Vendredi 29 mars, les assises de la Somme à Amiens ont condamné Bernard Moulinier à 30 ans de réclusion criminelle et son épouse Laura Doualle à 25 ans. Ils étaient poursuivis pour l'assassinat en septembre 2021 de Léa Demagny sur le bord d'une route à Bouquemaison dans la Somme.
À l'issue de quatre heures de délibérations, les jurés de la cour d'assises de la Somme ont reconnu Bernard Moulinier et son épouse Laura Doualle coupables de l'assassinat de Léa Demagny et les ont condamnés à 30 et 25 ans de réclusion criminelle avec des périodes de sûreté de la moitié de leurs peines.
Le jury n'a pas suivi l'avocate générale, qui avait requis 30 ans de prison, dont 15 de sûreté, à l'encontre des deux co-accusés, estimant qu'ils partageaient une responsabilité pleine et entière.
Telle était la question essentielle au cœur de ce procès, leur culpabilité ne faisant guère de doute (ils avaient reconnu avoir tué Léa pendant leurs garde-à-vue). Le crime était-il l'œuvre d'un "couple diabolique" ou Léa Doualle était-elle sous l'emprise de son mari Bernard Moulinier ?
Un assassinat maquillé en accident
Le 14 septembre 2021, Léa Demagny, une aide-soignante originaire de Doullens dans la Somme, meurt fauchée par une voiture sur la RD 916 à hauteur de Bouquemaison entre Doullens (Somme) et Frévent (Pas-de-Calais). La jeune femme de 23 ans marche sur le bas-côté avec son compagnon Bernard Moulinier, parce que leur véhicule est tombé en panne.
L'enquête révèle finalement un assassinat maquillé en accident. Laura Doualle était au volant du véhicule meurtrier. Le scénario macabre élaboré par Bernard Moulinier devait leur permettre de reprendre leur vie maritale en éliminant la "rivale".
Une épouse dépendante affective, un mari frustré par sa vie
Vendredi matin, les experts psychiatriques ont tenté d'éclairer le jury. Laura Doualle est décrite comme dépendante affective, sans pour autant être sous une emprise qui la priverait de son libre arbitre.
Bernard Moulinier est présenté comme un homme incapable de choisir entre sa femme, qui souhaite ardemment son retour, et Léa, qu'il ne peut abandonner à cause de toutes les épreuves qu'elle a subies. À défaut d'assumer son choix, il se victimise et envisage par étape cet assassinat. Il voit même dans l'implication de sa femme la preuve de son amour inconditionnel.
Mais pourquoi aller au bout de son plan, en sachant qu'il emmène la jeune femme à la mort ? L'expert avance l'hypothèse de "la peur de regretter, car sa seule préoccupation, c'est lui".
La veille, les témoignages avaient dépeint l'accusé comme un homme colérique, parfois manipulateur et frustré par sa vie.
Un procès de la haine et non pas de l'amour
Mais à la barre, il peine à s'exprimer : "J'aimerais bien qu'il arrive à parler, à dire les choses. Le problème, c'est qu'il est enfermé dans le drame qu'il a causé. Ce type-là n'a qu'une seule envie, c'est disparaitre six pieds sous terre, qu'on ne l'entende pas, qu'on ne le regarde pas. De prendre sa peine et puis de partir, c'est tout", assurait jeudi son avocat Stéphane Daquo.
Un mutisme insupportable pour la sœur et le père de la victime : leur avocate, Mathilde Cormier, déplorait dans sa plaidoirie le manque d'explication de la part des accusés et fustigeait un procès de la haine et non pas de l'amour.
Avec Emilie Boulenger et Claire-Marine Selles.