Ce dimanche 26 juillet, "l'année blanche" promise par Emmanuel Macron a été définitivement actée au Journal officiel. Un soulagement à court terme pour les intermittents du spectacle picards qui restent néanmoins dans l'incertitude tant que l'activité de leur secteur ne redémarre pas pour de bon.
Ils l'attendaient depuis le 6 mai dernier, date à laquelle Emmanuel Macron avait annoncé une "année blanche" pour le secteur culturel. Ce dimanche 26 juillet, un arrêté a enfin été publié au Journal officiel, accordant aux intermittents du spectacle une prolongation de leurs droits jusqu'au 31 août 2021. Une mesure saluée par l'ensemble du milieu mais qui pourrait s'avérer insuffisante si l'activité ne reprend pas rapidement.
Incertitude totale pour la rentrée culturelle
"C'est forcément un soulagement, admet Julien Dufour, concepteur lumière et tour manager picard. Dans un premier temps, beaucoup de gens vont pouvoir souffler et c'est une bonne chose mais ça ne répond pas à nos problèmes sur le long terme." Car pour l'heure, l'immense majorité des manifestations culturelles demeure annulée et l'incertitude pour la rentrée 2020 reste totale.À moins d'un mois de la reprise, les salles de spectacle ignorent si elles pourront rouvrir en septembre et malgré leurs demandes répétées, le gouvernement reste muet. Une absence de communication qui passe difficilement alors que de grosses structures comme le Puy du Fou proposent des spectacles réunissant 12 000 spectateurs. "Une incompréhension totale" pour Sibylle Luperce, chanteuse picarde et membre de la Coordination des intermittents et précaires de Picardie (CIP).
Des cas de figure différents
Dans ce contexte, le Syndicat des musiques actuelles (SMA) a adressé une lettre ouverte au gouvernement et lancé une pétition intitulée Concerts debout touchés en plein cœur qui réunit d'ores et déjà plus de 1500 signataires. Une pétition signée entre autres par La lune des pirates, la salle de concert amiénoise installée sur le quai Bélu."Si l'activité ne reprend pas en septembre, ça va entraîner des situation compliquées, explique Sibylle Luperce, et tant qu'on est dans ce flou artistique, cette mesure est insuffisante." Car chez les intermittents, comme chez la plupart des travailleurs précaires, les cas de figure sont quasiment tous différents, tout comme les périodes d'activité.
Pour les travailleurs des théâtres et des salles de spectacle, le gros des contrats se répartit de septembre à juin. Ceux-là risquent d'être directement impactés si la saison culturelle ne redémarre pas en septembre. Pour beaucoup d'autres, l'été et ses nombreuses manifestations culturelles - au premier rang desquelles les festivals - peut représenter jusqu'à la moitié des 507 heures exigées pour renouveler les droits au chômage.
Pour une reconduction systématique des droits
"On va pas pouvoir tous répondre de la même activité au même moment, souligne Julien Dufour. Moi, je travaille sur des tournées nationales et internationales et les producteurs refusent de s'engager avant avril 2021." Dans ces conditions, rien ne garantit qu'il sera capable de renouveler ses droits en août 2021. Tout dépend en fait de la fameuse date anniversaire, à laquelle les intermittents doivent justifier de leur quota d'heures de travail pour débloquer des indemnités sur l'année à venir."C'est pour ça qu'on a demandé dès le début une reconduction systématique des droits pour un an", abonde Sibylle Luperce. Une reconduction que la CIP revendique pour l'ensemble des intermittents de l'emploi. Comprendre : tous ceux qui exercent un emploi discontinu. Intérimaires, personnels de cuisine, de l'hôtellerie : "Une partie d'entre nous est aidée pour l'instant mais les autres qui ne peuvent pas travailler, ils vivent de quoi ?", interroge la chanteuse.
On va tous sortir très fragilisés de tout ça. Des maisons de production, des prestataires déposent le bilan et dans un an, les gens seront tellement sur la paille qu'ils vont accepter de travailler à n'importe quel prix, ce qui va dégrader nos conditions de travail.
La menace de la réforme du chômage
Le nœud du problème semble finalement résider dans la rupture du dialogue entre les autorités décisionnaires et les travailleurs. "Ça fait plusieurs mois qu'on aurait pu discuter des solutions à envisager mais on se heurte à des ministres qui ne connaissent pas le milieu et n'ont aucune vision de notre paradygme", souligne le régisseur picard.Pour l'heure, l'inquiétude et la méfiance reste de mise chez les intermittents du spectacle picards. D'autant plus alors que le spectre de la redoutée réforme de l'assurance chômage menace de resurgir rapidement sur la table des négociations. "Un très mauvais signal pour les travailleurs précaires", conclut Julien Dufour.