Un cerf, traqué par l'équipage de chasse à courre du Rallye des Trois Forêts, s'est réfugié sur le parking de la gendarmerie de Senlis (Oise) samedi 28 septembre. Conformément à la réglementation, les chasseurs ont gracié l'animal. L'association Abolissons la Vénerie Aujourd’hui (AVA) dénonce le premier incident de la saison.
Les images tournées par l'association Abolissons la Vénerie Aujourd’hui (AVA) montrent un cerf haletant, visiblement à bout de souffle, en milieu urbain. Samedi 28 septembre 2024 au matin, l'animal traqué s'est réfugié près de la gendarmerie de Senlis (Oise) après avoir traversé la RD1017 et longé la route vers l'hôpital, comme l'ont révélé nos confrères du Parisien.
Le cerf gracié conformément à la réglementation en vigueur
L'équipage de chasse à courre du Rallye des Trois Forêts a commencé la traque de cet animal vers 10h en forêt de Pontarmé. "Aux alentours de 10h20, l’animal se rapprochant à travers bois de la ville de Senlis, la meute a été arrêtée ; la chasse n’a continué qu’avec trois chiens, en direction d’un champ de tournesol qui longe la D1017 à l’entrée de la ville. Les trois chiens ont été repris en lisière de forêt avant le champ de tournesol, et la chasse a été définitivement interrompue", indique l'équipage dans un communiqué, précisant avoir prévenu les gendarmes et les avoir aidés à faire repartir le cerf vers la forêt "en quelques minutes".
Les chasseurs se sont conformés à l'arrêté ministériel du 25 février 2019 qui indique notamment qu'"en grande vénerie, lorsque l'animal est aux abois ou au ferme (sur ses fins, pris, forcé ou hallali courant) et qu'il se trouve à proximité d'habitations, de jardins privés y attenant, de zones commerciales ou artisanales et de bureaux et d'établissements accueillant du public, il est gracié".
"Les cerfs courent pour leur vie et sont exténués"
"Peu importe s'ils respectent le protocole puisque leur pratique génère le fait que les cerfs courent pour leur vie et sont exténués", dénonce de son côté Stanislas Broniszewski, porte-parole d'Abolissons la Vénerie Aujourd’hui (AVA) France. "J'ai personnellement suivi 250 chasses à courre, j'ai pu voir des animaux qui s'en sont sortis, mais qui ont été retrouvés morts dans les bois quelques jours plus tard", affirme-t-il.
Ils courent sur une telle distance, qui engendre un tel stress et une telle fatigue, que leur sang se remplit de toxines et ils en meurent.
Stanislas Broniszewski, porte-parole d'AVA France
L'activiste s'appuie sur le rapport Bateson. Publiée en 1997, cette étude scientifique conclut que les longues chasses à courre soumettent le cerf à "un stress extrême" et "sont probablement à l’origine d’une grande souffrance chez ces derniers".
De son côté, la Société de Vénerie réfute ces conséquences imputées à la chasse à courre. "Les seuls animaux qu'on retrouve morts en forêts sont ceux braconnés. Des animaux blessés à la chasse à courre, ça n'existe pas. On chasse des animaux qui ont des capacités hors normes", estime Antoine Gallon, communicant de la Société de Vénerie.
Plusieurs incidents ces dernières années
La saison de la chasse à courre a commencé le 15 septembre et doit se terminer le 31 mars. Ce qui s'est passé à Senlis est donc le premier incident de la saison, selon l'association AVA qui est présente lors de chaque chasse pour filmer ce qu'il se passe.
"Tous les ans, il y a des incidents horribles avec cet équipage. Même quand ils ne respectent pas l'arrêté, il ne leur arrive rien", accuse Stanislas Broniszewski. En février 2018, un cerf s'était réfugié dans le centre-ville de Pont-Sainte-Maxence où il avait été poursuivi par une meute de chiens. Condamné en première instance, l'équipage du Rallye des Trois Forêts avait été finalement blanchi par la cour d'appel d'Amiens en novembre 2023.
En janvier 2021, un cerf traqué par un équipage du Rallye des Trois Forêts avait trouvé refuge dans la gare de Chantilly, provoquant l'interruption du trafic ferroviaire durant trois heures. Condamnés à 11 500€ d'amende en tout, les chasseurs ont fait appel de cette décision.
Un incident comme celui de samedi est très rare. Ce n'est même pas un incident, c'est un épisode.
Antoine Gallon, communicant de la Société de Vènerie
En octobre 2022, le maire de Pont-Sainte-Maxence avait porté plainte contre l'équipage de chasse à courre du Rallye des Trois Forêts, après un incident survenu pendant une chasse au cours de laquelle un cerf traqué s'était jeté dans l'Oise pour tenter de se sauver au niveau de la zone d'activités de la ville. Le maire avait pris, en 2018, un arrêté municipal interdisant la chasse à courre à moins de 300 mètres des habitations, ainsi que la mise à mort d’une proie sur le territoire de sa commune. Les piqueux de l'équipage avaient abattu le cerf d'une balle dans la tête.
"Chaque année, il y a 350 équipages qui chassent dans 70 départements sur 15 000 journées de chasse à courre. Un incident comme celui de samedi est très rare. Ce n'est même pas un incident, c'est un épisode", balaie Antoine Gallon.
AVA dénonce "un blocage profond au sein de l'État"
Les chasses à courre "constituent un réseau de notables dans les provinces très dur à arracher. Ce sont de grands propriétaires terriens, de grands industriels", pointe Stanislas Broniszewski. "Plusieurs politiques ont essayé d'en parler, mais une fois devenus ministres, plus rien. Il y a un blocage profond au sein de l'État qui fait qu'on maintient la chasse à courre", dénonce l'activiste.
La Société de Vénerie précise que les chasseurs à courre pratiquent leur activité "dans le cadre d'un plan de chasse" et participent à "la régulation des animaux sauvages".
"Le seul horizon, c'est d'interdire la chasse à courre. [...] On a réussi dans toute l'Europe, donc on va réussir en France." Cette pratique est interdite depuis 1952 en Allemagne, et depuis 2002 en Écosse et depuis 2005 en Angleterre et au Pays de Galles. En dehors de la France, elle reste pratiquée aux États-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande, et en Irlande.