Les mytiliculteurs subissent de plein fouet la crise liée à l'épidémie de coronavirus. Ce n’est pourtant pas le travail qui manque. Il faut préparer la récolte de l’année prochaine mais les ventes sont en chute libre et les moules s'accumulent sur les pieux.
En Baie de Somme, 14 entreprises exploitent 30 km de bouchots pour une production annuelle d'environ 2 000 tonnes. Parmi elles, celle de Caroline Delaby, mytilicultrice à Saint-Quentin-en-Tourmont. Son chiffre d'affaires a chuté de 80%.
Elle subit de plein fouet la crise sanitaire. Entre la fermeture des restaurants et l'absence des touristes, les circuits de vente sont quasiment inexistants.
Il faut pourtant penser à préparer la récolte de l'année prochaine. Mais comment faire quand les moules de bouchot restent sur les pieux et que l'argent ne rentre plus ?
"La culture est au point mort. On ne vend pas, s'inquiète la mytilicultrice. On espère qu'avec le déconfinement, les gens vont revenir sur la côte cet été".
Côté vente, 97% des entreprises mytilicoles sont à l'arrêt jusqu'au mois de mai.
"On est à 80% de vente en moins par rapport à ce qu'on doit vendre tous les mois. Or il faut penser aux salaires, il faut penser aux charges".
Habituellement, la saison des moules commence dès le 15 mars et les ventes s'étalent d'avril à octobre.
Mais les deux événements importants qui marquent le début de saison, ont été annulés. Ce sont le festival du cerf-volant de Berck et le festival de l'oiseau de la Baie de Somme, durant lesquels 15 tonnes de moules y sont vendues pour chacune des deux manifestations.
La moule de bouchot, c'est le nec plus ultra en matière de moule. On la reconnaît à la couleur de sa chair jaune-orangée.
Sa principale caractéristique est qu'elle se cultive hors sol, c'est-à-dire sans contact avec le sable.
Au printemps, des cordes sont tendues horizontalement sur des portiques en bois (chantiers) pour recueillir les jeunes moules (naissains) qui resteront ainsi jusqu'à la fin de l'été. En septembre, les cordes sont enroulées en spirale sur les pieux de bois (bouchots). Elles seront cueillies l'été suivant, après plus d'un an de croissance.
Autant dire que pour Caroline Delaby, l'avenir de son exploitation se joue maintenant.
"On ne pourra pas tenir des mois comme ça"
Car au-delà des ventes qui ne se réalisent pas, se pose la question de la préparation de la prochaine récolte. Là aussi, il faut investir."Il faut qu'on achète des sacs, du filet, des pieux et du naissain. Rien que les pieux, le naissains et le filet, il y en a déjà pour 120 000 euros pour pouvoir assurer la saison de l'année prochaine. Les naissains va arriver cette semaine, on va le mettre sur les chantiers mais on ne sait pas si on mettra tout. On en a déjà décommandé. On a acheté 30 km de naissain au lieu de 40 d'habitude".
L'exploitation de Caroline Delaby compte quatre parcs de moules, c'est à dire 14 000 pieux ensemencés. Le travail ne manque donc pas.
"Les pieux qu’on avait commandés, il faut les planter, et il faut du monde pour mettre les naissains. On les reçoit le matin, ils sont mis le jour-même sur les chantiers. Dès qu'ils sont assez grands, il faut qu'on puisse les enrouler autour des pieux pour la récolte de l'année prochaine. En juillet, il faudra qu'on ait vendu les moules pour libérer tous les pieux."
Mais cette année, la situation est loin d'être normale. Sans acheteurs, les moules ne se vendent pas et restent sur les pieux. "En pleine saison, on travaille à 1 tonne et demi par jour, c'est-à-dire 100 sacs, et les weekends, c'est beaucoup plus. Là, on vend 15 à 20 sacs par jour. C'est bien, on est content mais c'est pas avec ça qu'on va arriver à payer ce qu'on doit payer".On est dans le flou complet
Pour faire face, sur les 10 personnes qui travaillent habituellement, Caroline Delaby en a mis 3 au chômage partiel.
"Si on arrive à payer les charges, les pieux, le filet, le naissain et les salaires, on pourra s'estimer heureux de notre saison".
Reste l'espoir. L'espoir de voir revenir les touristes, dès le 11 mai, même si ce n'est que pour une journée, et l'espoir que les restaurants puissent rouvrir. Mais ça, c'est une autre histoire.
"La saison peut encore être sauvée"
Comme tous les chefs d'entreprises, les mytiliculteurs bénéficient des différentes aides mises en place par l'État (report de charges, report de cotisation, accès au prêt bancaire ...)."Il n’y a pas d’aides spécifiques aux entreprises conchylicoles, précise Paulin Leconte, chargé de mission au comité régional de la conchyliculture Normandie - Mer du Nord. La meilleure aide pour les entreprises des hauts de France reste le commerce, si les ventes redémarrent correctement la saison peut encore être sauvée".
La mytiliculture dans les Hauts-de-France en 2019
- Des producteurs de moules uniquement mais à travers des techniques variées : culture sur bouchot, moules sur filières, moules à plat .
- Une expérimentation pour le développement de l’ostréiculture (fin expérimentation juillet 2021);
- 3 000 tonnes de moules produites .
- Un chiffre d’affaire de 6,3 millions d’euros .
- 80 emplois directs, des dizaines d’emplois saisonniers et des emplois indirects estimés à plus de 250 postes.
- Un Groupement d’intérêt économique « Conchyliculteur de la Baie de Somme » constitué de 14 entreprises.