Une autrice amiénoise s’engage pour Beyrouth, une histoire de famille entre la Picardie et le Liban

Le 4 août 2020 une violente explosion laissait le Liban et sa capitale Beyrouth profondément meurtrie. Un drame qui a poussé l’autrice amiénoise Juliette Elamine à reverser l’intégralité des bénéfices de son premier roman à l’opération "Ensemble pour Beyrouth". Rencontre.

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Elle est une histoire de transmission comme en offre parfois les familles. Elle est aussi une histoire de résilience dont la première maille est posée par un départ forcé par la guerre, nourrie d’une rencontre et de liens tissés à Amiens, puis tricotée au gré des anecdotes culinaires et des souvenirs de vacances, avant d’être bouleversée à nouveau le 4 août 2020.

Ce jour-là, les images des deux ondes de chocs, des vitres explosées, et de l’épais nuage gris se soulevant du port de Beyrouth envahissent les réseaux sociaux et les chaînes d’informations. Veillées, collectes de dons, les actions de soutien à la population libanaise se multiplient et s’organisent rapidement en Picardie. Un élan qui s’est également emparé de l’autrice franco-libanaise, Juliette Elamine.

L’explosion du port, c’était le coup de grâce, extrêmement violent. À ce moment-là, je préparais la sortie du livre et j’ai senti le besoin de faire quelque chose de plus. Elle a rendu nécessaire le fait d’agir même si c’est à mon échelle, de manière très modeste. C’est là qu’a émergé l’idée de rejoindre un mouvement solidaire.  J’ai entendu parler un peu par hasard, par le bouche à oreille de l’initiative d’Omar Abodib, restaurateur à Etretat, et je les ai contactés pour rejoindre l’équipe.

Juliette Elamine, autrice de Le nom de mon père essem abi

Le propriétaire de l’hôtel-restaurant Le Donjon à Etretat a lancé l’opération "Ensemble pour Beyrouth" en octobre 2020. Omar et 24 de ses collaborateurs s’étaient notamment rendus à Beyrouth pour distribuer les vêtements, les meubles ou encore les livres et manuels récoltés.

Une ode à la résilience

Ce livre, enfin finalisé après de longues années de maturation, et l’engagement solidaire qu’il sert désormais, a éveillé chez Juliette le doux sentiment aussi réconfortant que nostalgique qu’accompagne "l’impression d’une boucle bouclée". "Quand j’ai rejoint "Ensemble pour Beyrouth" nous étions en famille pour les fêtes de Noël. Mon père est quelqu’un de très pudique, mais je l’ai senti touché. Il est à l’origine du bouquin, il était à mes côtés quand j’ai démarché la première librairie qui a proposé mon livre, la Librairie Martelle à Amiens. Symboliquement ce cheminement pour aboutir à cette situation, c’était très fort", ajoute-t-elle émue.

D’autant plus que le message porté par le premier roman de la jeune femme de 31 ans - qu’elle  s’était engagée à autoéditer avant la catastrophe - ne pouvait pas mieux faire écho à la situation.

Je voulais montrer comment les Libanais sont résilients et leur capacité à se reconstruire. C’est un roman forcément très personnel. Mon père a quitté le Liban pendant la première guerre avec des amis avant de construire sa vie ailleurs. Après un passage en Belgique, il a atterrit à Amiens où il a rencontré ma mère et où j'ai passé toute mon enfance. Aujourd’hui, il a vécu plus d’années en France qu’au Liban.

Juliette Elamine, autrice de Le nom de mon père essem abi

Un roman dans lequel s’emboîte sa "vision enfantine du Liban", "merveilleuse, associée aux vacances" et la réalisation plus tardive, à l’adolescence, que le Liban est "également un endroit dangereux" où la population n’a de cesse "d’enchaîner les coups durs et de se relever en se serrant les coudes." Impossible alors de ne pas penser aux images et témoignages des Libanais, armés de balais, venant en aide à leurs voisins en l’absence d’une aide institutionnelle dès la fin des explosions en août dernier.

Une aventure familiale

Ce premier roman est l’histoire d’une famille, mais également une histoire de famille. Le nom de mon père essem abi est l’aboutissement d’une aventure familiale dont l’une des premières pierres a été posée par sa mère. "Quand les grandes questions d’orientation ont commencé à se poser, il y a eu des discussions avec ma mère qui me disait - tu adores parler, écrire - et c’est vrai que j’écris depuis que je suis petite. Depuis une poésie que m’avait donné mon institutrice de CM2. Ce n’était pas grand-chose, les poèmes d’une enfant, mais de là, j’ai commencé à écrire et mon père en a d’ailleurs fait un recueil", glisse-t-elle à demi-mot.

Encouragée par ses parents, influencée par un papa médecin, Juliette imprégnée de ces influences scientifiques et littéraires se tourne vers l’orthophonie. "J’accompagne tous les jours des patients qui ont perdu le langage post AVC ou à cause de maladies dégénératives. Et c’est vrai que je me disais mince tu travailles au quotidien avec des personnes qui ont tellement de mal à trouver leurs mots et toi tu en as tellement qu’ils se bousculent dans ta tête. Il fallait en faire quelque chose, quelque chose d’assez fort, d’utile et surtout autour du Liban", se remèmore-t-elle.

Si elle est bercée par les mots jusque dans sa pratique professionnelle et qu’un carnet de notes l’accompagne presque partout, le besoin d’écrire cette histoire ne viendra que plus tard. Encore une fois, il est intimement lié à son paternel.

Le déclic a coïncidé avec une période de ma vie où mon père avait de petits soucis de santé. Même si j’en avais commencé l’écriture en 2006 quand j’étais au lycée, les études ont pris le pas dessus. À partir d’août 2018, je l’ai travaillé, retravaillé, avant de l’offrir à mon père. Il s’est beaucoup investi dans le projet. Il m’a permis de le perfectionner, de le rapprocher du réel grâce à son vécu et sa connaissance géopolitique et historique du Liban. 

Juliette Elamine, autrice de Le nom de mon père essem abi

C’est sa petite sœur qui posera la dernière pierre en fleurissant l’histoire de ses dessins et en signant la couverture du roman. Si Le nom de mon père, essem abi connaît son point final, Juliette, soucieuse d’aider et animée d’une envie dévorante de partage, ne compte pas s’arrêter-là. Un deuxième roman est déjà en préparation. Avec en toile de fond, encore et toujours, le Liban.

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