En France, les femmes peuvent faire le choix d’un accouchement dit "naturel". Toutefois, l’accompagnement de ces naissances est encore très inégal selon les lieux. Elisabeth Régnier, amiénoise, fait partie de ces femmes. Elle s'est rendu compte que ce n'était pas une mince affaire d'accoucher naturellement, que ce soit en maternité ou à domicile. Explications.
Pour son premier enfant, Elisabeth choisit d'accoucher en maternité. Elle s'est préparée à accoucher naturellement. Elle ne se doute pas que l'accompagnement des équipes ne sera pas à la hauteur de ses espérances. "Cela reste compliqué d'accoucher naturellement en maternité ! Il y a des choses qui ne m’ont pas plu, des commentaires désagréables et irrespectueux. Par exemple, au moment de la poussée, on m’a demandé expressément d’arrêter de crier, que cela ne servait à rien."
Elisabeth est persuadée que les femmes savent accoucher sauf quand la grossesse est pathologique. "Le médical, c'est très bien que cela existe, mais il ne faut pas que cela soit systématique. C'est à cause de ce manque d'humanité que j'ai voulu accoucher à la maison pour mon deuxième."
Un manque de pratique et de formation
Il est vrai que les sages-femmes en maternité ne sont pas habituées à suivre des accouchements naturels. En France, en 2020, 15,4 % des femmes ont choisi un accouchement dit naturel en maternité, selon l’organisation syndicale nationale des sages-femmes. Il y a aussi un problème de formation à la physiologie en école de sages-femmes regrette Isabelle Laoût, sage-femme libérale amiénoise spécialisée dans l'accompagnement des accouchements naturels. "Il y a très peu de cours sur la physiologie de l'accouchement en école. En général, on approfondit nos connaissances sur le sujet à la fin de nos études par d'autres biais."
Un constat que partage aussi Nina Narre, spécialiste de la question, réalisatrice du documentaire Faut pas pousser. "Les sages-femmes hospitalières n'ont même pas conscience que lorsqu'elles commentent à voix haute d'éventuels problèmes, que la patiente génère de l'adrénaline à la place de l'ocytocine, hormone du bonheur, et que c'est un pas vers les complications."
Déçue par cette expérience en maternité, Elisabeth se lance dans le projet d'accoucher naturellement de son deuxième enfant à la maison en janvier 2022. Mais là encore, cela ne va pas être simple. Elle découvre qu’aucune sage-femme ne pratique l’accouchement à domicile dans le département de la Somme. En France, seules 80 sages-femmes sont recensées. Elles disent que le coût de l’assurance est trop élevé : 22 000 euros, c’est l’équivalent du salaire annuel brut d’une sage-femme.
Peu de sages-femmes pratiquent à domicile
C’est finalement dans le Pas-de-Calais qu'Elisabeth va trouver une sage-femme partante pour l'accompagner. La sage-femme domiciliée à Douai accepte de la préparer et d'être présente le jour J malgré le fait qu'il y ait plus d'une heure de route entre son cabinet et le domicile de la jeune femme. Anastasia Dussossoy ne trouve pas cela normal : "Nous ne sommes que deux sages-femmes à domicile dans tout le Nord-Pas-de-Calais ! Dans certains pays du nord de l’Europe, la pratique est légale et remboursée. Ce n'est pas juste aujourd'hui que les femmes n’aient pas le droit d’accoucher en sécurité à domicile avec des sages-femmes formées."
Pour rassurer le corps médical qui pointe le manque de sécurité en dehors des maternités, l’association professionnelle de l'accouchement accompagné à domicile étudie chaque année depuis 2018 le taux de mortalité néonatale. Il est entre 0 et 2 décès pour 1 000 naissances par an. Selon Floriane Stauffer, sage-femme à domicile, représentante de l'association, "les risques de mortalité sont les mêmes qu’à l’hôpital et en maison de naissance. Aussi, nous constatons que les risques de morbidité sont moindres."
Elisabeth vit l'accouchement de ses rêves malgré le problème d'organisation
Finalement malgré le problème d'organisation, Elisabeth vit tout de même l'accouchement de ses rêves : "Lorsque les contractions se sont accélérées, j’étais seule le soir avec mon mari. Nos câlins, nos bisous participaient à la production de l’hormone du bonheur, l’ocytocine, indispensable au bon déroulement de l’accouchement. Les sensations étaient très fortes, mais je n’étais pas en souffrance, car je me sentais libre et respectée. J'avais appris à lâcher-prise pour laisser la puissance des contractions me traverser."
Le jour J, Elisabeth a eu le soutien de sa doula Gioia qui accompagne les futures mamans dans La Somme et le soutien de sa sage-femme, Anastasia Dussossoy. Elles ont été comme des grandes sœurs, douces et rassurantes se souvient Elisabeth. "Elles m'ont encouragée au moment de la délivrance du placenta pendant que ma fille était sur moi, peau contre peau et se mettait à téter, mon conjoint à mes côtés."
Et Elisabeth tient absolument à parler de l'importance de la présence des conjoints au côté de leurs femmes. "Mon mari a eu un rôle de soutien extrêmement important et je le remercie de m'avoir fait confiance. C'est un moment que nous n'oublierons jamais !"
Si Elisabeth devait avoir un troisième enfant, son premier choix se porterait encore sur l'accouchement à domicile. Elle vient d'apprendre que le CHU d'Amiens avait lancé, début 2023, un partenariat avec trois sages-femmes libérales dans la Somme qui peuvent désormais accompagner leur patiente au sein même de l'hôpital le jour de l'accouchement. "C'est une bonne nouvelle. Cela pourrait être mon choix numéro deux si ma grossesse présentait des risques."
Pour en savoir plus, retrouvez ci-dessus l'émission Hauts féminin consacrée à l'accouchement naturel, présentée par Marie Sicaud et Christelle Juteau.