À l'heure de la rentrée, vous appréhendez votre reprise après votre congé maternité ? Pour que cela se passe le mieux possible, prenez les devants en connaissant vos droits. La loi française a plusieurs volets pour vous protéger. En cas de doute, tournez-vous vers un représentant syndical. Votre bien-être peut se retrouver dans la balance.
La reprise après le congé maternité a de quoi être abordée avec quelques craintes si l'on en croit l'étude du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes de 2018. Selon cette enquête menée auprès de 37 000 salariés en France, 80 % des femmes auraient déjà entendu, sur leur lieu de travail, des remarques sexistes liées à la maternité et 56 % d’hommes en auraient été témoins.
Préparez-vous, car lors de votre reprise, vous allez peut-être entendre certaines remarques déstabilisantes comme :
"Tu comprends, avec le congé maternité que tu as pris, on reparlera de ta promotion plus tard."
"Si j’avais su, je n’aurais engagé que des hommes."
"On fera la réunion sans elle, passé 17h, elle va récupérer ses enfants !"
Pas toujours facile de reprendre sa place en entreprise comme si rien n’avait changé après quelques mois d’absence. Fatigue accrue avec des nuits hachées, la gestion parfois compliquée du planning avec les horaires de la crèche, la difficile conciliation de l’allaitement avec le travail...
1- Il y a quatre points à retenir dans le Code du travail
Voici les éléments clés dans le Code du travail et dans les conventions collectives qui vont vous permettre de préparer au mieux votre reprise et d'agir en cas de désaccord ou de litige avec votre employeur :
- Il est illégal de licencier une femme pendant sa grossesse et dans les 10 semaines qui suivent son retour de congé maternité ;
- L’employeur a l’obligation de proposer à la salariée, à l’issue d’un congé maternité, un entretien professionnel prévu par le Code du travail ;
- Concernant l’allaitement, la loi française oblige les entreprises à donner une heure par jour à la salariée pour s’absenter de son travail et aller allaiter son bébé. Une entreprise de plus de 100 salariés doit mettre à disposition un local d’allaitement. Et dans ce cas, ce n'est pas deux fois 30 minutes, mais deux fois 20 minutes qu'on lui donne pour tirer son lait ;
- En fonction des conventions collectives des entreprises, l’aménagement du travail peut être envisagé le temps que la situation personnelle de la maman soit moins compliquée.
Selon Nathalie Cagny, représentante syndicale CFDT Hauts-de-France, "les femmes ne connaissent pas leurs droits". Le syndicat s'en est rendu compte grâce à un jeu de cartes qu'il a créé. Lors de leurs formations de sensibilisation, les salariées hésitent à l'énoncé des affirmations suivantes :
"L’employeur a pour l’obligation d’augmenter les salariées de retour de congé maternité." VRAI ou FAUX ? (réponse : vrai)
"L’employeur peut changer de poste la salariée dès son retour de congé maternité." VRAI ou FAUX ? (réponse : faux)
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2- Le retour peut se compliquer
Victoria, jeune maman que nous avons rencontrée, mais qui souhaite rester anonyme pour des raisons évidente, nous raconte son retour au travail.
Elle [ma chef] m’avait même organisé un voyage professionnel alors que j'étais encore en congé maternel et n'a pas pensé à me prévenir.
Victoria, à son retour au travail
Elle a demandé une rupture conventionnelle au bout d'un mois de reprise, car la situation s'est très vite dégradée : elle a ressenti un malaise dès son premier jour. "Personne ne m'a souhaité un bon retour. C'était très froid. Je pensais avoir une journée pour reprendre mes marques et en fait, pas du tout. Ma chef m'avait déjà planifié plusieurs rendez-vous à l'extérieur. Elle m’avait même organisé un voyage professionnel alors que j'étais encore en congé maternel et n'a pas pensé à me prévenir." Victoria a même connu des situations délicates : une collègue racontait aux clients qu'elle était incompétente. Sa direction prévenue par mai lui a répondu que c’était "sa parole contre la sienne".
3- Une heure par jour pour allaiter
Concernant leurs droits en termes d'allaitement, les femmes pensent souvent que cela va être trop compliqué de continuer au travail et n'abordent pas la question avec leur employeur. Celles qui osent sont souvent bien accompagnées en amont de leur reprise par une bénévole de l'association La Leche League ou par une conseillère en lactation spécialisée comme Clémence Gricourt, conseillère en lactation IBCLC et créatrice de l’association La boîte à outils de la famille à Amiens.
Cette maman de trois enfants, tous allaités, est en première ligne pour aider les mères dans leur projet de concilier travail et allaitement. Elle nous donne des conseils pour imaginer comment horaires de travail et allaitement peuvent être compatibles dans un environnement pas forcément bienveillant. "Si elles veulent continuer à allaiter de manière exclusive, je leur conseille de donner une tétée et de tirer le reste du lait avant de partir au travail, ensuite durant leur temps de travail, de tirer leur lait à leurs différentes pauses. C'est mieux de prévenir l'employeur en amont pour pouvoir dialoguer. Quoi que l'on fasse, cela reste compliqué, car on n'a pas toujours des horaires de bureau et même quand on a des horaires de bureau, c'est gênant de dire aux collègues que l'on va tirer son lait. C'est assez particulier. Pas simple aussi de gérer les remarques. Il y a des collègues qui vont demander : 'Mais pourquoi tu t'embêtes à tirer ton lait ? Pourquoi tu ne lui donnes pas du lait en poudre ?'"
4- Encore un certain sexisme constaté chez les employeurs
Élodie Cerf, en charge de la commission sur le sexisme en entreprise au syndicat CFDT Hauts-de-France explique : "La prise de conscience est lente quand même. Parfois, les employeurs ont du mal à mettre tous ces droits en application. On gère des dossiers de gros contentieux comme le cas de Marie, infirmière, qui se sent obligée de travailler comme avant et sacrifie sa vie privée jusqu'au jour où elle tombe en burn-out."
La représentante syndicale insiste sur un point essentiel : "Il faut prendre contact avec son représentant syndical au sein de l'entreprise quand votre santé est en jeu !"
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