Trois associations ont déposé un recours contre l’arrêté anti-mendicité, pris par la ville d’Amiens et entré en vigueur depuis le 1er mai. Le tribunal administratif d’Amiens a décidé de suspendre cet arrêté, ce jeudi 16 mai 2024.
"C'est un sacré soulagement", confie Mickaël, sans-abris à Amiens. "On fait la manche pour se nourrir, payer l'auberge de jeunesse etc." Durant les quinze jours d'application de l'arrêté anti-mendicité, il a reçu une amende de 139 euros : "Je ne touche pas de RSA, je n'ai aucun revenu donc je n'aurais pas payé de toute façon."
Des associations mobilisées
"On ne peut pas être contents, on aurait aimé ne pas avoir à faire recours au tribunal. On se bat contre l'évidence", réagit La ligue des droits de l'homme d'Amiens. "Mais on va pouvoir faire annuler les amendes qui ont déjà été dressées."
L'association, aux côtés de Maraudes citoyennes amiénoises et Solam-solidarité amiénoise, avait saisi le tribunal administratif en référé pour s'opposer à un arrêté pris dans plusieurs rues de l'hypercentre d'Amiens, entre 8h et 20h, jusqu'au 31 août 2024.
« Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu.”
— Lucien Fontaine (@fontainelucien) May 16, 2024
Suspension de l’arrêté anti-mendicité du maire d’#amiens !
C’est gagné !
💪@LDH_Fr @amienois_marche maraudes citoyennes amiénoise #plusfortplusnombreux pic.twitter.com/jN381OBChY
La juge des référés a estimé que cet arrêté entraîne "une limitation substantielle et durable à la liberté d’utiliser et d’occuper l’espace public" et "une atteinte grave et immédiate à la liberté d’aller et venir, ainsi qu’aux intérêts collectifs défendus par les associations requérantes", précise le tribunal administratif par communiqué de presse, ce jeudi 16 mai 2024.
Une audience deux jours plus tôt
Lors de l’audience, qui s’est tenue mardi 14 mai 2024, l’avocat de la ville d’Amiens justifiait cet arrêté par "une période de forte affluence prévue cet été" due à différentes manifestations : le festival des jardins, Minuit avant la nuit ou les Jeux olympiques.
"Argument non valable", pour Lionel Crusoé, avocat pour la Ligue des droits de l’homme.
On a des personnes sans-abri, démunies et qui sont contraintes d’exercer la mendicité mais elles appartiennent à notre société. Ces personnes n’ont pas à être invisibilisées pour tel ou tel événement.
Lionel CrusoéAvocat pour la Ligue des droits de l’homme
Par ailleurs, la municipalité évoquait plusieurs incidents, causés selon elle par des personnes sans domicile fixe : "ivresse sur la voie publique" ou "nudité". Aucune main courante n’a toutefois été déposée. "C’est bien la preuve qu’à Amiens, les personnes qui sont contraintes d’exercer la mendicité, le font, dans l’écrasante majorité des cas, de manière très paisible", rétorquait alors Lionel Crusoé.
La réaction de la municipalité
La municipalité d'Amiens dit "prendre acte" de cette suspension. "Nous continuerons à travailler avec les commerçants et les habitants pour trouver les solutions les plus adaptées au renforcement de la tranquillité publique et à l’attractivité du centre-ville afin que celui-ci reste un pôle économique majeur", indique Brigitte Fouré, maire (UDI), dans un communiqué de presse.
Renaud Deschamps, conseiller municipal d'opposition, suggère quant à lui de "se baser sur le trouble à l'ordre public" ainsi que "sur un arrêté municipal, pris il y a quelques années, pour interdire la consommation d'alcool sur la voie publique."
De son côté, la mairie rappelle les dispositifs mis en place "à destination des sans domicile fixe, et plus largement, des Amiénois les plus en difficulté" : installation de casiers solidaires, chalet de la solidarité ou frigos partagés.