La hausse du prix des livres s'accélère depuis l'automne 2022. Les éditeurs ont décidé d'augmenter leurs tarifs, même pour les livres déjà en rayon. Cela est dû à une inflation qui touche tous les acteurs de la filière, des imprimeurs aux libraires.
Depuis 20 ans, le prix des livres progressait deux fois moins vite que l'indice général des prix. La situation a changé en cette fin d'année 2022. Tous les professionnels du livre sont touchés par l'inflation à différents niveaux. Le prix des livres est réglementé : ce sont les éditeurs qui ont dû relever leurs tarifs pour permettre aux autres professionnels de faire face. Explications.
Le prix unique des livres
Depuis 1981, une loi encadre le prix des livres. Un libraire doit vendre un livre entre 95 % et 100 % du prix fixé par l'éditeur. Cette loi a été mise en place pour empêcher les chaînes et la grande distribution de pratiquer des prix bas que les librairies indépendantes ne pourraient pas suivre. Seulement, en raison de cet encadrement, le prix des livres a très peu augmenté, contrairement aux charges des libraires : salaires, loyers et factures ont grimpé plus vite que leurs marges. Les libraires ne réalisent en moyenne que 1 % de marge, c'est l'un des secteurs commerciaux les moins rentables.
"C'est ce que l'on appelle un effet ciseau, explique Anne Martelle, présidente du Syndicat de la librairie française, cela fait plusieurs années que nous attirons l'attention des éditeurs sur cette question, mais c'est la hausse des coûts de l'impression qui les a forcés à réagir". D'après la représentante des libraires de France, la mesure devrait permettre aux libraires "d'avoir un petit peu d'oxygène" dans un contexte très inflationniste.
Ce qui augmente
En début de chaîne, le coût de l'impression des livres a fortement augmenté. D'après l'INSEE, entre novembre 2020 et novembre 2022, le prix de la pâte à papier a doublé. L'approvisionnement en bois est compliqué par la guerre en Ukraine, ce qui fait craindre une pénurie. Le prix de l'encre a également augmenté, tout comme celui de l'énergie nécessaire à l'imprimerie.
Face à cette situation, certains éditeurs ont donc choisi d'augmenter le prix de vente des nouveaux livres, mais aussi celui des livres déjà commercialisés. Ces livres déjà livrés aux libraires s'appellent le "fond". Les libraires doivent donc mettre de nouvelles étiquettes sur des livres qui se trouvent déjà en rayon, autant de fois que nécessaire. Une décision qui ne fait pas l'unanimité.
Au cœur d'Amiens, à la librairie du Labyrinthe, Philippe Leuleux est à la fois libraire et éditeur. "En tant qu'éditeur, j'ai choisi de ne pas augmenter le prix des livres qui sont déjà sortis, explique-t-il, par contre j'ai été obligé d'augmenter celui des nouveaux livres d'environ 5 %". Les tarifs de son imprimeur ont augmenté d'environ 10 %.
"Tous les acteurs de la chaîne du livre essaient d'amortir des augmentations très fortes, ajoute Philippe Leuleux, mais il faut espérer que l'augmentation du prix des livres déjà publiés ne ralentisse pas les ventes. On remplit son frigidaire avant de remplir sa bibliothèque". Après un élan de solidarité pendant la crise sanitaire, 2022 a été une année morose pour les libraires indépendants. "Ce n'est pas le Noël de l'année dernière", regrette Philippe Leuleux. Le mois de décembre représente 20 % du chiffre d'affaires des librairies.