Le gouvernement a annoncé vendredi l'attribution de la mention "Mort pour la France" au sous-lieutenant Chapelant.
Ce sous-lieutenant du 98e régiment d'infanterie avait été fusillé le 11 octobre 1914 dans la Somme, après avoir été condamné par un conseil de guerre spécial du régiment pour désertion.
Le sous-officier avait été blessé par balle à la jambe quatre jours auparavant, avant d'être, assurait-il, fait prisonnier et de s'évader.
Son père avait lutté toute sa vie pour tenter de le faire réhabiliter. Après un combat judiciaire d'une dizaine d'années, la Cour suprême de justice militaire avait en juin 1934 maintenu la décision de 1914.
Le nom de Jean-Julien-Marie Chapelant avait pourtant été inscrit sur le monument aux morts d'Ampuis (Rhône), sa commune d'origine.
800 soldats fusillés pendant la Grande Guerre
Durant le seul mois d'octobre 1914, une soixantaine de soldats ont été fusillés, comme le sous-lieutenant Chapelant du 98e régiment d'infanterie, a précisé vendredi le général Bach ex-chef du Service historique de l'armée de terre (Shat) de Vincennes.
Quelque 800 soldats français ont été fusillés pendant la Grande Guerre. Parmi ces suppliciés, plus de 650 soldats ont été passés par les armes après avoir été condamnés à mort par des conseils de guerre pour désertion, mutinerie, refus d'obéissance ou crimes de droit commun, selon le général André Bach, ex-chef du Service historique de l'armée de terre (Shat) de Vincennes.
Selon son étude, 66 % des exécutions ont eu lieu dans les 17 premiers mois de la guerre qui a duré 52 mois. Durant le seul mois d'octobre 1914, a précisé vendredi le général Bach à l'AFP, une soixantaine de soldats ont été fusillés, comme le sous-lieutenant Chapelant du 98e régiment d'infanterie.
Il avait inspiré un film de Stanley Kubrick
Son exécution avait inspiré "Les Sentiers de la gloire", le livre d'Humphrey Cobb (1935) et adapté dans le film éponyme de Stanley Kubrick (1957).
La Ligue des droits de l'Homme exige la réouverture des dossiers des "fusillés pour l'exemple" en demandant "la poursuite" de leur "réhabilitation". Le président de la Fédération nationale de la libre pensée Marc Blondel, ancien secrétaire général de FO, demande une "loi de réhabilitation collective".
Des réhabilitations qui divisent
Le 5 novembre 1998 à Craonne (Aisne), haut lieu des mutineries du Chemin des dames (avril 1917), le Premier ministre socialiste Lionel Jospin avait estimé que les mutins devaient "réintégrer aujourd'hui, pleinement, notre mémoire collective nationale". Le président Jacques Chirac avait alors jugé sa déclaration "inopportune".
Dix ans plus tard, le 11 novembre 2008, le président Nicolas Sarkozy déclarait pourtant à Douaumont que "beaucoup" des soldats français "exécutés" "ne s'étaient pas déshonorés", tout en évitant de prendre position sur la réhabilitation juridique des mutins.
La réhabilitation de soldats exécutés s'est faite au coup par coup, dès les années de l'après guerre, comme pour les sous-lieutenants Harduin et Millan en 1926. Selon le général Bach, une cinquantaine de soldats fusillés ont été au total réhabilités, dont une trentaine en 1934 par la Cour suprême de justice militaire.
Dans l'un de ses jugements, cette juridiction avait écrit : "attendu que si les nécessités impérieuses de la discipline commandent en temps de guerre le sacrifice de la vie, ce sacrifice ne peut être imposé lorsqu'il dépasse les limites des forces humaines".