Depuis quelques jours, les pharmaciens sont habilités à réaliser des tests antigéniques, ces tests plus rapides bien que moins fiables que les tests PCR, pour détecter la positivité à la Covid-19. Une possibilité qui divise les pharmaciens à Amiens.
La sonnette s’emballe inlassablement "au moins tous les quarts d’heure", précise à l’autre bout du fil Valentine Macaigne, pharmacienne amiénoise. Depuis le vendredi 30 octobre, jour où l’officine de la Pharmacie Plein Sud d’Amiens a ajouté à son arsenal les tests antigéniques destinés à lutter plus efficacement contre l’épidémie de coronavirus, Valentine n’arrête pas.
"Il y a beaucoup de monde. On ne s’y attendait pas vraiment. C’est comme ça de 8h30 à 20h. Et je pense que ça va continuer à se multiplier rapidement. Heureusement qu’on est deux à avoir été formées pour les réaliser, ça nous permet de nous relayer", poursuit Valentine tandis qu’un énième "dong" se fait entendre.
Depuis quelques jours et la validation d'un arrêté par le ministre de la Santé Olivier Véran, pharmaciens, médecins de ville, infirmiers libéraux ont la possibilité de réaliser ces tests au résultat ultra-rapide : dix minutes à une demi-heure suffisent pour déterminer si le patient est positif à la Covid-19. Une possibilité sur laquelle ont sauté certains, mais qui en rebute d’autres.
Le nécessaire aménagement des locaux
L’établissement de Valentine fait partie de la première catégorie. Afin de pouvoir fournir ce service, la pharmacie a dû se soumettre à un protocole bien particulier. Outre une formation spécifique pour ses employés, elle a dû se munir de tout un attirail sanitaire et adapter ses locaux pour limiter les risques de contagion. "On est en attente de la validation de l’agence régionale de santé pour installer un barnum en extérieur", expose la jeune femme."Si le terrain appartient à la pharmacie, une demande doit être déposée auprès de la préfecture pour l’installation d’un barnum. S’il s’agit de l’espace public de la commune, c’est vers la mairie qu’il faudra se tourner", complète David Alapini, président du conseil de l’ordre des pharmaciens des Hauts-de-France.En attendant une réponse, le sas de livraison a été vidé pour servir exclusivement à ces tests et on fait entrer les patients concernés par une autre entrée pour éviter qu’ils se mélangent aux autres. Dès qu’on a su que cela serait possible, nous avons fait les stocks de charlottes, blouses, surblouses, de gants.
"Avec tous les arrêts maladies à gérer, c’est très compliqué au niveau logistique"
Un aménagement pas toujours possible, certains préfèrent renoncer. "Ce n’est pas la raison principale, mais c’est une difficulté supplémentaire qui fait qu’on ne proposera pas de tests antigéniques dans notre pharmacie. En plus, avec tous les arrêts maladies que nous avons à gérer ce serait très compliqué au niveau logistique", souligne Thomas Henocq, gérant d'une autre pharmacie amiénoise.Outre l’aspect technique et le fait "que personne n’était partant pour le faire" dans son établissement, c’est le principe même du test qui rebute Thomas : "Le nez est un filtre pour le corps humain. Faire l’examen de la cloison nasale de quelqu’un c’est comme si vous retiriez le filtre de la clim - qui est forcément pourri- pour l’analyser. Le problème, c’est qu’en introduisant ce coton tige pour réaliser le test, vous prenez le risque de faire pénétrer quelque chose qui avait été filtré."Le fait est qu’on manque d’un local et que faire les choses à moitié ou pas très bien, c’est faire prendre des risques aux patients et se faire allumer en cas d’inspection.
Qui sont les personnes prioritaires pour ces tests ?
Pour le président du conseil de l’ordre des pharmaciens des Hauts-de-France, David Alapini, "l’essentiel, c’est que ceux qui se sentent de le faire soient accompagnés de la manière la plus efficace" et qu'ils "n’hésitent pas à mutualiser leurs moyens pour alléger leur charge de travail tout en offrant la couverture la plus large."Un objectif atteignable en étant le plus clair possible quant aux patients concernés en priorité par ces tests. "Ils sont à destination des personnes de moins de 65 ans, qui ne risquent pas de développer une forme grave de la Covid-19 et dont les symptômes ou le contact avec quelqu’un de positif date d’au moins sept jours", liste-t-il. Une façon d’éviter les faux négatifs chez qui le virus n’aurait pas encore eu le temps de se révéler.
Et si les cas contacts validés car contactés par l’ARS ou la sécurité sociale doivent se tourner vers les tests PCR, en cas de retard du fameux appel ou sms de confirmation, certains pharmaciens font des exceptions : "Nous savons qu’il peut y avoir selon des périodes des engorgements et donc des retards, donc on préfère dire à un patient de venir passer le test plutôt que de traîner", conclut Valentine.