Pour la neuvième année, Santé Publique France et le ministère de la Santé proposent un "mois sans tabac" pour sensibiliser les Français aux dangers de la cigarette et encourager les fumeurs à sortir de leur addiction. Et si les Hauts-de-France comptent plus de fumeurs que la moyenne nationale, la région connait depuis quinze ans une forte baisse des consommateurs quotidiens.
Accompagner quelqu'un dans le sevrage du tabac exige de la patience et beaucoup de pédagogie. Amélie Sueur, infirmière tabacologue au centre hospitalier d'Abbeville, en sait quelque chose. "Il y a encore beaucoup d'idées reçues sur le tabac, constate-t-elle. Par exemple, quand on veut arrêter, il ne faut pas seulement s'intéresser au nombre de cigarettes consommées par jour, mais aussi au type de tabac. Une cigarette roulée, c'est l'équivalent de deux ou trois cigarettes industrielles. Donc dire qu'on fume dix cigarettes par jour, ça ne veut pas dire grand-chose. C'est ce qui fait qu'on va souvent sous-estimer le dosage nécessaire pour le substitut nicotinique."
De moins en moins de fumeurs dans les Hauts-de-France
Ces informations, elle les transmet chaque jour à ses patients, mais aussi à un public plus large pendant le mois sans tabac. Cette opération de santé publique, renouvelée chaque année depuis 2016, vise à intensifier la lutte contre le tabagisme. L'année dernière, plus de 16 000 habitants des Hauts-de-France s'y sont inscrit : c'est l'une des régions qui suit le plus l'opération. Cette année, pour l'occasion, un stand a été mis en place à l'accueil de l'hôpital d'Abbeville, avec de la documentation et des kits d'aide pour arrêter de fumer.
Une fois par semaine, médecins et infirmiers tabacologues assurent également une permanence pour encourager la discussion. "Certains viennent spontanément poser des questions sur le stand, et parfois, on va directement sur le parvis devant l'hôpital pour aborder les gens qui sont en train de fumer, afin de parler avec eux en toute décontraction de leur consommation de tabac, explique Amélie Sueur. Souvent, au début, il y a un peu d'appréhension, ils ont peur d'être pointés du doigt. Mais l'idée n'est pas du tout de culpabiliser. C'est très important de leur expliquer que ça n'est pas qu'une question de volonté."
Plus on commence tôt, et notamment quand le cerveau n'est pas encore totalement développé, et plus on a de risques d'être fortement dépendants.
Amélie Sueur, infirmière tabacologue
La multiplication de ce type d'opérations de prévention autour du tabagisme semble porter ses fruits. Dans les Hauts-de-France, qui occupaient encore récemment la deuxième place du podium des régions où l'on fume le plus, on constate une diminution significative du nombre de fumeurs ces dernières années. Entre 2017 et 2021, le taux de fumeurs quotidien est passé de 30,8% à 26,4%.
Une sensibilisation qui semble fonctionner notamment sur les plus jeunes : l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives note une tendance à la baisse de consommation de tabac chez les adolescents. Un point très important, car l'âge a un impact sur la dépendance. "Plus on commence tôt, et notamment quand le cerveau n'est pas encore totalement développé, et plus on a de risques d'être fortement dépendants", indique l'infirmière.
Comprendre la mécanique de la dépendance
Mais si la meilleure solution pour se prémunir des méfaits du tabac reste de ne pas commencer, il est tout à fait possible de se défaire de la cigarette, même après des années de consommation. Pour Amélie Sueur, décrypter le processus qui crée l'addiction est essentielle pour entamer un sevrage efficace. "Le premier conseil, c'est de chercher à comprendre comment ça fonctionne. Quand on fume, la nicotine arrive en shoot, elle arrive au cerveau en sept secondes, précise-t-elle. La nicotine va biaiser le système de récompense, et le cerveau va reconnaître cette substance comme quelque chose d'indispensable à son bon fonctionnement." C'est pour cette raison qu'elle recommande l'utilisation de substituts nicotiniques, comme les patchs, qui diffusent la substance en continu dans l'organisme et permettent de déshabituer son cerveau à la nicotine.
Un fumeur ne devient jamais non-fumeur, il sera ex-fumeur. Son cerveau va garder son appétence à la nicotine.
Amélie Sueur, infirmière tabacologue
En revanche, il ne faut pas sous-estimer le risque de rechute. "On endort les récepteurs cérébraux à la nicotine, et ils peuvent rester endormis jusqu'à la fin de leur vie, mais il ne faut jamais refumer, parce qu'on va réveiller ces récepteurs, qui vont reconnaître tout de suite la substance. C'est un peu comme l'alcool, une fois qu'on est sevré, on prend un gros risque si on reprend un verre, assure l'infirmière. Un fumeur ne devient jamais non-fumeur, il est ex-fumeur. Son cerveau va garder son appétence à la nicotine."
D'après les derniers chiffres de Santé publique France, en 2021, près de 6 fumeurs quotidiens sur 10 ont exprimé leur envie d'arrêter, et un peu plus d'un quart a essayé d'arrêter au cours de l'année.
9 000 décès par an lié au tabagisme dans les Hauts-de-France
Si le plus tôt est le mieux, il n'est jamais trop tard pour arrêter de fumer. "Les séniors qui s'arrêtent de fumer retrouvent, au bout d'un an, un risque de faire un AVC équivalent à celui des non-fumeurs, celui d'être victime d'un infarctus du myocarde diminuant de moitié", souligne la fédération française de cardiologie. L'arrêt du tabac permet par ailleurs de réduire les risque de survenue d'un cancer du poumon ou de la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive).
C'est d'ailleurs en traitant des patients en réhabilitation cardio-respiratoire qu'Amélie Sueur a choisi de se spécialiser dans la tabacologie. "J'ai vu les dégâts que ça faisait", confie-t-elle. Chaque année, le tabagisme entraîne 75 000 décès par an, dont 9 000 dans les Hauts-de-France.
Pour vous aider à arrêter de fumer, n'hésitez pas à appeler le 3989 ou à vous rendre sur le site internet du Mois sans tabac.
Avec Narjis El Asraoui / FTV