Accusés de 42 délits, Christelle Doisy et son ex-mari ont comparu au tribunal d'Amiens ce jeudi 12 septembre. Pendant plus de vingt ans, la femme aurait changé d'identité, de ville, d'apparence et de compagnon pour commettre des escroqueries. En ce premier jour de procès, la femme semble rester muette.
En ce premier jour de procès, nul doute qu'il sera difficile pour le tribunal d'Amiens de retracer l'improbable parcours de Christelle Doisy, une quinquagénaire originaire de l'Yonne qui s'est spécialisée dans les arnaques et les impayés depuis la fin des années 90. D'Albert (Somme) à l'Ardèche, en passant par Amiens, Tours, la Côte d'Azur, la Belgique, le Maroc et la Grèce, Christelle Doisy a multiplié les identités, les cavales et menti à certains de ses maris pour les ruiner.
Son dernier mari en date, Frédéric Descours, comparait à ses côtés en tant que coprévenu. Lui, avait souhaité être entendu comme victime dans cette affaire.
La principale accusée ne parlera pas
Dès les premières minutes du procès, le ton est donné : Christelle Doisy ne parlera pas. Elle dit ne se souvenir de rien. "Je suis dans le flou. J'ai beau forcer ma mémoire, je n'y arrive pas", s'excuse-t-elle, prétextant une amnésie due à des chutes en prison. Elle demande à rester assise et prend la parole une dernière fois : "Je vais rester dans le silence".
Dans l'assemblée, il n'y a que son avocat, Me Delarue pour adhérer à sa version. "Je l'ai bousculée ce matin parce que c'est dans son intérêt de parler et en général les clients écoutent les conseils de leurs avocats. Et non pas qu'elle ne m'écoute pas. Je pense qu'elle est véritablement de bonne foi. Je pense qu'elle est profondément déprimée et elle se sent seule. Je prends mon rôle d'avocat comme je l'ai rarement pris. Je suis la voix de cette femme. Je la sens esseulée. Je la sens affaiblie".
Décrite par sa mère et par sa sœur comme une "affabulatrice depuis toujours", l'avocat parle d'une volonté des témoins de l'accabler "elle et elle seule" alors que les faits auraient été faits de manière conjointe avec son ex-mari, Frédéric Descours, avec qui elle a eu deux enfants.
Un accusé qui veut être reconnu comme victime
Bien plus loquace, l'ex-militaire dans la Marine nationale, plaide la soumission chimique. "Quand on accuse les gens dans une présomption irréfragable de culpabilité, puisque c'est comme ça que travaille la justice, vous êtes coupable. Prouvons que je suis coupable !", s'acclame le coprévenu à la sortie du tribunal. Il se dit victime d'"un cancer machiavélique".
Son avocat, Me Ilyacine Maallaoui, détaille la ligne de défense du prévenu. "En réalité, il était là, mais il était dans un état complètement second. L'administration de substances lui a fait perdre toute intentionnalité." L'avocat note qu'"il y a une matérialité des faits qui ont été commis lorsqu'il était là." Mais il relève que "l'intention qui est nécessaire en droit pénal est largement discutable."
Pour appuyer ses arguments, il revient d'ailleurs sur des éléments du procès qui auraient été falsifiés par la femme : "Sans M. Descours, les infractions perdurent avec la même qualité. La preuve, très récemment, avec ce certificat médical qui a été falsifié".
Christelle Doisy a présenté certificat médical pour faire reporter le procès une première fois. Or, il s’est révélé faux.
De nombreux points toujours à éclaircir
Le père de famille attend que son volet de l'affaire soit versé à la procédure pour être considéré comme victime. Il refuse néanmoins de se soumettre à des analyses psychologiques alors que selon les experts, il pourrait être "psychorigide". Il aurait pu aimer suivre son ex dans ses nouvelles identités.
La deuxième journée du procès s'ouvre ce vendredi 13 septembre. Elle permettra de mettre en lumière une affaire de traite d'être humain dont est aussi accusé le couple. Dans la journée, est attendu le témoignage d'une jeune fille au pair belge, retrouvée très désorientée à Conty (Somme) en 2016 lors de l'arrestation du couple.
Christelle Doisy retrouvera peut-être la mémoire en ce second et dernier jour de procès à Amiens.