Cela devait ne durer qu'un mois. La direction a décidé de fermer la maternité de Péronne en juillet et en août également. La menace d'une fermeture définitive n'est pas à exclure. Cette fermeture provisoire intervient alors qu'un rapport de l'Académie de médecine préconise de fermer les petites maternités à cause d'un personnel en tension.
"Cela oblige les femmes enceintes à aller accoucher dans des usines à bébé !", s'inquiète Marion Garderes qui a failli vivre le même scénario qu'à la maternité de Péronne avec la fermeture provisoire de la petite maternité Saint-Côme à Compiègne durant les vacances de Noël 2021. La maman bénit les dieux d'avoir eu les premières contractions une journée avant la fermeture provisoire. Celle qui avait choisi Saint-Côme pour sa capacité à accompagner les mamans en salle nature continue de s'insurger. "Une petite maternité, c'est le gage d'avoir une sage-femme qui a le temps de s'occuper d'une patiente du début à la fin de l'accouchement."
Effectivement, dans les faits, les petites maternités comme celle de Péronne et de Saint-Côme à Compiègne ne font en moyenne qu'un accouchement par jour. Elles possèdent deux salles de naissance et les sages-femmes sont au nombre de deux (une permanente et une cadre). Sur le papier, les conditions permettent une prise en charge individualisée de chaque patiente. Des conditions qui ont donc permis à Marion de vivre l'accouchement de ses rêves. "Quand j'en parle avec ma famille, je me rends compte que je suis une des rares à avoir vécu cela. J'ai le cas d'une amie en tête qui a accouché dans une grande maternité. On lui a dit si vous voulez la péridurale c'est maintenant ou jamais car l'anesthésiste doit partir."
Le manque de personnel est national
Dans les grandes maternités, il y a deux sages-femmes pour cinq à six salles de naissances. Il est possible que les deux sages-femmes se retrouvent à gérer deux à trois accouchements chacune en simultané. L'émission "Santé en France" sur France 2 présentée par Léa Salamé et Michel Cymes nous avait montré la réalité du quotidien des sages-femmes de la maternité du CHU d'Amiens. On peut lire le résumé de cet extrait du documentaire diffusé ce soir-là sur le site de France Télévisions : "Les sages-femmes et les internes se mobilisent jour et nuit pour faire naître des bébés. L'amour de leur métier les fait tenir malgré des cadences de travail toujours plus difficiles."
De même, la fiction vient raconter les cadences difficiles de ces équipes en hôpital. "Sages-femmes" de Léna Fehner en replay sur Arte vient illustrer cette réalité stressante pour les sages-femmes comme pour les patientes. On voit les sages-femmes avoir la peur au ventre de manquer une information sur le rythme cardiaque des bébés. Elles courent de salles en salles tout en jetant des regards inquiets sur leurs écrans d'ordinateurs qui affichent les rythmes cardiaques des bébés encore au chaud dans le ventre de leurs mères.
Le manque de personnels, anesthésistes, sages-femmes ou gynécologues est un problème national qui touche les grandes maternités comme les petites. Aujourd'hui, ce sont les petites maternités qui pâtissent encore plus de ce manque de professionnels, car elles sont moins attractives, souvent situées en milieu rural. "Pas facile d'attirer les professionnels, d'autant que les salaires ne sont pas à la hauteur de leur mission", selon le représentant syndical de la maternité de Péronne, Jérémy Fromentin. "On espère qu'ils vont mettre plus de budget sur la table. Il faudrait des vraies augmentations de salaire, pas 1,5 % comme on a pu l'entendre dernièrement. On a l'impression de faire l'aumône. 1,5 %, c'est ridicule par rapport à l'inflation à côté."
Pas de menace de fermeture définitive selon l'ARS
L’agence régionale de santé des Hauts-de-France a répondu à nos questions par un communiqué. Elle dit chercher de manière active à attirer de nouveaux médecins, anesthésistes, sages-femmes avec des rémunérations et des conditions d’accueil attractives. Et quand on lui demande si plane la menace d'une fermeture définitive de la maternité de Péronne, elle répond qu'il n'est pas du tout question de cela et qu'elle ne tient aucunement compte des préconisations de l'Académie de médecine.
Pour rappel, l’Académie avait sorti un rapport au printemps préconisant la fermeture de maternités réalisant moins de 1 000 accouchements par an. (Ce qui est le cas de la maternité de Péronne.) La direction de la maternité de Péronne a expliqué le prolongement de la fermeture provisoire par ces mots : "À ce jour, malgré l’activation de toutes les pistes de recrutement possibles, le planning des anesthésistes ainsi que celui des sages-femmes n’ont pu être complétés."
Une situation qui découle d'un changement de réglementation, selon le représentant syndical de la maternité de Péronne, Jérémy Fromentin : "Les anesthésistes n'ont plus le droit de faire 48h, 72h de garde. On avait des intérimaires qui venaient de Lyon, de Valenciennes. Aujourd'hui, ils ne veulent plus faire le déplacement pour seulement 24h de garde. 48h, c'était acceptable, car avec un accouchement en moyenne par jour, l'anesthésiste n'était pas beaucoup sollicité. Ils avaient une chambre pour la nuit, entre deux missions, ils pouvaient se reposer. C'est à cause du durcissement des règles que l'on n'arrive pas à boucler les plannings. On est donc en droit de s'inquiéter pour l'avenir de la maternité."
Les futures mamans nous ont dit être très soucieuses pour le bien-être des femmes enceintes lors du rassemblement en juin avec une chaîne humaine de plus de 500 personnes. Elles s'inquiètent de la route à effectuer le jour J alors qu'elles seront en train de gérer la douleur provoquée par leurs contractions. Les plus proches maternités sont celles d’Arras, de Cambrai, d’Amiens, de Chauny, de Saint-Quentin ou encore de Valenciennes, soit 30 à 45 minutes plus loin que celle de Péronne. Difficile de savoir vers qui se tourner en cas d’urgence. La direction affirme que "l’ensemble des activités de la maternité, en pré et postnatal, notamment les consultations de sages-femmes et en gynécologie, les consultations de pédiatrie ainsi la réalisation des échographies de contrôle et de suivi, ont été maintenues." Ces dispositions devraient être maintenues pour les mois de juillet et août.
Pour en savoir plus, retrouvez notre émission Hauts féminin ci-dessus présentée par Marie Sicaud en compagnie de Christelle Juteau-Lermechin. Leur invité est Jérémy Fromentin, représentant syndical de la maternité de Péronne.