Endives, confitures, géraniums... Il peut y avoir une fête ou un festival pour tout. Jean-Paul Plez en a fait sa spécialité : organiser des fêtes pour mettre en avant le patrimoine et les savoir-faire de la région pour le plus grand plaisir de ses habitants.
L'envie d'organiser des fêtes
Quand vous appelez Jean-Paul Plez au téléphone, c’est toujours par un grand "Allô" qu’il décroche ! Le genre de "allô" qui vous met tout de suite dans l’ambiance. Dans l’accueil et la convivialité ! Nous nous retrouvons chez lui dans son salon pour discuter de ce qui fait de lui l’homme des fêtes et des traditions. Un homme grand aux cheveux gris, bouclés et un peu hirsute.
Il faut que je vous raconte notre rencontre. C’était une fin de journée d’automne en semaine chez un coiffeur rue Saint-Maurice à Amiens. Il pleuvait. Je rentre dans le salon, Jean-Paul le quitte. Il me reconnaît car je présentais le journal à l’époque. La mayonnaise prend immédiatement...
"Bouge pas d’là je reviens..." il sort, mouille sa coiffure toute neuve et revient trempé avec dans la main deux bouteilles de beaujolais nouveau. Rien de bien fabuleux sauf que nous sommes à cinq jours de la sortie du "vin au goût banane". Je ne sais pas si vous avez déjà tenté de trouver du beaujolais nouveau avant sa sortie officielle le troisième jeudi de novembre... C’est mission impossible pour les non-initiés. Pour Jean-Paul, rien n’est impossible tant que c’est convivial !
Tout commence à Doullens le 3 octobre 1951. Jean-Paul naît dans une fratrie de deux frère et sœur (Jean-Eric et Marie-Christine). Des souvenirs simples de gamins à bêtises. C’était déjà le meneur Jean-Paul. "On adorait faire courir les gens. On sonnait aux portes en partant en courant, on planquait les vélos qui traînaient devant les magasins. On mettait l’ambiance quoi". Tiens tiens...
Sa vie professionnelle, il la passe à la SNCF. Engagements syndicaux, toujours sur les voies, il est connu pour son sérieux et son sens du discernement. Il y a sa vie au travail et sa vie à côté... Et c’est celle-là qui fait de lui un type à part. Comme souvent l’adulte que nous sommes et issu d’un enfant qui n’a jamais vraiment voulu grandir.
"L’envie d’organiser des fêtes est très simple. Mon père faisait partie de la direction du club de foot de Doullens. J’ai toujours un souvenir phénoménal de mon père. Il faisait des tombolas pendant la kermesse mais les gens devaient partir avec les lots le soir même. Je revois encore les gens partir avec une vache ou un cochon du stade de Doullens." Il rit de bon cœur et on imagine assez bien la scène...
Et puis son oncle aussi, ancien maire de Puisieux qui organisait des spectacles dans une salle des fêtes : André Verchuren et son accordéon, Stone (avec Charden), la grande époque... Et puis les premiers concours de Miss aussi... Un bon moule dans lequel Jean-Paul a puisé son inspiration. Le déclic a lieu un matin de 1995...
Du festival des confitures à l'élection de Miss Endive
"Je ne travaillais pas et je regardais Matin Bonheur sur Antenne 2". Olivier Minne présente Francis Miot, un artisan confiturier avec une immense moustache. Le bonhomme est alors triple champion du monde de confiture.
Tout s’emballe dans sa tête, il organisera cette année-là, une première fête des confitures. "J’ai appelé tout le monde. Des artisans, des producteurs de fruits, des sucreries, et même des mamies qui font ça dans leur cuisine..."
Croyez-le ou non, mais l’une de ces mamies, Madame Defacque, est grâce à lui devenue championne du monde des confitures à la place de Francis Miot. C’était en 2013 à Beaupuis près de Marmande en Haute-Garonne.
Lui se fait son petit nom dans le monde de la confiture. Il devient membre de plusieurs jurys nationaux et internationaux. Car l’histoire paraît facile comme ça, mais il faut se renouveler, trouver des idées, des gens, des histoires à mettre en avant dans ces fêtes de la confiture qu’il organise donc chaque année depuis 26 ans. 3000 personnes à ses débuts dans la salle Valentin Haüy à Amiens.
On était obligé de refuser du monde... Sur le parking c’était le chaos.
Quand ils partent en vacances, sa femme et ses enfants vont à la plage pendant que lui parcourt les marchés pour faire son casting. Il étoffe son carnet d’adresses et surtout fait d’Amiens la capitale des rencontres de la confiture.
Mais comme si ça ne suffisait pas, Jean-Paul lance en même temps de nouveaux festivals et de nouvelles traditions avec. Ainsi naissent les fêtes du foie gras à Flesselle et Saint-Valery-sur-Somme, la fête du beaujolais, la fête des fèves, la fête de la pomme à Poix-de-Picardie, la fête du géranium à Picquigny... Ou encore la fête de l’endive à Dreuil-lès-Amiens. Un grand rassemblement populaire, gratuit, avec des producteurs, des concours de recettes, des démonstrations et... Il a osé... (En hommage à son oncle) la première élection de Miss Endive !
Nous avions réalisé une émission matinale en direct de cette fête pour suivre l’organisation.
Vous n’imaginez pas avec quel sérieux les filles s’investissent dans cette aventure. J’ai ainsi assisté à cette scène surréaliste d’un père, accompagné de sa descendance, en venir presque aux mains avec Jean-Paul car elle n’avait pas été retenue dans la sélection finale. On en rigole, mais c’est très sérieux.
"Ouais mais on m’en parle encore. Elles ont toujours trouvé du boulot grâce à ça ! Ça donnait de l’assurance aux filles ! On est obligé de refuser du monde. Tu vois des filles arriver, poussées par leurs mères et ressortir du concours métamorphosées. Elles gagnaient 350 euros en bons d’achats, un bijou, du maquillage, etc."
"Je fais des fêtes des choses que j’aime"
Quand beaucoup lui disent que ça ne marchera jamais, lui allait distribuer des flyers dans les boîtes aux lettres ou sur les parkings des brocantes. Car il est (très) bon en communication le Jean-Paul... Il a compris qu’il fallait aller chercher les gens qui sortent. Un jour, alors qu’il tracte à Doullens, lui prend l’idée d’aller déposer des tracts sur le parking du nouveau magasin IKEA à Hénin-Beaumont. Pas la porte à côté, mais ça valait le coup ! Carton avec la présence des gens du Nord et surtout des Belges qui viennent en nombre passer un week-end dans les villages où ont lieu les fêtes.
Et puis les objets publicitaires (faut le voir avec les lunettes roses de la fête de l’huître), les façons qu’il a d’aborder et de trouver les bonnes personnes. Savoir s’entourer, savoir obtenir des aides des villages dans lesquels il organise tout cela.
Sans parler des bénévoles... Car mobiliser les gens quand on ne peut pas les payer reste la plus rude des tâches. Catherine, sa femme, me raconte cette capacité qu’il a de fédérer les bénévoles. Savoir les motiver et faire en sorte qu’ils participent à la fête tout autant que ceux qui viennent.
Autant de bénévoles qui reviennent c’est plutôt bon signe non ?
Catherine, d’ailleurs, c’est son plus fidèle soutien. "Moi, je faisais la secrétaire, le ménage, je gérais les petits-déjeuners, et repas de tout le monde... Et j’observais Jean-Paul. Quand ça va pas on le voit tout de suite, ça se voit à sa tête".
Lui rajoute : "Chez nous ça fonctionne car je prends soin des bénévoles. L’association OTS (organisation tradition et spectacle), qui existe depuis 27 ans, se dirige comme une entreprise. Au fond on est un peu créateurs d’emploi et on participe à la relance économique. On les met en avant tous ces gens-là avec leur savoir-faire."
En cette période de confinement renouvelée, je pensais trouver un Jean-Paul abattu et un peu désabusé. "J’ai vécu une année bien longue. Je me suis mis à faire du jardinage. Des patates, une nouvelle idée de fêtes tiens..."
Je saisis l’opportunité pour lui demander si ce n’est pas l’occasion d’arrêter. Il me répond : "Non, au contraire, c’est l’occasion de repartir !" Prochaine fête : celle de la pomme de terre donc en octobre prochain, une première si tout va bien.