"Ici, tout est récupéré" : l'industrie sucrière évolue pour réduire son empreinte carbone et mieux utiliser l'eau des betteraves

La moitié des betteraves françaises sont cultivées dans les Hauts-de-France, permettant à la région de produire 2,5 millions de tonnes de sucres par an. Une industrie qui nécessite beaucoup d'énergie et beaucoup d'eau. Pour plus d'efficacité, une sucrerie a investi dans une nouvelle technologie permettant de récupérer la vapeur d'eau, pour pouvoir la réutiliser.

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Dans les Hauts-de-France, on aime le sucre. Chaque habitant en consomme en moyenne 31 kg par an. Un or blanc qui provient majoritairement de la betterave, culture emblématique de la région : près de la moitié des exploitants en font pousser.

La vapeur d'eau, une source de chaleur précieuse

Mais faire pousser ce tubercule et le transformer un morceau de sucre nécessite beaucoup d'eau, et beaucoup d'énergie. Dans l'industrie sucrière, le recyclage est donc un enjeu crucial. Et ça tombe bien, parce que dans la betterave, rien ne se perd, tout se transforme. "La betterave contient 75 % d'eau, à peu près 17 % de sucre, et 5 % de pulpe. Donc le premier apport de la betterave, c'est l'eau", explique Vincent Caille, responsable betteravier à la sucrerie Saint-Émilie de Villers-Faucon, dans l'est de la Somme.

Le sucre est extrait et transformé en cristaux, comme ceux que l'on utilise pour nos pâtisseries. Mais la pulpe, elle, est utilisée pour l'alimentation animale, sous forme déshydratée. Pour cela, elle est chauffée à haute température, ce qui produit une grande quantité de vapeur d'eau. Dans certaines sucreries, cette vapeur d'eau est évacuée par une cheminée.

Fin 2023, de Villers-Faucon a choisi d'investir dans un sécheur à pulpe pour que cette vapeur d'eau ne disparaisse plus dans l'atmosphère. "Cette vapeur, c'est des calories et de l'eau. Ici, tout est récupéré", explique Thilbault Vaissière, le directeur de la sucrerie. Concrètement, la vapeur récupérée est réutilisée comme source de chaleur pour les besoins de la transformation du sucre. Cristal Union, le groupe auquel appartient cette sucrerie, précise que cette nouvelle technologie remplace l'ancienne unité de déshydratation qui, elle, fonctionnait au charbon. L'entreprise estime que cette réutilisation de la vapeur permet une réduction de 90% des émissions de CO2 par rapport à l'ancien système.

Cristal Union parle d'un coût "de 25 millions d'euros, dont 6,9 millions d'aides de l'État" pour cette nouvelle unité de séchage. Un investissement qui s'inscrit dans le plan de décarbonation annoncé par le groupe, qui se fixe comme objectif de réduire ses émissions de 35 % d'ici à 2030. Un enjeu devenu majeur dans l'industrie sucrière. Tereos, groupe concurrent, a annoncé de son côté un investissement de 800 millions d'euros sur neuf ans, promettant de réduire ses émissions de CO2 de 30 % et sa consommation d'eau de 20 %.

Une consommation d'eau plus vertueuse

Car l'utilisation raisonnée de l'eau, c'est bien l'autre enjeu crucial de l'industrie sucrière. C'est le second intérêt de l'unité de séchage innovante de la sucrerie Saint-Émilie. Après avoir servi comme source d'énergie thermique, la vapeur est condensée pour redonner à l'eau son état liquide.

"Elle est ensuite stockée dans des gros bassins pour être réutilisée en été, quand on est en période de déficit hydrique, précise le directeur. On fait des économies d'énergie, et on économise les ressources naturelles, puisqu'on met l'eau à la disposition des planteurs pour irriguer des cultures en été au lieu d'aller puiser dans les nappes phréatiques." Un système d'autant plus essentiel dans une région de plus en plus touchée par les épisodes de sécheresse.

De la même manière, Tereos a également développé des nouvelles technologies dans plusieurs de ses sites pour récupérer et stocker cette eau évaporée pour qu'elle soit réutilisée par les agriculteurs. "Entre 2 et 3 millions de mètres cubes d'eau sont ainsi réutilisés efficacement chaque année", assure le groupe dans son rapport annuel 2022-2023. Pour la sucrerie Saint-Émilie, un an après la mise en place du nouveau sécheur, Cristal Union assure ne pas encore pouvoir donner de bilan chiffré du dispositif.

Avec Gabin Cransac / FTV

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