"On ne lâchera pas" : le Conseil de Paris demande une nouvelle fois la suspension du gynécologue Emile Daraï

Le Dr Emile Daraï, gynécologue spécialiste de l'endométriose à l'hôpital Tenon, a été mis en examen 32 fois pour violences volontaires depuis 2022. Il continue pourtant ses consultations en attente de son procès, ce que dénoncent des élues de la ville de Paris, qui ont fait voter à l'unanimité une demande de suspension auprès de l'AP-HP et de l'Ordre des médecins.

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"Je soutiens la demande de suspension du professeur Émile Daraï et l'arrêt immédiat de ses consultations." L'adjointe à la maire de Paris en charge de la santé, Anne-Claire Boux, n'a pas été la seule à voter cette résolution lors du dernier conseil de la ville de 2024, le 18 décembre dernier.

C'est en effet à l'unanimité que les élus du Conseil de Paris ont émis le vœu que ce gynécologue de l'hôpital Tenon (20e arrondissement), visé depuis 2022 par 32 mises en examen pour "violences volontaires par personne chargée d'une mission de service public", soit écarté de ses fonctions en attente de son procès.

Une suspension réclamée "par principe de précaution"

À l'initiative de l'élue écologiste Emmanuelle Rivier, déléguée au maire du 20e en charge de l’égalité femmes-hommes et de la lutte contre les violences faites aux femmes, l'instance politique a mis un nouveau coup de pression sur les hôpitaux de Paris, et pour la première fois, sur l'Ordre des médecins, concernant cette affaire.

"32 mises en examen, cela signifie qu'il y a des indices graves et concordants", rappelle Emmanuelle Rivier, également avocate. "Par principe de précaution, et pour protéger les patientes, on dit qu'il est nécessaire de le suspendre en attendant la fin de l’enquête. L’Ordre des médecins va-t-il continuer à se taire alors que la maire de Paris, avec tous les représentants des habitants de Paris derrière elle, y compris la droite de l’hémicycle, l'interpelle ? On ne lâchera pas", indique l'élue.

Pour rappel, ce spécialiste de l'endométriose a été accusé en 2021 d'avoir effectué des actes médicaux brutaux voire violents sans demander le consentement par des patientes. Le collectif Stop aux Violences Obstétricales et Gynécologiques affirme avoir recueilli 190 signalements le concernant, et 36 plaintes ont été déposées pour "viol, viol en réunion et viol sur mineur". Pour quatre d'entre elles, les faits étaient prescrits. Le qualificatif de viol n'a finalement pas été retenu par l'instruction.

L'hôpital public a un devoir d’exemplarité.

Emmanuelle Rivier, avocate et élue à la maire du 20e arrondissement de Paris

À la suite d'une enquête interne, l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a reconnu une "maltraitance" en évoquant "le caractère standardisé, rapide, technique et sans affect de la consultation, parfois brutal et sans empathie". "L’obligation d’information de ces patientes, le soulagement de leur douleur, le respect de leurs volontés n’ont pas été respectées".

Il a depuis été démis de ses fonctions de chef de service à l'hôpital Tenon et de ses responsabilités pédagogiques à Sorbonne Université. Mais il continue d'avoir le droit de recevoir des patientes en consultation de gynécologie-obstétrique, publique ou privée. "L'hôpital public a un devoir d’exemplarité", selon Emmanuelle Rivier. À l'hémicycle, elle raconte qu'elle a reçu le témoignage, il y a un mois, "d’une femme qui se rendait aux consultations la peur au ventre ". "Quand on est patiente à l’hôpital Tenon, on ne choisit pas son médecin. Finalement, elle n’est pas tombée sur lui."

L'AP-HP "applique strictement les conditions du contrôle judiciaire"

De son côté, l’AP-HP assure qu'elle "applique strictement les conditions du contrôle judiciaire décidé par le juge d’instruction, seul à connaître de l’ensemble des éléments du dossier d’instruction, dans le cadre de la procédure en cours". Après la remise de ce rapport interne aux autorités (ministère de la Santé, ARS), l'institution indique que "les conditions d’organisation des consultations ont été revues" avec, comme préconisé dans le rapport d’enquête, un "consentement des patientes recueilli et tracé avant la réalisation des actes au cours des consultations", et "un personnel soignant présent lors des consultations".

"S'il s'agit d'un interne, ou d'un soignant en dessous de lui au niveau hiérarchique, ce n'est pas rassurant du tout", déplore Sonia Bisch, fondatrice et porte-parole de Stop VOG, qui rappelle qu'à l'époque, "ce sont d'abord des témoins, de jeunes médecins très intègres, qui ont donné l'alerte". Son collectif avait lancé une pétition réclamant la suspension du médecin dès 2022 (28 000 signatures). En 2023, les syndicats étudiants de la Sorbonne s'étaient également indignés de la poursuite de ces consultations. Le Conseil de Paris en est à son troisième appel. Entre-temps, d'autres polémiques ont rappelé le cas Daraï, même si en parallèle, des patientes ont également écrit une lettre de soutien au médecin. Contacté, le conseil d'Emile Daraï n'a pas répondu à nos sollicitations. 

Le consentement médical en question

"Malgré tout, rien ne bouge", regrette Sonia Bisch. "Que font toutes ces institutions qui ont des pouvoirs de suspension, comme l’Agence régionale de santé, ou le Conseil national de gestion des praticiens hospitaliers ? Faudra-t-il attendre 10 à 15 ans de procès à chaque fois ? Ne sont-elles pas là pour garantir la sécurité et la santé des patientes ?", lâche la militante, qui estime qu'il s'agit là "de bon sens". "Peut-être qu’il faut qu’on en vienne à des grèves, à des manifestations... Mais ça serait dommage d'en arriver à un tel rapport de force."

Pour Emmanuelle Rivier, cette situation peut s'expliquer par une problématique plus large qui se trouve au cœur de la pratique médicale. "Le véritable problème c’est le rapport d'autorité entre le médecin et son patient. La notion de consentement pour les médecins est très loin d’être évidente", juge cette élue, qui a déjà fait face à ce questionnement lors d'un épisode de sa vie personnelle. "Quand j’étais sur le point d’accoucher dans une chambre d’hôpital, j’ai vu arriver un monsieur qui ne s’est pas présenté et qui ne m’a rien dit. Il a commencé à vouloir m’installer une péridurale (technique d'anesthésie qui soulage la douleur lors de l'accouchement, ndlr) sans me demander mon accord. Je sais que je ne suis pas la seule."

La polémique qui entoure le sort du Pr. Daraï aura au moins permis de parler davantage des violences gynécologiques. Car selon la présidente de Stop VOG, "C'est l’arbre qui cache la forêt : les violences sexistes et sexuelles (VSS) sont largement présentes dans le secteur de la santé et à tous les niveaux". Fin novembre, le Conseil national de l'Ordre des médecins a publié les résultats d'une grande enquête sur les VSS dans le milieu médical. Si l'institution annonce une politique de "tolérance zéro" en cas de violences sur des personnels soignants, elle ne se prononce pas sur le cas des violences commises par les soignants sur les patientes.

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