L'inscription des armes à feu sur le site dédié du gouvernement devient obligatoire en 2025. Dans la Somme, la fédération de chasse propose des permanences pour aider ses adhérents à se mettre en conformité. Les armuriers, déjà habitués au système, déplorent des dysfonctionnements sur le site.
Depuis 2022, les chasseurs et pratiquants de tir sportif sont incités à déclarer leurs armes sur le site internet dédié du ministère de l'Intérieur, le Système d'information sur les armes, ou SIA pour les habitués. À partir du 31 décembre, tout détenteur d'arme à feu doit avoir un compte sur ce site et y déclarer ses armes.
"Le risque, pour les personnes qui ne déclarent pas leurs armes avant la fin de l'année, c'est qu'elles ne pourront pas circuler librement avec. Leurs armes pourront être saisies par les forces de l'ordre", souligne Victor Jozon, directeur de cabinet du préfet de la Somme.
Alors, pour éviter ce type d'incident, la Fédération des chasseurs de la Somme organise depuis deux ans des permanences pour aider ses membres qui auraient des difficultés avec le numérique à se mettre en règle. Il faut dire qu'avec 26 000 pratiquants, la Somme est le troisième département qui chasse le plus, au niveau national : la tâche est conséquente.
Où sont les armes ?
Emmanuel Lavoisier, président de la Fédération des chasseurs de la Somme, se veut rassurant. Pour lui, tout sera en ordre avant l'évolution législative. Il ne s'agit d'ailleurs que d'une formalité.
"De toute façon, les armes de chasse sont déjà déclarées, rappelle Emmanuel Lavoisier. Aujourd'hui, on passe de la formule papier à la formule numérique, tout simplement. À partir du moment où une arme est achetée chez un armurier, elle est systématiquement déclarée. Même entre particuliers, aujourd'hui, le vendeur est obligé de passer par la 'case armurier'."
Lors de l'achat d'une arme, l'armurier doit créer un numéro SIA correspondant à l'arme pour son client, s'il n'en dispose pas encore. Mais de légères différences entre les chiffres interrogent tout de même sur l'avancée du processus de recensement.
D'après la préfecture, 16 000 comptes SIA ont été créés dans la Somme. Il resterait donc 10 000 chasseurs à enregistrer. En outre, les services préfectoraux indiquent que 54 000 armes ont déjà été recensées.
Lorsqu'on lui demande d'estimer le nombre d'armes en circulation dans la Somme, Emmanuel Lavoisier indique que tous les chasseurs ne sont pas équipés de multiples armes, mais que pour faire face au grand gibier, ils possèdent tout de même "souvent une carabine, un fusil, c'est le minimum. Donc, on peut estimer entre 80 000 et 100 000 armes qui sont entre les mains des chasseurs."
Si ses estimations sont exactes, seuls deux tiers ou la moitié des armes de chasse en circulation dans le département ont été recensées sur le service en ligne pour l'instant. Les permanences de la Fédération seront peut-être bien fréquentées pour les deux mois à venir. Cela ne veut pas dire que les armes de catégorie C ne sont pas suivies du tout : avant l'arrivée du SIA, cela était fait manuellement, via les livres de polices et les déclarations en préfecture.
Suivi des armes : comment ça marche ?
Les armes sont réparties en différentes catégories. Les armes de catégorie A sont interdites. Celles de catégorie B, soumises à autorisation préalable : les professionnels en ayant besoin demandent l'autorisation de les acquérir. Les armes de chasse et la majorité des armes de tir sportif sont des armes de catégorie C, soumises à déclaration.
Pour acheter ces armes, il faut un permis de chasse ou une licence de tir sportif. Lors de l'achat, avant la mise en place du SIA, l'armurier envoyait un dossier de déclaration en préfecture et remplissait son livre de police, un registre à l'épaisse couverture bleue.
"Toutes les armes qui rentraient dans le stock étaient enregistrées là-dessus, on appelle ça un livre de police. C'était signé par la gendarmerie. Quand une arme sortait, on marquait les coordonnées de l'acquéreur", résume Damien Duberseuil, armurier à Montdidier. Depuis 2011, ce régime s'appliquait à toutes les armes de catégorie C.
Aujourd'hui, cette procédure est donc dématérialisée. "On passe du temps, pour les gens qui n'ont pas créé leur compte au préalable, à le créer avec eux, continue Damien Duberseuil. Quand ça va bien, on passe vite 20-25 minutes à le faire, quand ça ne marche pas... On n'a pas de délai." Ce qui peut mener à des déceptions : il doit parfois refuser la vente à des clients, car le service ne fonctionne pas ou la personne n'a pas les documents adéquats.
Il y en a malgré tout beaucoup qui ne sont pas au courant ou qui n'y croient pas, ni plus ni moins.
Damien DuberseuilArmurier à Montdidier
Cela vaut aussi pour toutes les réparations, qui doivent être renseignées dans le système. Si l'armurier regrette la simplicité de la procédure papier, il reconnait tout de même des avantages au suivi en ligne : "Ça force un peu les gens à suivre les déclarations entre particuliers, car avant, beaucoup de gens vendaient une arme de la main à la main, des armes de chasses, les papiers n'étaient pas toujours faits comme il faut. Là, dès qu'une arme rentre chez un professionnel, il va vérifier que l'arme appartient bien au propriétaire et tout mettre à jour. Mais beaucoup de gens voient cela comme une contrainte, c'est sûr."
Il indique également que la procédure papier avait le mérite d'exiger que le chasseur soit en possession des documents liés à son arme lors de tout déplacement. Là, il faudra pouvoir accéder à son espace en ligne lors d'un contrôle. Il admet qu'il imprime encore les documents pour certains clients pour qui cela pourrait s'avérer compliqué.
Il assure enfin qu'il "rabâche" à ses clients le fait que cette procédure va devenir obligatoire au 31 décembre, mais constate tout de même qu'il y a de nombreux retardataires. "Il y en a malgré tout beaucoup qui ne sont pas au courant ou qui n'y croient pas, ni plus ni moins. On verra bien au moment venu" se projette l'armurier.
La Fédération des chasseurs de la Somme et la préfecture organisent 18 permanences, dans tout le département, d'ici à la fin de l'année civile. Les chasseurs dont les armes ne sont pas déclarées en ligne au 31 décembre ne pourront pas dire qu'ils n'ont pas eu l'occasion de se mettre en règle.
Avec Naïm Moniolle / FTV