Les inégalités hommes-femmes : "Il faut agir dès l'école pour gommer les écarts"

C’est bien connu, les garçons jouent au ballon et les filles à la poupée. Ces clichés ont encore la dent dure dans nos sociétés occidentales. Dès l’école, les enfants vivent et évoluent selon un déterminisme de genre. L’Éducation nationale tente d'y remédier avec des formations et des actions dans les écoles.

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Dès notre arrivée dans la cour de cette petite école, située à Oresmaux, dans la Somme, le constat est immédiat. Les garçons jouent au foot. Leurs cris et leurs exclamations absorbent tout l’espace sonore tandis que les filles jouent aux échasses de leur côté ou au jeu de construction Kapla, sous le préau. Une séparation qui a longtemps été une évidence dans les établissements scolaires. Mais les mentalités évoluent.

Dès sa nomination dans l’école, en 2017, la directrice a pris des mesures pour limiter ce déterminisme de genre. Et cela commence par la cour d’école. "Le terrain de foot prenait beaucoup de place. Et comme c’est le jeu de prédilection des garçons, les filles n’avaient pas vraiment de place pour jouer. On a redessiné la cour avec un espace ballon limité. Les enfants n’ont plus le droit de traverser la cour avec leur ballon pendant le jeu. On a mis en place un terrain de basket et un espace tennis de table pour diversifier les jeux. Et on constate que les choses ont changé. Les activités sont plus mixtes et apaisées", détaille Sabrina Beccart, directrice de l’école primaire d’Oresmaux.

La mixité des carrières commence à l’école primaire

Dans cette école, l’enseignement scientifique a pris une part plus importante. La directrice, qui enseigne aussi aux élèves de la classe de CM1/CM2, lance, chaque année, des projets innovants pour sensibiliser tous les élèves, filles et garçons, aux métiers de la science. Cette année, les enfants travaillent sur le vivant, par l’observation des cellules humaines au microscope. L’année dernière, ils ont élevé un blob, une créature visqueuse qui n’est ni un animal, ni un végétal, ni un champignon ; ainsi que des poules. Il s’agissait d’observer les œufs fécondés.

L’objectif, pour la directrice, est de valoriser les sciences auprès de tous ses élèves. "On constate que les filles embrassent moins les carrières scientifiques alors que les chiffres sont là. Elles sont meilleures que les garçons dans les évaluations au CP. Dans ma classe, tous les élèves sont investis par ces études scientifiques, mais on constate que l’écart se creuse lors du choix des filières. Les filles s’en éloignent. Je pense qu’il faut agir dès l’école primaire pour gommer les écarts. D’ailleurs, si on fait un sondage du choix des carrières, dans ma classe, ce sont les filles les plus intéressées par les sciences. J’espère que plus de filles se dirigeront vers les formations scientifiques, si elles le souhaitent", détaille Sabrina Beccart.

J’ai déjà entendu que les garçons étaient plus forts que les filles.

Éloise, élève de CM2 à l'école d'Oresmaux

Nous avons fait le test dans cette classe de CM2 et nous avons fait le même constat que l'enseignante. Ce ne sont pas les filles qui vont le contredire. "Plus tard, je veux être scientifique, j’aime bien les sciences, parce que ça nous apprend plein de choses", explique Eline. "Je veux être vétérinaire. J’adore soigner les animaux. Je pense que ce serait ma passion", indique Eloïse qui ajoute : "J’ai déjà entendu que les garçons étaient plus forts que les filles, que des métiers étaient plus pour eux, comme pompier ou footballeur, mais il y a une équipe de foot féminine et il y a autant de femmes que d’hommes chez les pompiers". Lia, elle, hésite entre un métier informatique ou créatif.

Des filières différenciées selon le sexe

L’enseignement aussi est un domaine où les stéréotypes de sexe sont visibles et renforcent les inégalités lors de l’orientation professionnelle. D’après une étude publiée par le ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, les lycéennes se détournent très tôt des filières du numérique. Elles ne sont que 16 % à choisir une formation Informatique et numérique et 28 % à intégrer une école d’ingénieure alors que dans les filières paramédicales et sociales 84 % des étudiants sont des filles. À chaque palier d’orientation, à la fin de la Troisième, au collège et de la Première, lorsqu’il faut choisir des enseignements de spécialité, filles et garçons font des choix différenciés.

On a encore du mal à avoir des programmes mixtes à l'école.

Laurence Ducousso-Lacaze, référente académique à l'égalité filles garçons et à la lutte contre les LGBT+ phobies à Amiens

Pour rétablir un équilibre et lutter contre les inégalités à l'école, au collège et au lycée, l'Éducation nationale nomme un référent dans chaque académie, chargé de coordonner la mise en œuvre de la politique éducative en faveur de l'égalité entre les filles et les garçons. Dans l’académie d’Amiens, Laurence Ducousso-Lacaze, référente à l’égalité filles-garçons, observe que ces inégalités sont toujours présentes dans de nombreux domaines. "Dès l’école primaire, les études montrent que les garçons occupent une grande partie du terrain de jeu et de l’espace sonore dans la cour. En classe, on s’aperçoit que les garçons prennent plus la parole que les filles et souvent de manière intempestives. Et les enseignants donnent davantage la parole aux filles pour rappeler la leçon parce qu’elles ont une image d’élèves sérieuses, et aux garçons pour des activités de recherche".

C’est un rapport de pouvoir et de hiérarchie entre le masculin et le féminin.

Laurence Ducousso-Lacaze, référente académique à l’égalité filles-garçons à Amiens

Les programmes véhiculent eux aussi les stéréotypes. "On a encore du mal à avoir des programmes mixtes. Par exemple, en français, en Première générale, Il n’y a que deux autrices proposées sur 12 auteurs", ajoute Laurence Ducousso-Lacaze. Selon elle, les filles sont victimes de la censure sociale. "Si on prend un groupe mixte avec les mêmes résultats en sciences, les garçons s’engagent plus alors que les filles se pensent mauvaises et s’éloignent de cette filière. Elles pensent que ce n’est pas pour elles, qu’elles ne sont pas assez bonnes." Un manque de confiance lié à l’environnement social. "Cela commence à l’école et dans la famille et cela se poursuit dans tous les domaines. La différence est sans cesse rappelée. C’est un rapport de pouvoir et de hiérarchie entre le masculin et le féminin", explique la référente.

Des formations pour déconstruire le déterminisme de genre

Et pourtant l’image de la femme infirmière et de l’homme scientifique n’est pas une fatalité. D’ailleurs, Laurence Ducousso-Lacaze préfère parler de rapport de genres, plutôt que de déterminisme. "Le déterminisme implique que cette situation est figée alors que les rapports sont très dynamiques et peuvent être déconstruits", explique t-elle. C’est la volonté de l’Éducation nationale de rétablir l’égalité entre les sexes. L’académie d’Amiens organise des formations aux personnels avec une réflexion sur les pratiques professionnelles auprès des élèves. Un forum numérique réservé aux collégiennes et lycéennes permet de sensibiliser les filles à cette matière.

Les mentalités évoluent et les jeunes sont de plus en plus nombreux à prendre conscience de ces inégalités et de la nécessité de les combattre. Le danger, si les institutions n’y prennent pas garde, c’est de limiter la liberté de la moitié de la population.

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