Mort de Robert Badinter. Ses anciens étudiants en droit se souviennent : "la peine de mort, il souhaitait que nous n'ayons pas à la connaître"

Le symbole de la lutte contre la peine de mort, Robert Badinter s'est éteint dans la nuit du 8 au 9 février. Professeur à l'université d'Amiens entre 1969 et 1974, ses anciens étudiants se souviennent de son combat.

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Robert Badinter est mort dans la nuit du 8 au 9 février. Enseignant à l'université d'Amiens entre 1969 et 1974, la période aura été marquante pour le professeur, l'avocat et l'homme. Il était en exercice au moment de l'exécution de son client Roger Bontems. La mise à mort de cet homme en novembre 1972 aurait motivé son combat contre la peine capitale jusqu'à son abolition en 1981 alors qu'il était ministre de la Justice.

Après la mort de Bontems, il était en cours avec ses élèves

Me Hubert Delarue était l'un de ses élèves à l'Université d'Amiens. Il se souvient encore du 28 novembre 1972 : "un matin, on a entendu à la radio que Bontems et Buffet avaient été exécutés. Le cours était à 9h. C'était lui qui commençait la matinée. On pensait qu'il ne viendrait jamais et ça aurait été normal. Après ce qu'il avait vécu auprès de la guillotine, il avait autre chose à faire. Il était à côté de l'échafaud à 5h et ensuite, il a pris son train pour nous retrouver à 9 ou 10h. Il pensait que l'accomplissement de la tâche ordinaire l'extrairait de cette ambiance de mort." Le cours s'est limitée à aborder les procédures de faillites commerciales.

L'atmosphère, ce jour-là, reflétait le respect que lui portaient ses étudiants. "Quand il est arrivé, on s'est levé et quand il est parti, on l'a entouré avec beaucoup de chaleur. On était une vingtaine. On ne savait que dire, ou faire, on aurait dit une espèce de garde prétorienne... On ne s'est rien dit et il ne nous a rien dit. Qu'est-ce que vous voulez dire à quelqu'un qui a vingt ans de plus que vous dans un jour pareil ?", raconte-t-il. 

C'est aussi le charisme de l'homme, dont ses anciens étudiants se souviennent : "Je me souviens encore de son grand imperméable. Il était Badinter, il était à l'ancienne, un peu distant. Ce n'était pas quelqu'un que vous approchiez comme ça. Il y avait une forme de distance, de respect. Cela n'encourageait pas à s'apitoyer", décrit l'avocat.

"C'était un homme extraordinairement sincère"

Le destin d'Hubert Delarue a été bouleversé par cette rencontre : "J'étais destiné à rentrer dans les affaires, mais finalement, je suis devenu pénaliste. C'est sûrement au regard de ce que j'ai vécu à cette période." La pratique de son métier a, elle aussi, à changer grâce à lui. "J'ai commencé à exercer en janvier 1980. La loi a été votée en 1981. J'ai eu cette chance de ne pas connaître la peine de mort. Il souhaitait que nous n'ayons pas à la connaître", témoigne-t-il. 

D'autres élèves soulignent les qualités de l'ancien garde des Sceaux. Pascal Pouillot a été étudiant à l'UPJV lorsque Robert Badinter y donnait des cours. Il raconte : "il était très rigoureux et respecté, d’autant plus qu'à l'époque, il y avait une forte contestation. Les relations entre professeurs et élèves n'étaient pas très bonnes. Il était inspirant. C'était un homme extraordinairement sincère. Il ne jouait pas la comédie. Plus tard, je l'ai rencontré en tant qu'avocat. Il savait influencer, pour ne pas dire terroriser les jurys, à l'idée de prononcer une peine de mort."

Un hommage national sera rendu à Robert Badinter selon le Président de la République Emmanuel Macron qui, en déplacement à Bordeaux, a salué sa mémoire : "La nation a perdu, à coup sûr, un grand homme."

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