La sécheresse éclair, un phénomène qui inquiète les agriculteurs : "on est en première ligne du changement climatique"

Manque de pluie, vent et températures élevées forment un cocktail dangereux pour les cultures de printemps. Un agriculteur de l'Aisne nous a accueillis sur ses passerelles de pommes de terre et de betteraves qui subissent le phénomène de sécheresse éclair.

Le terme est tout récent et vient des États-Unis, mais le phénomène n'est pas nouveau en France. La sécheresse éclair est caractérisée par une conjonction de vent, de fortes températures et d'une absence de précipitation qui provoquent une importante évapotranspiration. L'eau présente dans le sol s'évapore et le rend très dur, ralentissant considérablement la croissance de certaines plantes. "C'est au moins 7 millimètres qui partent par jour", déplore Bruno Cardot, agriculteur dans l'Aisne.

Une croissance au ralenti pour les betteraves et les pommes de terre

Il regarde, dépité, les grosses fissures qui marbrent ses terres, et gratte l'épaisse croûte de terre pour montrer l'ampleur du problème. "On connait souvent des périodes sèches, mais pas aussi longues et pas à ces dates-là. Ce qui est exceptionnel c'est la durée, l'intensité et le moment dans l'année."

Les plus grosses conséquences, on les voit sur les cultures de printemps : la betterave, la pomme de terre, le tournesol, le maïs. Le manque d'eau provoque une croissance plus lente, parce que l'enracinement des cultures de printemps est plus faible par rapport aux cultures d'automne qui vont vraiment dans la réserve du sol.

Bruno Cardot, agriculteur dans l'Aisne

Ses betteraves et ses pommes de terres ont du mal à se développer et accusent un retard de croissance, qu'il estime "difficilement rattrapable". Très actif sur les réseaux sociaux, il expliquait récemment ses difficultés dans un tweet. 

"Deux jours d'orage ne résoudront pas le problème"

Les orages annoncés ne le rassurent pas pour autant : un sol si dur ne peut pas absorber une quantité d'eau suffisante, ni pour relever significativement l'indice hydrique en surface, ni pour remplir les nappes phréatiques. "Même avec 10 ou 20 millimètres d'orage, on aurait une majorité de ruissellement, parce que le sol est compacté."

"Deux jours d'orage ne résoudront pas le problème", confirme l'agroclimatologue Serge Zaka. Il constate que tous les paramètres sont réunis pour parler de sécheresse éclair dans toute la partie nord de la France. "D'ailleurs, quand on regarde la progression de la diminution de l'indice hydrique des sols, donc la progression de la sécheresse, on voit qu'elle est 60% plus rapide cette année que celle de l'an dernier, où il n'y avait pas la conjonction de tous ces paramètres (...). Le risque, c'est que cette sécheresse éclair se transforme en sécheresse tout court, et qu'elle impacte l'ensemble des cultures et des écosystèmes." 

En bon scientifique, il reste tout de même prudent sur les causes du phénomène. "On ne veut pas relier directement au changement climatique cet événement ponctuel européen qui dure depuis quatre semaines, il faudra attendre plusieurs années pour en analyser la fréquence et l'intensité", précise-t-il.

S'adapter face au défi du réchauffement climatique

Mais il est catégorique sur un point : l'agriculture va connaître des changements majeurs dans les années à venir. "On peut travailler sur de nouvelles variétés, de nouvelles techniques sur les sols, de nouveaux systèmes d'irrigation, sur du numérique, etc. Il n'y a pas une solution, mais plusieurs petites solutions pour faire face au changement climatique." Il évoque même à terme l'obligation à termes de cultiver d'autres espèces, qui poussent pour le moment dans le sud de la France, comme la pêche ou l'abricot. "Quand on regarde les différents scénarios climatiques du GIEC, d'ici à 2050, le climat va continuer à se réchauffer, rappelle-t-il. L'agriculture va continuer de subir les assauts du changement climatique jusqu'en 2050 au moins, et ça veut dire qu'il va falloir s'adapter à cette nouvelle donne."

Cette nécessité d'adaptation, Bruno Cardot en est bien conscient. "On est en première ligne du changement climatique. Notre rôle, c'est de s'adapter avec les outils qu'on a, et ce n'est pas simple. Ce qui serait bien, c'est qu'on nous aide, avec de la recherche, avec des leviers agronomiques", affirme l'agriculteur. Il défend par exemple l'utilisation de semences génétiquement modifiées pour être plus résistantes à la sécheresse, mais pour l'instant interdites en France. 

 

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