Murs moisis et fissurés, punaises de lit et cafards : une mère de famille porte plainte contre son bailleur social

La locataire d'un logement social à Amiens porte plainte contre le bailleur pour logement insalubre. Elle évoque des moisissures sur les murs de son appartement, mais aussi des punaises de lit et des blattes. Le bailleur se dégage de toute responsabilité, arguant que l'appartement a été récemment refait à neuf.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Dans le mail qu’elle envoie à notre rédaction, on devine que Tiphanie Lefebvre est épuisée et désespérée par sa situation. Une situation qui semble dantesque et à laquelle la mère de quatre enfants ne voit plus d’issue. Selon ses dires, son logement est insalubre et son bailleur social ne fait rien pour l’aider : "L’Amsom me laisse vivre avec mes 4 enfants dont un nourrisson de 11 mois dans un logement insalubre : humidité, champignons, trous à ma porte d’entrée, moisissures... En plus de ça, j’ai actuellement des punaises de lit et des blattes pour la deuxième fois. Je ne peux plus vivre dans ce logement. Actuellement, mes parents m’hébergent avec mes enfants. Ils n’ont que 2 chambres."

Le mail est accompagné de photos pour le moins édifiantes et du récépissé de la plainte qu'elle vient de déposer contre le bailleur pour "logement insalubre" et "refus de reloger son occupante." 

Un extérieur trompeur 

Depuis le parking, l'immeuble, situé dans le nord d’Amiens, ressemble à beaucoup d'autres bâtiments des années 70. Il est même plutôt accueillant. Les fenêtres ont l’air d’avoir été changées récemment et la façade repeinte. En entrant, on constate le piteux état des boîtes aux lettres, mais rien d’alarmant.  

Tiphanie Lefebvre habite au 2e étage de ce bâtiment qui en compte 4. Elle loue ce quatre-pièces depuis neuf ans. Quand elle nous en ouvre la porte, le contraste avec l’extérieur est saisissant. Le contour des fenêtres et l’encadrement des portes sont creusés par des fissures parfois profondes. Tiphanie Lefebvre nous raconte que le soir, des blattes sortent de ces trous.

La tapisserie a été arrachée et les murs sont constellés de moisissures, des murs qui s'effritent par endroits. Si la mère de famille a dû arracher le papier il y a deux ans, c’était pour venir à bout des punaises de lit qui avaient envahi le logement. Elle dit avoir été obligée de lacérer certains matelas pour vérifier la présence de ces nuisibles. Depuis, l’appartement est sens dessus-dessous, les vêtements de toute la famille regroupés dans des sacs-poubelle dans un coin de chaque chambre.

"Avec mon petit frère, on reste éveillés toute la nuit pour ne pas se faire piquer. On ne dort plus"

"La première fois, ils m'ont laissée deux ans dedans jusqu’à ce que je sois obligée d’aller voir l’assistante sociale de l’hôtel de police pour qu’ils interviennent. J’ai perdu tous mes biens, j'ai enfin réussi à me remeubler et là, je retombe dans les punaises de lit. Je ne veux pas reperdre toutes mes affaires.", raconte-t-elle au bord des larmes avant d'ajouter : "J’ai acheté mes meubles à crédit et je n'ai même pas encore fini de les payer". 

Les enfants ne sont pas plus sereins. Kélya est élève en classe de 4ᵉ et elle ne supporte plus la situation. "Les bêtes sortent la nuit. Avec mon petit frère, on reste éveillés toute la nuit pour ne pas se faire piquer. On ne dort plus". Aujourd'hui, la famille est hébergée par les grands-parents à deux pas de leur immeuble. Ils sont six dans un appartement qui comprend seulement deux chambres. 

La mère de famille dit réclamer un changement de logement depuis deux ans auprès de son bailleur social. Mais sans succès. 

Contacté, le directeur général de l'Amsom, David Quint, affirme ne pas être informé de la plainte déposée par Tiphanie Lefebvre. Il ne serait pas davantage au courant de ses demandes de changement de logement.

Bailleurs et locataires se renvoient la responsabilité 

Visiblement agacé par nos questions, il soutient : "On a fait énormément de travaux dans ces immeubles puisqu'on y a dépensé 28 millions d'euros. C'est une très grosse réhabilitation. Et concernant cette personne en particulier, effectivement, elle a des difficultés, mais qui sont aussi de son fait puisque ce sont des sujets qui sont d'ordre locatif." 

D’où vient donc la moisissure sur les murs ? "Pour moi, il n'y a pas de problème structurel d'humidité, assure-t-il. L'humidité, ça vient soit du toit, soit des murs, soit des fenêtres. Et en l'occurrence, les trois ont été changés récemment."

Avant de nuancer son propos : "Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problématique d'humidité, mais ça peut aussi provenir du fait que les entrées d'air dans le logement sont bouchées. Ce qui fait que l'air intérieur ne se renouvelle pas suffisamment et ça peut créer des problèmes d'humidité quand on fait sécher son linge ou quand on respire, tout bêtement, dans une chambre dont les fenêtres sont bouchées. Et donc des traces noires apparaissent au plafond". Selon les dires de David Quint, Tiphanie Lefebvre pourrait donc être responsable de l’insalubrité de son appartement par défaut d’entretien. Ce serait donc à elle de supporter la remise en état des lieux.

Une responsabilité que la mère de famille rejette entièrement. Elle assure aérer régulièrement son logement et ne pas avoir obstrué les bouches d’aération. Alors, nous sommes allés sonner chez ses voisins. Et dans les parties communes, le constat est accablant. Les murs s'effritent et d'énormes traces d'humidité jalonnent les plafonds. 

Des problématiques anciennes

Sur le palier du dessus, au 3ᵉ étage, Florence Maisans nous ouvre sa porte. Elle connaît bien l'immeuble puisqu'elle y vit depuis 1985. D'abord, elle ne fait qu'entre ouvrir la porte. On entrevoit un appartement bien tenu et lumineux. Quand on aborde le problème des punaises de lit et des blattes, elle est sceptique. "On en a eu il y a quelques années et on a tout traité. On a acheté 200 euros de matériel et même un nettoyeur vapeur. Depuis, on traite nos matelas tous les six mois. On craint tellement d'en avoir de nouveau. On les voyait carrément passer, c'était...", raconte-t-elle avec dégoût. 

À l'époque, elle s'était immédiatement jetée sur ces produits d'entretien malgré de modestes moyens. "On ne savait pas quoi faire à ce moment-là, on avait peur pour notre fils qui vient dormir chez nous de temps en temps. Pourtant, on paie une redevance "punaises de lit chaque mois" mais personne n'est jamais venu".

Sur sa quittance de loyer, une ligne affiche clairement : "trait. punaises de lit : 0,33 euro ». Et selon David Quint, trois personnes seraient employées à plein temps par la société pour prévenir l'apparition de punaises de lit. 

Les deux voisines affirment cependant n'avoir jamais vu de personnel intervenir pour traiter ces punaises en dehors de la période, il y a deux ans, où Tiphaine dit avoir fait intervenir une assistante sociale de l'hôtel de police pour pousser l'Amsom à agir. 

Des problèmes d'humidité partagés par les voisins

Lorsque nous abordons la question de l'humidité, Florence ouvre sa porte. Passée en un instant de la crainte à la colère, elle nous propose d'entrer. "Venez constater par vous-même. De l'humidité, ça, il y en a partout !". 

Dans un intérieur coquet et parfaitement organisé, la femme nous dévoile ses petites astuces pour cacher l'humidité. "Dans le salon, on a recollé un bout de papier peint pour cacher les traces d'eau, mais ça se voit toujours. Ils disent que ça vient du toit, mais nous ne sommes pas au dernier étage..."

Sa chambre n'est pas dans un meilleur état. Cette fois, c'est tout le mur qui est couvert de traces d'eau. "Voilà, c'est là que l'on dort. Mettre du neuf sur de l'ancien, ça n'a jamais marché. Ils ont changé les fenêtres récemment, mais depuis 1986, ça n'avait quasiment pas changé", confie-t-elle en toussant. 

"J'ai beaucoup d'allergies et je tousse beaucoup, mais je ne sais pas si c'est lié à ça...". Sa voisine Tiphaine tousse, elle aussi, beaucoup. 

L'espoir d'une solution à l'amiable 

Me Médrano est l'avocate de la famille Lefebvre. Pour elle, la plainte déposée contre l'Amsom est un moyen d'obtenir l'attention de ses interlocuteurs. "Parfois, on a des interlocuteurs qui ne sont pas sensibles à la détresse des gens qui vivent ce genre de situation. Il faut que les bailleurs se rendent compte qu'au-delà du coût humain, ça leur coûtera plus cher de ne rien faire que de faire quelque chose rapidement. Au moment où ils auront pris conscience que leur coût financier doit être pris en considération, alors même pour ceux qui ne prennent pas en considération l'humain, ça sera la différence."

Elle espère négocier un arrangement à l'amiable. Dans l'idéal, l'avocate aimerait que la famille soit relogée dans un nouvel appartement le plus tôt possible. "C'est le plus rapide et on espère que ces enfants pourront faire leur rentrée dans les meilleures conditions".

Mais selon le bailleur, il n’y a pour le moment pas de logement disponible pour reloger Tiphanie Lefebvre et ses enfants.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité