Les ministres de l'Environnement et de l'Énergie des 27 états de l'Union européenne se réunissent jusqu'au 22 janvier à Amiens afin d'échanger leurs points de vue sur leurs politiques environnementales. Voici ce qui est ressorti des discussions lors des deux premiers jours de ces "réunions informelles".
Depuis jeudi 20 janvier, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, réunit ses homologues, ministres de l'Environnement et de l'Énergie des 27 États de l'Union européenne, lors d'un sommet, sur ses terres picardes, à Amiens.
Des "réunions informelles", comme l'indique le cabinet de la ministre, destinées à préparer le prochain Conseil de l'Union européenne (institution de l’UE réunissant les ministres des gouvernements des États membres) le 17 mars, à Bruxelles. Depuis le 1er janvier, la France en assure la présidence pour 6 mois.
Durant les deux premiers jours de discussions, les ministres se sont réunis pour échanger sur divers sujets concernant la biodiversité et la santé humaine et environnementale : "produits chimiques, déforestation importée, agroécologie, transition juste, interactions environnement, climat et énergie, notamment avec les enjeux relatifs à la forêt et au bois", énumère le cabinet du ministère. Le but de ses échanges n'étant pas d'élaborer une politique commune de l'Union européenne, mais bien de comparer et coordonner les politiques nationales de chacun des états membres.
Réduire l'utilisation des produits chimiques
La première session de travail s'est orientée vers la transition agro-écologique avec des échanges concernant l'utilisation des produits phytosanitaires. Ce qui a permis, selon le ministère de la Transition écologique, de mettre en parallèle les meilleures pratiques nationales concernant la réduction des pesticides, l'objectif étant de les réduire de moitié d'ici 2030.
Un point particulièrement contraignant pour les agriculteurs, alors qu'ils affirment avoir déjà fait énormément d'efforts pour s'adapter aux contraintes environnementales. "Nous sommes capables de nous adapter, mais il y a une condition : il faut que ce soit réalisable et surtout qu’il y ait une rémunération correcte de nos productions", nous confie Guillaume Clop, président des jeunes agriculteurs de la Somme.
Les ministres assurent vouloir se coordonner dans la recherche d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques afin d'offrir des solutions aux agriculteurs, notamment dans le cadre de la révision à venir de la directive relative à une utilisation des pesticides. "Les ministres de l’environnement auront l’occasion d’y revenir lors du Conseil environnement de juin", précise le ministère de la Transition écologique.
Le déjeuner de travail des ministres avait par la suite pour thème le retrait du marché des substances chimiques dangereuses avec notamment des initiatives attendues d'ici la fin de l'année.
Lutter contre la déforestation
Les sessions suivantes ont permis d'établir un échange sur la déforestation et le rôle de la forêt et du bois dans les politiques climatiques.
Le premier enjeu étant de mettre en place des mesures permettant de garantir aux citoyens européens que les produits qu'ils consomment n'ont pas contribué à la destruction des forêts. Sachant que la consommation européenne est à l'origine de 16% de la déforestation importée du monde, faisant de l'UE le deuxième destructeur de forêts tropicales, derrière la Chine, et devant l'Inde et les Etats-Unis.
La Commission européenne avait déjà dévoilé mi-novembre un projet de réglementation bannissant notamment l'importation de soja, bœuf, huile de palme, bois, cacao et café, si leur production est issue de terres déboisées après décembre 2020. Le texte doit désormais faire l'objet de pourparlers entre les États membres.
L'occasion de connaître ainsi les premiers retours. "Il y a eu un accueil très positif globalement, avec des nuances selon les États, mais avec suffisamment de matériel pour pouvoir espérer, si nous travaillons bien, une position du Conseil avant la fin de la présidence français de l'UE" fin juin, a indiqué Barbara Pompili à la presse.
Le rôle de la forêt, la transition juste, l'énergie...
Concernant le secteur du bois, la volonté commune d'en favoriser les usages pour contribuer au renforcement des puits de carbone des États membres, tout en préservant les écosystèmes forestiers, a été rappelée par un nombre important de ministres, indique le ministère de la Transition écologique.
Enfin, de nombreux ministres ont insisté sur l’importance de garantir une transition juste, via des mesures d’accompagnement pour faciliter la reconversion des travailleurs et des entreprises mais également aider les ménages, en donnant la priorité aux plus modestes. "Les débats sont toutefois encore très ouverts sur les modalités et les moyens à mettre en œuvre, aux niveaux national ou européen, pour y parvenir", précise le ministère français.
Les discussions se sont par la suite tournées vers le secteur de l'énergie ; un secteur en crise qui connait aujourd'hui une flambée des prix du gaz et de l'électricité.
"C'est une décennie qu'il ne faut pas manquer"
Mais face à toutes ces bonnes volontés affichées, plusieurs centaines de manifestants ont tenu à se réunir lors d'une marche pour le climat samedi 22 janvier à Amiens en marge du sommet, rappelant par ailleurs que la France n'a pas toujours tenu ses engagements en matière d'environnement. "Emmanuel Macron et Barbara Pompili, nous expliquent qu'ils ont compris l'écologie, qu'ils se battent pour le climat, mais dans leurs actes ils font l'inverse avec notamment des engagements qui ne sont pas tenus concernant les accords de Paris, ils réintroduisent des pesticides qu'ils avaient pourtant prévu d'interdire. Le gouvernement a même été condamné pour inaction climatique par la justice française, rappelle Marine Tondelier, conseillère régionale Hauts-de-France Europe Écologie Les Verts (EELV) et porte-parole dans la région du candidat Yannick Jadot.
Pour elle, ce genre de sommet n'est qu'un outil de communication pour le président Emmanuel Macron, pas encore candidat à sa propre succession. "Il y a vraiment une instrumentalisation par Emmanuel Macron de cette présidence française de l'Union européenne en pleine campagne présidentielle. Cela nous paraît très hypocrite", estime-t-elle.
La principale revendication pour les militants présents lors de cette marche est l'urgence d'agir rapidement en terme de politique environnementale. "C'est une décennie qu'il ne faut pas manquer si on veut éviter les +1,50° de réchauffement climatique mondial, il risquerait d'y avoir des catastrophes irrémédiables pour le monde entier, donc les ministres européens ont un devoir de répondre à cette attente", estime Romane Roosz, membre du collectif Alternatiba.
"Aujourd'hui, il y a trois urgences : climatique, sociale et démocratique. Ce sont ces trois enjeux qui doivent être remis au cœur de notre politique, on a une grosse échéance dans quelques mois avec les élections présidentielles et c'est pour crier cette urgence qu'aujourd'hui nous sommes réunis dans la rue", conclut Martin Hilsum, bénévole à la Primaire populaire.