Amiens métropole considère "inapplicable" le projet zéro artificialisation nette (ZAN) voté en 2021, qui vise à préserver les surfaces naturelles des constructions : il freinerait le développement de la capitale picarde. En visite dans l'Oise ce vendredi 26 avril, le ministre Christophe Béchu lui répond.
Exceptionnellement réuni en conseil communautaire le 24 avril, Amiens métropole a décidé de demander une dérogation au projet de zéro artificialisation nette (ZAN). Pour l'Agglomération, ce volet de la loi climat et résilience votée en 2021, destiné à limiter dans le temps le revêtement de terrains nus par du bâti, est "inapplicable" en l'état en terres samariennes. La raison : les restrictions du ZAN seraient un frein au développement d'Amiens et ses alentours.
"À l'heure où Amiens se montre particulièrement attractif pour les entreprises innovantes, et parmi elles, celles qui concourent à la transition écologique, comme Tiamat, il est essentiel d'éviter tout coup d'arrêt", estime Brigitte Fouré, la maire (UDI) d'Amiens. Un vœu a ainsi été adopté par l'assemblée métropolitaine à 78 voix pour et 8 contre lors de cette session afin de demander un moratoire au gouvernement.
Un frein au développement
Pourquoi l'application de la ZAN ne serait pas possible dans la capitale picarde ? Le projet prévoit de laisser à chaque commune un hectare à "artificialiser" par décennie pour les besoins de son développement, qu'il induise du lotissement, l'installation d'une entreprise ou un quelconque revêtement non naturel.
Amiens métropole se voit donc attribuer 31 hectares, puisqu'elle compte 31 communes avec plan local d'urbanisme (39 en tout). "Imaginer qu'Amiens, ville de plus de 130 000 habitants, ne dispose que d'un seul nouvel hectare pour assurer son développement futur n'a aucun sens", déplore la maire d'Amiens.
Pour elle, la ZAN est arbitraire et ne tient pas compte des superficies des communes ni de leurs concentrations démographiques. Ainsi, Amiens métropole est désavantagée par rapport aux zones plus rurales du grand amiénois. "Remettre en cause la méthodologie de la loi ne signifie pas s'opposer à la transition écologique", soutient Alain Gest, le président (LR) de la métropole amiénoise.
C'est l'uniformité de la mesure, qui fait fi de la diversité des territoires, qui pose problème. En l'état, les maires ruraux ne parviendront pas à répondre aux préoccupations de leurs habitants en matière d'habitat notamment. Une ville comme Amiens ne développera pas son industrie, alors même que le président de la République n'a de cesse de vouloir réindustrialiser la France.
Alain Gestprésident (LR) d'Amiens métropole
"Il y a une loi. Elle s’applique partout, de Dunkerque à Marseille, leur répond Christophe Béchu, ministre de la Transition énergétique et de la Cohésion des territoires, en visite à Compiègne ce 26 avril.
Bâtir moins, utiliser les friches
La ZAN, un frein au développement ? Le ministre n'y croit pas : "Il y a 40 ans, on a voté une loi qui s’appelle la loi littoral. Les mêmes arguments étaient utilisés en disant « mais si on ne peut plus construire autant qu’on veut en bord de mer, on va bloquer le développement économique, on va rendre impossible l’installation des populations ». Aujourd’hui, on se félicite d’avoir préservé nos paysages."
Il poursuit : "Il ne s’agit pas de ne plus rien construire, il s’agit d'en faire moins que par le passé. Au cours de ces cinquante dernières années, on a plus artificialisé ou bétonné notre pays qu’au cours des 500 années précédentes. Et on a, en plus, près de 200 000 hectares de friches dans notre pays, c’est-à-dire plus que ce qu’on a pris sur la nature ou sur les terres agricoles au cours de ces dix dernières années", conclut le membre du gouvernement.
Et les élus locaux d'indiquer qu'Amiens "priorise [déjà] la reconquête des friches", comme celles de "la ZAC Gare La Vallée à Cosserat ou encore l'ex-site Goodyear". La Métropole demande aussi l'inscription de la ZAC Boréalia et celle de Jules-Verne 2 dans les projets d'intérêt régional, afin qu'ils ne soient pas compris dans les hectares concédés par la ZAN. De son côté, le gouvernement n'envisage pas de moratoire, dans "notre intérêt immédiat, mais encore plus pour préserver les générations futures," souligne Christophe Béchu.