Lucie Louette, une ancienne judokate amiénoise à la retraite, n'a jamais pu accomplir son rêve. Celui de participer aux Jeux olympiques. La championne d'Europe, en 2013, a pourtant entrevu la porte des JO à trois reprises, sans jamais pouvoir la franchir. Après une carrière stoppée net, elle a dû accepter ce cruel destin, avant d'être aujourd'hui "fière" du chemin parcouru.
Même si elle s'est retirée des tatamis depuis huit ans, le judo est encore bien présent dans la vie de Lucie Louette. Dans son cabinet de kinésithérapeute, l'ancienne judokate amiénoise a posé des objets, en l'honneur de la discipline, mais également en souvenirs de cette première vie de sportive de haut niveau.
Les salles portent le nom de villes importantes dans son parcours. L'une se nomme Berlin, en référence à son mari allemand. Une deuxième s'appelle Paris, la ville dans laquelle elle a effectué toute sa carrière professionnelle, à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep). Et enfin, une dernière pièce a été désignée Tokyo, lieu incontournable pour l'équipe de France de Judo. C'est là-bas que se déroule le stage annuel de l'équipe de France de judo, avant les grandes échéances internationales.
Des souvenirs pour ce souvenir de cette première vie
"J’ai passé quinze de haut niveau, quinze ans à l’INSEP. Et du coup, c’est important pour moi de travailler avec des petits objets ou des petits souvenirs au quotidien." À l'entrée du cabinet, le trophée du titre européen remporté en 2013, à Budapest, en Hongrie, trône à la vue de tous.
Lors de cette période, Lucie Louette est au sommet de son art. Elle convoite une place pour pouvoir participer enfin aux JO à Rio en 2016, après deux non-sélections en 2008 et 2012. Mais une vilaine blessure envole ses espoirs, et son rêve olympique ne se réalisera finalement jamais. "C'est mon plus grand regret de ma carrière", se remémore-t-elle.
"J'ai vécu trois olympiades sur l'Insep, trois olympiades différentes, dont avec une injustice en 2008 où on m'avait stoppé la course à la sélection pour les Jeux olympiques. 2012, une 3e place mondiale qui ne me permet pas d'y accéder puisqu’une Française était devant moi. Et une blessure en 2016. Donc oui, mon plus gros regret bien sûr, c'est de ne pas les avoir faits parce que forcément, je m'entraînais tous les jours pour ça. C'est le rêve de tout sportif de haut niveau. Donc, ça a été très difficile.”
Je devais le vivre comme ça. Si j'avais quelque chose à changer, je ne sais pas si je changerais quelque chose finalement, puisqu'une carrière, on la vit à 1000%, au jour J.
Lucie Louettejudokate, championne d'Europe 2013
Le plus dur a été d'accepter la situation. Elle évoque "le deuil" qu’elle a dû effectuer, "par rapport à ma carrière de haut niveau parce que c'est la blessure qui m'a arrêtée. Ce n'est pas moi qui aie décidé directement d'arrêter." Mais aussi admettre qu'elle ne pourrait "plus jamais" faire les Jeux olympiques.
En revenant sur cette période, elle estime que c'était son destin. "Je devais le vivre comme ça. Si j'avais quelque chose à changer, je ne sais pas si je changerais quelque chose finalement, puisqu'une carrière, on la vit à 1000%, au jour J et puis voilà. Ça m'a vraiment beaucoup apporté pour ma vie d'aujourd'hui. Je suis épanouie dans ma vie familiale, dans ma vie professionnelle. Finalement, c'est le plus important. Quand on est athlète, on vit dans une bulle, on vit que pour cet objectif des Jeux olympiques. Mais, on ne voit pas plus loin. Et quand on arrête sa carrière, on se dit qu'il y a quand même une vie derrière. Je suis fière de ça aujourd’hui et de la carrière que j'ai pu faire."
Elle peut à nouveau regarder le judo, sans amertume
Pour faire front à ces péripéties, elle rapporte s'être donnée "à chaque fois de nouveaux objectifs", avec le soutien de ses proches. "Ça a été de m’entraîner avec les garçons, par exemple, en 2012. Ça m’a apporté beaucoup. Ça a modifié un peu mes activités. Je me suis mise à travailler quand j’étais diplômée de l’école de kiné. Ça m’apportait un petit souffle extérieur. Se rendre utile à autre chose. Il me fallait avoir quelque chose à côté pour pouvoir avancer."
Huit ans après, Lucie Louette a tourné la page et souligne sa "plus grande fierté" d'avoir pu "rebondir" à chaque coup d'arrêt, sans regret. "Quand on revisualise les combats, on se dit qu’on aurait pu faire ça. Mais, c’est comme dans la vie de tous les jours, il ne faut pas avoir de regrets. Il faut vivre sa passion et sa vie à fond, sans trop regarder dans le rétroviseur."
Le mois prochain, la judokate suivra de près les JO de Paris cet été et les exploits de certains de ses anciens coéquipiers, sans amertume.
Avec Anthony Halpern / FTV