifiés et stérilisés cette année pour un coût total de 6 000 euros. "Nous avions remarqué que les chats errants se multipliaient dans la ville et la SPA est débordée. On a profité de la proposition de convention de la Fondation 30 millions d’amis pour organiser ces campagnes. Après leur stérilisation et leur identification, les chats sauvages sont relâchés sur les lieux de capture d’origine et c’est la Fondation qui en devient propriétaire", explique Marie-Noëlle Robin, responsable du secrétariat général de la mairie d’Abbeville.
Une aide précieuse que la mairie d’Amiens ignorait. "Nous avons un budget global pour la problématique animal dans la commune. Si une solution supplémentaire existe, nous allons l’étudier", confie Bruno Bienaimé.
Selon l’avis des amis de chats que nous avons interrogés, il faut prendre le mal à la racine. L’identification des chats est obligatoire en France pour éviter les abandons et renforcer la responsabilité des propriétaires. Mais, les contrôles ne sont pas effectués et nombre de félins ne sont toujours pas identifiés. D’après certaines associations, la stérilisation devrait être obligatoire pour tous les chats.