Le lundi 6 mai était initialement la date limite de dépôt des dossiers pour les groupes industriels intéressés par une reprise de l'entreprise Metex, placée en liquidation judiciaire au mois de mars. Un délai supplémentaire a été annoncé : le repreneur a jusqu'au 27 mai pour présenter son offre.
Ce lundi matin, les salariés de l'usine Metex d'Amiens l'attendaient avec impatience : le groupe industriel positionné pour reprendre Metex, suite à son placement en redressement judiciaire, devait présenter son offre. Mais la journée a pris une tournure inattendue.
À 14 heures, le groupe Metex a publié un communiqué pour annoncer qu'Avril, le géant de l'agro-industrie qui se propose de reprendre Metex, n'a pas déposé son offre comme convenu. Un délai supplémentaire a donc été décidé : le repreneur a jusqu'au 27 mai pour présenter son dossier. Le groupe Avril demande en effet des garanties de la part de l'État avant de concrétiser sa reprise. L'attente des salariés s'éternise et certains s'enfoncent dans la détresse.
"Le dossier a avancé, mais pas exactement comme on le voulait"
Devant l'usine, Rudolph Hidalgo, directeur général adjoint du groupe METabolic EXplorer (Metex), peine à se montrer aussi enthousiaste qu'à son habitude. Il tient néanmoins à souligner l'aspect positif de cette situation. "J'aurais préféré qu'aujourd'hui, on soit en mesure d'annoncer à l'ensemble de nos partenaires et à l'ensemble de nos salariés que l'on a une offre ferme, solide et définitive", admet-il.
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Mais il en sera différemment, car le groupe Avril demande à l'État des garanties supplémentaires. "Tout d'abord, sur les matières premières, il y a une discussion qui était en cours depuis plusieurs mois, toute proche d'aboutir. Il y a un travail colossal qui a été fait au niveau du ministère de l'Industrie (...). Ce travail est sur le point d'aboutir, mais pas encore abouti, donc il y a une attente de la part du repreneur, d'avoir la certitude que ce travail sera bien abouti avant de déposer son offre", détaille Rudoph Hidalgo. Comprendre : la baisse du prix du sucre promise par l'État doit être actée avant qu'Avril ne se décide à investir.
Mais le groupe Avril demande aussi une participation financière de la puissance publique : "il y a également une discussion avec l'État sur le périmètre exact de l'offre de reprise et sur l'investissement que l'État serait prêt à faire aux côtés du repreneur et quel véhicule financier l'État utilisera pour ça. Ce sont des discussions qui sont encore en cours et pour lesquelles il a été décidé par le repreneur potentiel d'attendre d'avoir des réponses définitives avant de déposer son offre."
Il y a une part de déception, car le dossier a avancé, mais pas exactement comme on le voulait et pas aussi loin qu'on voulait
Rudolph Hidalgo, directeur général adjoint du groupe METabolic EXplorer
L'État était déjà détenteur de près de 30% du capital de Metex, via son fonds d'investissement Bpifrance. La puissance publique avait également participé au sauvetage financier de l'entreprise en décembre 2022. Le groupe Avril demande donc des garanties financières de la part de la puissance publique, signe, d'après Rudolph Hidalgo, d'un fort intérêt pour le site industriel amiénois.
"Il y a une part de déception, car le dossier a avancé, mais pas exactement comme on le voulait et pas aussi loin qu'on voulait, reconnait Rudolph Hidalgo. Il y a ces conditions suspensives, on sait ce qui doit être fait pour qu'elles soient levées et on a tous bon espoir que ces points de questionnement soient très vite levés et qu'on puisse avancer sur ce dossier." Il invite à "voir le verre à moitié plein" et veut croire à cette reprise.
"On est angoissés, on a envie que tout ça s'arrête"
Du côté des salariés, au chômage partiel depuis le mois de janvier, ces tractations semblent interminables. "On est stressés, on est angoissés, on a envie que tout ça s'arrête, de quelque manière que ce soit" souffle Vanessa Thuillier, secrétaire du CSE de Metex.
Ça fait des mois que ça dure. Aujourd'hui, trois semaines supplémentaires, ça peut paraître pas beaucoup, mais pour les salariés qui sont déjà en détresse, rien que trois jours, c'est déjà trop...
Samir Benyahya, délégué CFDT de l'usine Metex.
L'annonce de ce délai supplémentaire est très mal vécue par des salariés qui accusent déjà le coup de ces derniers mois. "Je n'arrête pas, depuis tout à l'heure, les salariés m'envoient des messages, m'appellent en détresse. Il y a beaucoup de stress, regrette Samir Benyahya, délégué CFDT de l'usine Metex. Ça fait des mois que ça dure. Aujourd'hui, trois semaines supplémentaires, ça peut paraître pas beaucoup, mais pour les salariés qui sont déjà en détresse, rien que trois jours, c'est déjà trop... Franchement, la situation devient urgente, très urgente."
Il participe régulièrement aux réunions entre la direction et les ministères et s'attendait donc à ce délai, mais continuait d'espérer qu'un compromis serait trouvé en temps et en heure. Il souligne tout de même que les éléments communiqués par le ministère de l'Économie sont "rassurants", mais attend maintenant des actes.
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"L'État s'était engagé à obtenir un prix du sucre et aujourd'hui, il n'y a rien d'écrit encore, indique Samir Benyahya. L'avenir de l'entreprise dépend de l'État, qui a les clefs en main. Soit l'État agit et décide de sauver la seule usine d'acides aminés en Europe, soit-il ne fait rien et ce sera la fermeture assurée pour le site d'Amiens. On va prévoir des mobilisations dans les jours à venir pour faire entendre notre voix."
La direction de Metex assure avoir les ressources financières suffisantes pour maintenir l'activité jusqu'au mois de juin. Si le groupe Avril obtient satisfaction et dépose son offre le 27 mai, ce sera au tribunal administratif d'entrer en scène pour l'étudier et valider, ou pas, la reprise de cette usine.