Le spectacle incontournable de la Somme devra patienter jusqu'en 2021 pour fêter ses 35 ans d’existence. En attendant, à Ailly-sur-Noye, les bénévoles ne restent pas les bras croisés.
Les gradins métalliques sont emboités et bardés de ruban de balisage rouge et blanc. La structure dépourvue de projecteurs, qui devait accueillir la régie, surmonte le tout. Au pied de l’estrade, on aperçoit un terrain verdoyant tondu de près où se dandinent plusieurs oies. Pas un décor n’est de sortie. Une scène bien calme et apaisée, loin de l’effervescence qui aurait dû s’emparer des lieux le week-end du 23 août et ce pour plusieurs semaines.
Il devrait y avoir des décors, le moulin et sa roue à aube, la fameuse maison qui apparaît et disparaît miraculeusement, le moulin et ses ailes qui s’allument pendant le spectacle. Chaque année, c’est la fourmilière avec les bénévoles qui courent partout pour régler le projecteur qui n'allait pas bien la veille, le petit coup de tournevis, de graisse. Ça fait un peu mal à l’estomac, parce qu’on devrait être fatigués, mais fatigués d’avoir fait quelque chose, d’avoir fait la fête pendant un week-end avec les spectateurs.
La situation est exceptionnelle pour le spectacle d’Ailly-sur-Noye dans la Somme. Covid-19 oblige, le Souffle de la terre a connu le même destin que bon nombre de spectacles à travers l’Hexagone entre report et annulation. "Je vous avoue qu’on préfère le mot reporter. Ça devait être notre 35e anniversaire et cette 35e saison aura bien lieu, mais en 2021", confie le président de l'association des spectacles d'Ailly-sur-Noye organisatrice de l’événement, Christian de Caffarelli.
Les bénévoles mobilisés malgré tout
Le report de l’édition 2020, décidé début mai, n’a pas rimé avec vacances. Loin de là. Une partie des 850 bénévoles est restée mobilisée. "Déjà, un terrain comme celui-là il faut l’entretenir," poursuit Christian de Caffarelli. "Il y a une équipe de bénévoles acharnés qui ont gardé la journée traditionnelle du mardi pour tondre, tailler. On a aussi prévu de faire des petites clôtures. On essaie toujours d’aménager le site. On ne reste jamais sans rien faire, on ne peut pas ! La seule partie sur laquelle on n’a pas travaillé c’est la gestion des costumes, la préparation des séries. Les costumières se sont accordées des vacances un peu forcées, mais bien méritées.""C’est simplement une pause, pas un arrêt. Et ce n’est pas un arrêt pour tout le monde parce qu’on continue à travailler", emboite Isabelle Ducoroy, coordinatrice et figurante bénévole. "On a notamment un service de communication interne qui œuvre beaucoup sur les réseaux sociaux pour préserver le lien entre les spectateurs et les bénévoles".
Un travail qui se poursuivra jusqu’à la saison prochaine. Si elles sont en repos, les costumières devront notamment retravailler quelques-uns des 3800 à 4000 costumes qui attendent bien au chaud dans l’entrepôt. "Certains vont être refaits pour une nouvelle scène que le metteur en scène compte retravailler. Bien sûr, il y a aussi des enfants et vu qu’ils grandissent et vite on va devoir les faire réessayer et ajuster en conséquence", précise Isabelle.
"Annuler était la bonne décision"
Les différents témoignages des bénévoles révèlent l'existence d'une certaine nostalgie mêlée à l’impatience de retrouver les spectateurs."On a évidemment hâte de les retrouver. Ça sera deux fois plus gai ! Les gens seront encore plus contents de se retrouver. Et c’est quelque chose dont on a tous besoin", partage Isabelle dans un enthousiasme débordant."Quand on voit sur la page spécifique des bénévoles, les échanges de photos, de souvenirs qui sont là, c’est vrai que c’est un crève-cœur pour beaucoup de personnes. Chacun se projette en disant ¨: nous aurions dû. Pourquoi la restauration est vide ? Pourquoi les chapiteaux ne sont pas montés ? Où sont les chevaux ?" expose Christian Caffarelli.
S’il regrette la situation, le président de l’association considère avec les mois de recul qu’annuler était la bonne décision. "Sur le plan sanitaire on ne pouvait pas prendre de risques pour les spectateurs, pour nos bénévoles. Sur le plateau, dans les gradins on aurait pu réussir à gérer, mais dans nos coulisses, dans la précipitation parce que les changements de costumes se font dans des temps très restreints, c’était impossible d’assurer une distanciation physique entre les bénévoles. Aurait-il fallu désinfecter les costumes entre tous les spectacles ? Je n’ose même pas y penser." C'est un grand sourire désormais barré sur les lèvres qu'il conclut : "On regrette tous la situation, mais on se donne rendez-vous en 2021."