Après la prérogative d’administrer certains vaccins, les pharmaciens vont se voir attribuer la possibilité de délivrer un traitement antibiotique, pour une angine ou une cystite. Sans passer par le médecin. Une annonce faite par la Première ministre, jeudi 31 août, qui divise à Amiens.
Recevoir des antibiotiques pour une cystite ou une angine, directement en pharmacie, sans passer par une visite chez le médecin. Ce sera bientôt possible. L’annonce est tombée ce jeudi 31 août, par la Première ministre. Pour cela, les patients devront passer un entretien et un test dans l’officine pour confirmer l’origine bactérienne de la maladie.
À Amiens, Martine Leroux, pharmacienne, estime "que ça va permettre de simplifier l’accès aux soins des patients, de désengorger les cabinets de médecins […] Ce sont des pathologies qui sont relativement bénignes, qui ne nécessitent pas logiquement d’aller chez le médecin. On peut les traiter relativement facilement par l’antibiotique. Ça permettrait de gagner du temps pour le médecin."
"Je n’ai pas envie de remplacer le médecin par rapport au patient. Le diagnostic, c’est le médecin, ce n’est pas nous."
Gilles Tranchant - pharmacien
Si cette dernière ne voit pas de contrainte supplémentaire, d’autres pharmaciens y voient une mission de plus. De nouvelles attributions qui ne sont pas sans risque, juge Gilles Tranchant, gérant d'une autre officine. "Je n’ai pas envie de remplacer le médecin par rapport au patient. Le diagnostic, c’est le médecin, ce n’est pas nous."
Par ailleurs, il pointe les besoins supplémentaires que ça peut impliquer aux pharmacies. "La pharmacie aura une indemnité de deux euros ou trois euros j’imagine, pour un temps chronophage au comptoir de dix minutes, un quart d’heure. Toutes les officines n’ont pas une cinquantaine d’employés."
De leur côté, les généralistes jugent la mesure inadaptée, voire dangereuse dans le cas de la cystite en particulier. "Pour la cystite, je suis vraiment en refus total", exprime Georges Barjoud, médecin généraliste. "Comment, il (le pharmacien, NDLR) peut savoir si c’est une infection urinaire basse, une cystite aiguë simple, ou une infection urinaire haute. Et dans ces cas-là, on parle d’une pyélonéphrite, une atteinte rénale. Le traitement est complètement différent entre les deux diagnostics."
"Je ne pense pas que les pharmaciens sont aptes à faire un examen clinique sur un patient. Il est là le problème."
Georges Barjoud - Médecin généraliste
Ce dernier souligne que pour faire la différence entre les deux infections urinaires, il faut faire un examen clinique. "Et ça, je ne pense pas que les pharmaciens sont aptes à faire un examen clinique sur un patient. Il est là le problème."
Avec cette nouvelle prérogative, se pose la question du remboursement des patients qui reste floue. Eux aussi sont partagés par cette nouvelle possibilité. Une patiente affirme qu'elle ne changera pas sa manière de faire." Je préférerais voir mon médecin traitant avant. Prendre un médicament comme ça, on peut avoir une allergie ou une mauvaise réaction."
Une autre, au contraire, souligne l’aspect positif de cette mesure. "Il y a des moments, c’est difficile de trouver un médecin traitant disponible. Et c’est vrai qu’on est toujours bien conseillé par nos pharmaciens. Donc pourquoi pas."
Cette mesure s’ajoute à l’élargissement des compétences de certains professionnels de santé afin d’améliorer l’accès aux soins, mais pour Georges Barjoud, c’est une fausse solution. "Est-ce qu’en donnant aux pharmaciens la possibilité de prescrire un antibiotique, ça va attirer les médecins généralistes, les jeunes internes de médecines générales à s’installer […] Il y a un vrai manque d’attractivité. Ce n’est pas en mettant ce type de rustine là qu’on va améliorer le problème d’accès aux soins."
La date d’application de ces nouvelles habilités devrait être communiquée dans les prochains jours.
Avec Sophie Crimon / FTV