La justice rejette les demandes de François Ruffin concernant un accord dont a bénéficié LVMH. Le député annonce saisir la Cour européenne des droits de l’Homme

En 2021, le géant du luxe, LVMH a accepté une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) de 10 millions d’euros, proposée par le parquet de Paris dans le dossier Squarcini. Un accord qui a permis à LVMH d’éviter des poursuites contre le paiement d’une amende. La cour d'appel de Paris a jugé mardi "irrecevables" les demandes du député LFI François Ruffin qui questionnait la régularité des CJIP.

"La chambre des appels correctionnels a, conformément aux réquisitions du procureur général, déclaré irrecevables les appels interjetés et les questions prioritaires de constitutionnalité déposées", a indiqué le procureur général Rémy Heitz dans un communiqué.

Le 17 décembre 2021, une juge parisienne avait validé une Cjip par laquelle le groupe de luxe avait payé une amende de dix millions d'euros pour éviter des poursuites dans l'enquête sur un système d'espionnage dans lequel est mis en examen l'ex-patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini.

Une "surveillance" dénoncée par le député de la Somme

François Ruffin, partie civile avec le journal Fakir, dénonce la "surveillance" dont ils ont fait l'objet " pendant près de trois ans" par Bernard Squarcini à la demande de LVMH, lors du tournage de "Merci Patron ! ", film satirique sur le leader mondial du luxe, récompensé du César du meilleur documentaire. Une surveillance révélée par Mediapart en juin 2019.

Les deux victimes avaient formé des pourvois contre cette décision d'homologation, estimant la transaction trop favorable à LVMH sur le principe et l'amende trop légère.

Ils avaient été balayés mi-février par la Cour de cassation qui avait rappelé que l'homologation d'une Cjip n'est "susceptible d'aucune voie de recours".

"La Cjip aujourd'hui, pour moi, c'est une espèce de terrain vague. (...) Normalement c'est pour régler des différends entre multinationales, entre Boeing et Airbus, c'est pas fait pour permettre l'espionnage de François Ruffin par Bernard Arnault", a estimé devant les journalistes le député de la Somme après l'énoncé de la décision.

"Et là, que vient de faire la justice française pour la deuxième fois ? Elle vient de dire: 'Non seulement on est d'accord pour engranger le chèque de monsieur Arnault parce que ça nous permet d'avoir une justice plus rapide et qui rapporte, mais en plus on refuse de voir si c'est conforme ou non à la Constitution'", a-t-il tonné.

La Cour européenne des droits de l'Homme saisie

Le député de la Somme a annoncé saisir la cour européenne des droits de l’Homme. "La justice française ayant rejeté tous nos recours, nous saisissons la Cour européenne des droits de l’Homme pour les manquements de l’Etat français dans son obligation de protection de la liberté d’expression (article 10 de la CEDH) et du respect de la vie privée (article 8)" indique-t-il dans un communiqué de presse.    

"Je vois la complicité de la justice française avec la multinationale du luxe. On est, avec cette décision, privé du droit de former une QPC (ndlr : question prioritaire de constitutionnalité) , ce qui nous paraît inconstitutionnel, donc on va aller devant la Cour européenne des droits de l'Homme et tenter de sensibiliser le Conseil constitutionnel à la privation de ce droit", a indiqué son avocat Benjamin Serfati, parlant d'"anomalie juridique".

La défense de LVMH a fait valoir que la décision de la cour n'était que "la simple application de la loi". "La Cjip conclue avec LVMH est conforme à la position du procureur de la République et des juges d'instruction en charge du dossier", elle a été "validée par un magistrat du siège indépendant et ne saurait souffrir la moindre critique", ont de leur côté réagi les avocats de LVMH Hervé Temime et Jacqueline Laffont.

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