Les Picardes Sophie Jomain et Carène Ponte ont écrit à elles deux près d'une cinquantaine de romans, tous étiquetés feel good. En ce printemps 2024, la première a sorti "Et viva la vida", un roman optimiste qui lutte contre la grossophobie ; la seconde a publié "Sur scène", une histoire triste mais pleine d'espoir. Alors, qu'est-ce qu'un livre feel good ? Éléments de réponse avec ces deux autrices aux centaines de milliers de lecteurs.
Elles ont tellement de points communs que les lister serait fastidieux. Retenons simplement que Sophie Jomain et Carène Ponte vivent dans la Somme, la première près d'Abbeville et la seconde près d'Amiens, où elles écrivent chacune au moins deux romans par an. Leurs derniers opus sont sortis au printemps 2024, des livres dits "feel good", de l'anglais "se sentir bien". Un terme très à la mode en littérature, mais qu'implique-t-il ?
La réponse de Carène Ponte fuse : "Le feel good parle de la vie tout simplement, dans ce qu'elle a de gai et de triste, de manière sincère et authentique." Ce n'est pas Sophie Jomain qui dira le contraire. "Pour moi, affirme cette dernière, le roman feel good idéal est à l’image de la vraie vie. Des galères, des réussites, de l’entraide et de la solitude. Qu’il fasse rire, sourire ou pleurer, il suscite des émotions qui nous ressemblent, montre des situations qui nous parlent et c’est ce qui le rend si populaire."
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Dans un bon roman feel good, il faut une pointe d'optimisme et de lumière.
Carène PonteAutrice
Les deux autrices ont chacune des centaines de milliers de lecteurs, ou plutôt de lectrices. Et c'est bien dans les émotions, quelles qu'elles soient, que réside la clé du succès. Leurs intrigues ne se déroulent pas au pays des Bisounours, au contraire. Dans Sur scène, Carène Ponte raconte l'histoire de Ginger qui, lorsqu'elle apprend qu'elle est gravement malade, décide plutôt que de se soigner, de ressusciter un vieux rêve et de partir à Broadway pour chanter sur scène. Son amie Lola, qui a peur de tout même de son ombre, l'accompagne.
"On n'est pas dans un truc fleur bleue comme on pourrait penser, sourit Carène, autrice de quinze romans en sept ans, et même si des événements tristes sont racontés, il en résulte des émotions positives. Lorsqu'un personnage se sort d'une situation compliquée, prend des décisions pour avancer, le lecteur se sent bien. Dans un bon roman feel good, il faut une pointe d'optimisme et de lumière."
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Un roman feel good n'est pas forcément drôle, mais il doit être porteur d'espoir.
Sophie JomainAutrice
"Le roman feel good peut présenter des scènes inattendues, ajoute Sophie Jomain, moins évidentes qu’on l’aurait voulu, et c’est un tort de penser qu’il est systématiquement drôle. Mais quel que soit son dénouement, il doit rester porteur d’espoir et de perspectives. À la fin, comme il porte bien son nom, il doit faire du bien !" [Rires].
Dans son 28e roman, Et viva la vida, Sophie Jomain n'avait même pas conscience d'écrire du feel good. L'autrice de 48 ans a choisi de raconter l'histoire de deux copines en surpoids, Marnie et Fran, qui vont partir faire un road trip le long de la Côte d'Opale et faire ce qu'elles n'ont jamais osé faire.
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"Ce livre, confie-t-elle, c'est une quête de liberté. Quand on est tellement mal dans son corps au point de se priver de tas de choses comme monter à cheval, mettre une jupe ou manger devant les autres, à un moment donné, on ne peut plus vivre. Mes personnages se lancent donc un défi. C'est drôle, et c'est touchant aussi."
"Marnie a plein de complexes et Fran se fiche de ce que pensent les autres. Je ne m'étais pas rendu compte que le personnage de Marnie, c'était moi... Je me suis inspirée de mes ressentis." Et si Marnie, c'est Sophie, Fran... c'est Carène ! "Elle est solaire, cela s'est imposé, s'amuse Sophie. La première fois que je l'ai vue, elle est arrivée habillée en mini-short moulant et collants, avec des couleurs flashy. Je me suis dit qu'elle avait tout compris."
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Carène Ponte, ancienne juriste de 43 ans, revendique s'être levée un matin et avoir décidé d'être optimiste. "C'est un choix assumé. On peut se prendre la tête avec tout ce qui ne va pas, ou alors admirer une libellule qui se pose sur une fleur et se réjouir de trouver la première la réponse à l'énigme du Père Fouras dans Fort Boyard. La vie est trop courte pour ne pas décider de la prendre du bon côté."
C'est exactement ce qu'elle essaie de transmettre dans ses écrits. "Mon objectif, clame-t-elle, c'est de faire passer un bon moment. Moi, en tant que lectrice, je veux être embarquée, alors j'essaie de rendre mes personnages attachants pour embarquer mes lecteurs. Si au passage, ça fait réfléchir et ça suscite des émotions, c'est le petit bonus."
Même constat du côté de Sophie Jomain, qui reçoit avec fierté de nombreux témoignages positifs de femmes. Elles sont souvent émues, soulagées de se sentir comprises et surtout, certaines ont décidé de "se lâcher" après la lecture de Et viva la vida.
"Mes lectrices se sont identifiées, elles m'ont envoyé des photos d'elles en manches courtes ou du maillot de bain deux pièces qu'elles avaient osé acheter après m'avoir lue... Ce n'est pas un roman thérapeutique, mais c'est un roman qui fait du bien parce que, peut-être, on se sent moins seul."
Autre point commun, les deux autrices écrivent chaque année des comédies de Noël. Elles sont annoncées pour octobre 2024.
En attendant, Et viva la vida de Sophie Jomain est publié aux éditions Charleston. Quant au livre de Carène Ponte, Sur scène, il est sorti chez Fleuve éditions.