Amputé d'un bras, il va pouvoir refaire de la moto grâce à une prothèse fabriquée par des lycéens : "je ne m'attendais pas à un tel résultat"

Depuis un accident domestique survenu en 2021 et qui lui a coûté son bras gauche, Christophe ne peut plus pratiquer sa passion, la moto, ni faire de vélo avec son fils. Sept lycéens de Péronne (Somme) lui ont confectionné une prothèse adaptée à sa pratique qu'ils lui ont remise début juin.

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"Pour moi, la moto, c'est tout. Je suis tombé dedans tout petit, mes parents en faisaient ensemble. À moto, on a des sensations qu'on ne retrouve nulle part ailleurs." Cette passion, Christophe Caillau en est privé depuis trois ans. 

En octobre 2021, sa main a été engloutie par un broyeur à branches. "J'ai été amputé juste avant le coude d'abord, et au CHU, ils m'ont dit : 'on vous désarticule'. Je me suis dit que je ne pourrai plus jamais faire de moto", se souvient douloureusement l'homme de 46 ans. 

Son handicap l'empêche aussi de profiter de moments privilégiés avec son fils de 13 ans. "Mon gamin fait du vélo, mais je ne peux pas en faire avec lui", se désole Christophe. Il a bien une prothèse bioélectronique "mais c'est trop compliqué pour le vélo et la moto". 

Les débuts d'un projet "ambitieux"

En 2023, alors en arrêt médical, Christophe décide de suivre une formation pour apprendre à se servir d'une imprimante 3D au fablab du tiers-lieu numérique de Haute-Somme, à Péronne (Somme). Il y évoque son projet : fabriquer une prothèse adaptée à la moto pour pouvoir revalider son permis. "La prothèse qui existe coûte 10 000 euros et n'est pas remboursée par la sécu", pointe Christophe.

On n'était jamais allé vers quelque chose d'aussi concret, ni d'aussi ambitieux.

Vincent Géneau, professeur de S2i au lycée Pierre-Mendès-France de Péronne

"On s'est dit que ce serait bien d'impliquer les élèves du territoire sur ce projet", explique Audrey Strippoli, la responsable du tiers-lieu qui a proposé l'idée à Vincent Géneau, professeur de sciences industrielles de l'ingénieur (S2i) au lycée Pierre-Mendès-France de Péronne.

Après une première rencontre entre le professeur et Christophe à l'été 2023, Vincent Géneau propose le projet à ses élèves de terminale de la filière sciences et technologie de l’industrie et du développement durable (STI2D). "C'est la première fois qu'on avait un projet de prothèse. On n'était jamais allé vers quelque chose d'aussi concret, ni d'aussi ambitieux", observe l'enseignant.

Vincent Géneau met alors ses sept élèves de terminale en situation. Comme une entreprise, ils doivent ainsi organiser plusieurs réunions avec Christophe Caillau, établir un cahier des charges, effectuer plusieurs revues de projet… Le tout sous la supervision de leur professeur, en partenariat avec le tiers-lieu et en consultant régulièrement leur "client".  

Un travail d'équipe

"Au début, on était un peu choqués de faire ce projet, car c'est un gros projet et on était conscient que c'était pour une personne dans le besoin qui s'en servirait directement. Donc, on s'est mis à fonds dans le projet sans rien lâcher", souligne Anaïs Lequeux, une des sept élèves à avoir participé au projet. La lycéenne s'est concentrée sur la partie pince qui se fixe au guidon.

En octobre, une fois le cahier des charges validé, l'équipe est passée à la réalisation de la prothèse. Si les élèves ont été séparées en deux pôles, se répartissant ainsi les différentes pièces et articulations, c'est bien le travail de groupe qui a primé. "On a appris beaucoup de choses, on a pu travailler en équipe. On a beaucoup avancé avec le tiers-lieu et il y avait une très bonne ambiance", se remémore Baptiste Vasseur, 18 ans, qui a travaillé sur la partie visserie et coude. 

Croquis papier, fabrication des pièces en pâte à modeler, conception des pièces 3D via un logiciel, simulation de fonctionnement, simulation de la résistance des pièces à l'effort, au choc, aux intempéries… Autant d'étapes nécessaires, et de difficultés à surmonter, avant de lancer l'impression des pièces en 3D. 

Ultime test : celui de la chute, impossible à vérifier sur simple logiciel. "On l'a fait tomber et ça a explosé", relate Vincent Géneau. 

"Les élèves ont donc réfléchi et finalement trouvé un nouveau matériau, le nylon", ajoute l'enseignant. Cette fois, c'est la bonne. Toutes les pièces sont donc fabriquées en nylon. Les matériaux et les pièces spécifiques ont été financés par Christophe Caillau, pour qui la prothèse a coûté moins de 1 000€ au total, soit dix fois moins que celles qui existent sur le marché.

Fierté et satisfaction

"C'est une grande satisfaction d'observer les élèves franchir les différentes étapes, les voir déçus et prêts à abandonner quand il y a des obstacles, puis aboutir sur quelque chose qui fonctionne et qui est livré, et voir les yeux de M. Caillau quand il constate que ça fonctionne", se réjouit l'enseignant qui regrette que les filières technologiques attirent de moins en moins de jeunes, et pas assez de filles "mises dans des cases dès le plus jeune âge".

"On est fiers de notre projet, on peut le valoriser", souligne Anaïs Lequeux, qui partira l'année prochaine en BTS conception réalisation de système optimisé. "Ça nous rend heureux, car M. Caillau est une personne très gentille, qui a été très présent. On voit que ça le rend heureux et qu'il est content", ajoute Baptiste Vasseur. 

Quand on réalise un projet qui porte ses fruits, qui est important pour une personne, c'est assez spécial.

Baptiste Vasseur, lycéen en terminale STI2D

La réalisation de cette prothèse a permis au jeune homme, qui entrera en école d'ingénieur à Rouen en septembre prochain, de "changer [s]a vision des choses". "Plus tard, j'aimerais aider les personnes dans le besoin grâce à l'innovation. Quand on réalise un projet qui porte ses fruits, qui est important pour une personne, c'est assez spécial", pointe le lycéen. 

"C'est super bien fait"

La prothèse a été terminée en janvier. Les élèves l'ont présentée aux Olympiades de sciences de l'ingénieur et ont obtenu la première place au niveau académique, leur permettant d'accéder au niveau national. Le 4 juin dernier, ils ont officiellement remis sa prothèse à Christophe.

C'est beaucoup d'émotion. Je ne m'attendais pas à un tel résultat. C'est super bien fait.

Christophe Caillau

Christophe doit maintenant demander à son prothésiste de réaliser une emboîture, effectuer quelques modifications sur sa moto et son vélo, revalider son permis moto et adapter son blouson grâce aux astuces de l'association Handicaps motards solidarités. Grâce à ces sept lycéens, Christophe pourra bientôt enfin retrouver "cette sensation de liberté que rien n'égale".

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