La SPA tire la sonnette d'alarme. Deux mois avant les grandes vacances, le nombre d'abandons d'animaux est en forte augmentation pour des raisons économiques, mais pas seulement, alors que le nombre d'adoptions diminue.
À Essuilet, dans l'Oise, comme à Poulainville dans la Somme, les bénévoles sont inquiets. À deux mois de la période estivale, les refuges sont déjà saturés. Le nombre d'abandons est en forte augmentation.
"En deux semaines de vacances, on a rentré 7 à 8 chiens, confirme un bénévole du refuge d'Essuilet dans de l'Oise. Encore actuellement, on est surtout obligé d'en refuser plein parce qu'on n'a plus de place".
Les frais de fonctionnement en hausse
L'inflation pourrait être à l'origine de cette situation. Pris à la gorge, les propriétaires abandonnent leur animal domestique face à la flambée des prix non seulement des soins vétérinaires, mais surtout des produits du quotidien. Les croquettes pour chiens et chats ont augmenté de plus de 17% en un an.
Cette crise économique n'épargne pas la SPA qui compte, en cette période de l'année, 15% d'abandons en plus au niveau national. Pour autant, des disparités existent selon les régions. À Poulainville, par exemple, les chiffres sont stables, en revanche l'impact de cette hausse influe sur le fonctionnement du refuge : "On est à 15% d'augmentation sur l'énergie, indique Matthieu Scherenne, responsable de la SPA, 3% sur la litière et on en consomme énormément et 17% sur les croquettes. En 2022, la prise en charge d'un animal est passé de plus de 800 euros à plus de 900 euros."
Fragilisés, les refuges en appellent à la générosité du public. "On marche principalement avec des dons des collectes", rappelle le refuge d'Essuilet et de l'Oise. Ici, l'établissement reçoit une dizaine d'appels par semaine, mais est contraint de refuser les admissions. La capacité est de 49 chiens et il ne peut pas déroger à la règle.
Les plus gros chiens abandonnés
"La plupart du temps, les chiens sont jetés à la rue, constate le bénévole. On est complet. On est obligé de refuser les abandons. On pourrait rajouter des box, mais on n'a pas le droit."
"Dès que les gens appellent, ajoute Matthieu Scherenne, on voit selon l'urgence. Si le motif est un problème de comportement, on ne peut plus les prendre. Sur 26 box, un tiers des chiens a besoin d'être accompagné par un professionnel. Il n'y en avait pas autant avant."
Ce sont des races qu'on a du mal à placer et on en attend d'autres. Ils ont des troubles du comportement et on sait qu'ils vont rester au refuge quasiment toute leur vie.
Hélène HenocqueRefuge de Oisemont
Même constat au refuge de la protection animale de Oisemont. L'association marche en partenariat avec la Fondation 30 millions d'amis et récupère de plus en plus de chiens victimes de maltraitance. "C'est une catastrophe, alerte la vice-présidente Hélène Henocque. Actuellement, sur 24 chiens, on en a 8 qui ont été enlevés par la fondation pour maltraitance. Deux Staff, quatre Malinois, un Berger Tervueren et un Berger allemand. Sur quatre malinois, il y en a peut-être un qui sera adopté. Un Malinois qui a été maltraité, c'est rattrapable, mais il faut un peu d'éducation. On a un chien de 18 mois maltraité, qui, quand on lui enlève la laisse, se jette sur vous. Il est dangereux. On travaille avec lui pour lui enlever cette phobie de la laisse."
"Les gens n'assument plus"
Effet de mode ? Probablement. Très en vogue il y a trois ans, ce sont souvent les Malinois qui aujourd'hui, ont pris pension dans les refuges. "C'est la race la plus intelligente, précise Matthieu Scherenne, mais les gens ne veulent pas s'investir. Il faut qu'il ait du travail mental, qu'il fasse de l'exercice. Il lui faut beaucoup d'interactions. Ça demande énormément d'investissements. Mais les gens n'assument plus."
"Vous prenez TikTok, des maîtres font ce qu'ils veulent avec leurs chiens, ajoute Hélène Henocque. Certains veulent faire pareil et on les retrouve en refuge complètement abîmés. Les trois-quart ne sont pas identifiés. N'importe qui peut faire des petits à sa chienne. Ils sont vendus sans avoir de numéro de Siret. Il n'y a pas de contrôle."
"Avant, on ne se souciait pas de la race, reconnaît Matthieu Scherenne, mais aujourd'hui, si c'est un Staff, il faut compter plusieurs mois. Hier, j'ai eu une sortie, mais je ne peux pas prendre un Staff, sinon je n'ai plus de turn-over."
Qui dit plus de pensionnaires, dit aussi plus de bouches à nourrir. "On jongle avec les sous. On essaie de faire des collectes à droite, à gauche. Parfois, on se demande comment on va finir le mois", se désole Hélène Henocque.
Des comportements parfois extrêmes
À deux mois de la période estivale, la situation est alarmante. Habituellement, les refuges se vident l'hiver, mais pour les mêmes raisons économiques, les demandes d'adoption ont diminué. "Ils réfléchissent à deux fois. Ça sent mauvais pour cet été, car on n'aura pas de capacité", s'inquiète Matthieu Scherenne.
Depuis janvier, la SPA de Poulainville a enregistré entre 250 et 300 adoptions, tous animaux confondus. À la même périoden, l'an dernier, le refuge en avait près d'une centaine de plus. "On est à presque 50% d'adoptions en moins."
Il y a quelque temps, on a demandé 50 euros à un monsieur qui a refusé. Il est reparti avec son chien. Puis il lui a roulé dessus un peu plus loin avec sa voiture
Hélène HenocqueRefuge de Oisemont
Une situation compliquée qui conduit certains maîtres à des comportements extrêmes. "On doit garder notre calme, mais c'est parfois compliqué, avoue Hélène Henocque. À Oisemont par exemple, on ne fait plus payer les frais d'abandon. Il y a quelque temps, on a demandé 50 euros à un monsieur qui a refusé. Il est reparti avec son chien. Puis il lui a roulé dessus un peu plus loin avec sa voiture".
"On abandonne un animal maintenant, comme on jetterait un objet, regrette Matthieu Scherenne. On est blindé, mais ce qui fait mal, c'est de voir les gens sourire alors qu'ils abandonnent l'animal. Psychologiquement, c'est difficile pour les agents."
L'inquiétude est d'autant plus grande à la SPA que cette situation perdure depuis un an et va probablement se prolonger jusqu'à la fin 2023.