Installée depuis plus de 15 ans dans l'ancienne giraferie, qui date des années 50, la cantine du zoo d'Amiens prépare chaque jour plus d'un millier de repas pour ses 700 animaux. Un lieu interdit au public où tout est très encadré.
Au fin fond du zoo d'Amiens, une grande maison de bois avec trois portes qui s'ouvrent indépendamment. "C'est l'ancienne giraferie, la maison à girafe, indique Laure Garrigues, la responsable scientifique des lieus. C'est pour ça que c'est aussi haut et que la porte est composée de trois parties qui autrefois s'ouvraient. Maintenant, c'est notre cuisine animalière : chambre froide et cuisine où on prépare les repas de tous nos animaux."
Des normes sanitaires strictes
À l'intérieur, sont alignés congélateurs et chambres froides. Une chambre froide pour les fruits et légumes dans laquelle on trouve de tout, des épinards à la tomate, du brocolis à la mangue et à la papaye. Un congélateur pour les poissons qui sont mis à décongeler dans une chambre froide à 4° et pas à température ambiante. Comme tout établissement stockant de la nourriture, la chaîne du froid doit être scrupuleusement respectée.
On ne donne pas un cookie ou la fin de son croissant à un singe ou même à une chèvre. Ça va les rendre malades.
Laure Garrigues, responsable scientifique du zoo d'Amiens
Direction le bâtiment attenant pour découvrir les cuisines. Mais avant d’entrer, "on passe les chaussures dans le pédiluve, nous précède Laure Garrigues. C'est important pour être sûr qu'on n'amène aucun germe et aucun pathogène de l'extérieur dans la cuisine. Et on fait pareil pour ressortir et retourner à l'intérieur du parc". Désinfection obligatoire donc. On respecte les mêmes normes sanitaires que dans les restaurants et les cantines.
700 animaux. Plus d'une centaine d'espèces. Repas du matin, du soir et les goûters. Carnivores, herbivores, frugivores, granivores ou plusieurs régimes alimentaires en même temps. Tout est sur-mesure. "Chaque espèce a une fiche alimentaire qui correspond aux besoins nutritionnels des animaux, explique Laure Garrigues. On doit quand même être vigilants. Certains aliments, qui sont dans leur régime alimentaire, peuvent être toxiques ou hypercaloriques. On ne donne pas de la banane à tout le monde tous les jours par exemple. C’est pour ça que les visiteurs ne doivent pas nourrir les animaux : on ne donne pas un cookie ou la fin de son croissant à un singe ou même à une chèvre parce que ça va les rendre malades. On n’a jamais vu un canard ou un primate dans une boulangerie. Ça veut bien dire que c’est parce qu’ils ne mangent pas de tout ça !"
Des rations au gramme près
Fruits, légumes, poulet, mais aussi souris et poussins pour les reptiles et les serpents qui, eux, ne mangent qu'une fois par semaine ou tous les 15 jours. Les repas sont très équilibrés. La pénélope à gorge bleue, par exemple, mangera ce jour-là de la salade, de l'endive, de la pomme et de la carotte râpée, agrémentés de nourriture sèche en granule à volonté. Sont parfois glissés dans la gamelle médicaments et autres vitamines, si besoin. Pour les oiseaux, des compléments alimentaires pour le plumage sont insérés dans les repas trois fois par semaine.
Les rations sont élaborées aussi en fonction des goûts des animaux : si un ingrédient reste régulièrement dans la gamelle, il est remplacé par un autre. On apprend ainsi que le capivara n'aime pas le navet et que le tamarin n'a pas droit aux carottes râpées.
On va avoir une ration précise qui va être tenue à jour en fonction de l'état de l'animal.
Oriane Macret, soigneuse au zoo d'Amiens
Ce sont les soigneurs qui s’occupent de repas. Plusieurs dans l’équipe sont habilités à préparer les repas. Ça aurait pu être un cuisinier, mais le zoo a fait le choix d'impliquer les soigneurs "parce que c’est la base du métier de soigneur. Parce que si on sait ce que mangent les animaux, on sait s’ils ont en bonne santé", observe Laure Garrigues.
Quinze personnes se relayent quotidiennement pour cuisiner et distribuer de bons petits plats à tous les pensionnaires. Cette semaine, Orlane Macret est de cuisine. Debout devant son plan de travail, elle coupe une pomme en tout petits morceaux qu'elle met ensuite dans une coupelle en inox posée sur une balance. "C'est au gramme près, explique la soigneuse. Et on va aussi couper en fonction de l'animal. Si par exemple l'animal mange de gros morceaux, on coupe en gros morceaux et en tous petits pour les petits animaux. On va avoir une ration précise qui va être tenue à jour en fonction de l'état de l'animal. Si l'animal est un peu gros, on va baisser les rations. On voit ça avec le vétérinaire."
L'occasion d'observer l'animal
Les tigres mangent 4 kilos de viande par jour avec des jours aléatoires de jeûn, comme dans leur environnement naturel. Et en ce moment, les manchots mangent presque 10 kilos de poisson par jour, "du sprat, du capelan et du mini hareng aussi. Mais le sprat, c'est vraiment ce qu'ils préfèrent", sourit Clarisse Piaulenne, soigneuse également, un seau à la main qu'elle cale dans sa carriole de transport.
Car c’est enfin l’heure de passer à table ! Premier arrêt dans la distribution de Clarisse, chez le calao festonné.
"Tu viens ?! Allez ! Doucement, j'arrive !", interpelle d'une voix enjouée la jeune femme alors que le bel oiseau coloré descend rapidement de son perchoir. Clarisse tend la gamelle en inox à l'animal qui prend les morceaux de fruits un à un dans son énorme bec. Un moment privilégié. Même si les contacts entre soigneuse et animal sont interdits, la proximité est importante. "Le fait de pouvoir le nourrir aussi proche, presque à la main, ça me permet de le voir de plus près. Je peux vérifier ses pattes, ses yeux, son bec. Les myrtilles et le raisin, c'est ce qu'il préfère", avoue la jeune femme. L'animal a d'ailleurs oublié une myrtille dans son bol qu'il s'empresse d'attraper entre les doigts de Clarisse.
Fruits, légumes, viandes sont achetés à des producteurs locaux ou proviennent des invendus des supermarchés. Un critère qui fait partie du cahier des charges du zoo pour réduire son empreinte carbone. Avec les travaux d’agrandissement du parc animalier, une nouvelle cantine est en train de voir le jour. Elle sera mise en service en février 2025.
Avec Julien Guéry / FTV