Suppression des "coronapistes" du déconfinement : à Amiens, le vélo, thème de campagne du 2nd tour des municipales 2020

Pour le déconfinement, la municipalité d'Amiens a mis en place des pistes cyclables provisoires afin de favoriser l'usage du vélo, limiter l'usage de la voiture et désengorger les bus. 15 jours plus tard, elle revient sur sa décision et en supprime certaines. De quoi rendre furieuse l'opposition. 

Elles devaient révolutionner les déplacements à Amiens... Elles n'auront finalement pas fait long feu. Au début du mois de mai, à l'annonce du déconfinement, la Ville avait mis en place de nouvelles pistes cyclables provisoires, aménagées spécialement pour faciliter et encourager les déplacements à vélo, moins dangereux au niveau sanitaire que les transports en commun. 

Concrètement, des voies de voiture avait été supprimées sur des grands axes de la ville, comme la rue de Paris, pour laisser place aux vélos. "Pour les pistes cyclables, Amiens a loupé le coche donc c'est difficile de récupérer ce qui est irrécupérable", avait alors confié une cycliste à notre équipe. "Je l'utilise, c'est un confort, mais on ne peut pas bloquer la rue de Paris..." Un passant parlait quant à lui de "démagogie", craignant que ça ne crée encore plus d'embouteillages.

Dispositif adapté "aux réalités du déconfinement"


Deux semaines plus tard, la municipalité est revenue sur ces changements, en choisissant de supprimer plusieurs de ces "coronapistes". Une décision prise "au regard des remontées de terrain réalisées par les services de l'agglomération". Dans un communiqué, elle précise : "À partir de ce lundi 25, les axes d'entrée de la ville, à l'est, les rues de Verdun et Dejean, au sud, les rues de Paris et Saint-Honoré, retrouvent leur sens de circulation habituelle, avec la disparition des panneaux de signalisation et des plots de partage de la chaussée."
 

L'opposition déçue

Là où la municipalité parle de "pragmatisme", Thomas Hutin, conseiller municipal d'opposition (groupe écologiste) et candidat sur la liste "Amiens c'est l'tien", qui sera opposée à celle de la maire sortante au second tour des élections municipales, estime qu'il s'agit là d'un "aveu d'échec". "C'était une solution pour avoir un moyen de transport plus sûr face au virus, et l'État poussait  à mettre ça en place. Malheureusement, ça s'est fait sans concertation avec les associations de cyclistes, les riverains ou les élus d'opposition", regrette-t-il.
 

Même son de cloche chez l'autre candidat encore en lice pour les municipales, Renaud Deschamps, ancien adjoint au maire qui a démissionné en novembre 2019. "C'est une décision qui a été prise à la va-vite sans concertation des comités de quartier et des riverains, et c'est dans ces situations où l'on se rend compte quand l'exécutif est capable ou non de gérer sa ville", déplore-t-il. Il estime que Brigitte Fouré est "complètement dépassée par les événements", et va même jusqu'à dire que "la maire ne sait pas où elle va, elle prend des décisions électoralistes, et elle change d'avis quand elle sent le vent tourner". 

Ce à quoi Brigitte Fouré répond : "à situation inédite, décisions inédites". D'après elle, il fallait faire ces choix rapidement, pour que les pistes soient viables dés le début du déconfinement. "En temps normal, on aurait évidemment pris le temps de consulter les riverains", explique-t-elle. "Mais en ce moment, nous devons prendre des décisions dans l'urgence. Je n'avais pas le temps, j'avais besoin de tester des choses." Elle assure néanmoins que pour la suite des aménagements, le travail se fera de concert avec les comités de quartier, les riverains, et l'association Véloxygene, qui a elle aussi exprimé ses doutes dans un communiqué. 

La maire rappelle également que pour les autres axes aménagés, "l'expérimentation va se poursuivre pendant quelques temps, et ça va très probablement se pérenniser, comme les avenues de l'Europe, Salvador Allende et Georges Pompidou."
 

Sujet de campagne


Mais le sujet semble dépasser la simple problématique du déconfinement. Les deux listes concurrentes à la maire sortante ont fait de la création d'un réseau de pistes cyclables sécurisées une promesse de campagne. "On est déjà en retard sur le vélo, alors même si le plan de pistes provisoires était insuffisant, il avait le mérite d'exister", explique Thomas Hutin. "Lors des travaux [du nouveau réseau de bus, ndlr], rien n'avait été prévu pour le vélo. Mais on ne laisse pas le temps aux choses de se faire : ils annoncent qu'ils vont retirer des pistes qui n'ont même pas été finies." Même constat pour Renaud Deschamps, qui estime que les pistes cyclables auraient dû être intégrées dans les changements urbains de ces dernières années. 

Mais la maire sortante se défend d'avoir négligé le vélo pendant son mandat. "Lorsqu'on s'est lancé sur le bus à haut niveau de service, la priorité, c'était le transport en commun, et je ne le regrette pas car il était absolument nécessaire pour les Amiénois d'avoir un bon réseau de bus", rétorque-t-elle quand on lui pose la question. "On ne pouvait pas tout faire en même temps dans la ville. On nous a suffisamment reproché de faire des travaux partout pour qu'on en rajoute. Mais ça ne veut pas dire qu'on a négligé le vélo, il y a près de 200 kilomètres de pistes cyclables à Amiens."

Pas de quoi convaincre Renaud Deschamps. "La cohabitation entre les modes de transport, ça se réfléchit, ça ne s'improvise pas", estime-t-il. "Ce n'est pas un réseau cyclable qu'elle a proposé, c'est quelques pistes complètement déconnectées les unes des autres. Les choix ont été mal faits ! Ca n'avait aucun sens d'en placer une rue de Verdun. Résultat, ça n'encourage pas le vélo, et pire, ça va créer la discorde entre les automobilistes et les cyclistes plutôt que de les réconcilier."

Une chose est sûre, ces décisions ne risquent pas de réconcilier Brigitte Fouré et son opposition. Cette gestion des différents modes de transports pourrait bien être au coeur des préoccupations dans la campagne du second tour des municipales, qui se tiendra le 28 juin.
 
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