Afin de créer un lien entre les nourrissons hospitalisés en néonatologie et leurs familles, le centre hospitalier d'Abbeville va installer des caméras dans les six chambres du service. Un projet de cordon virtuel financé à 50 % par la Fondation des Hôpitaux de France.
Comment concilier hospitalisation d'un nouveau-né et parents à distance ? Le centre hospitalier d'Abbeville a la réponse : six caméras placées dans les chambres des nourrissons. Comme un cordon, non pas ombilical, mais numérique, entre les parents et leur enfant.
"L'idée est de créer un cordon virtuel permanent", explique la direction de l'hôpital. "Les parents auront accès visuellement à leur enfant 24h sur 24h, sauf pendant certains soins." L'aboutissement du projet est prévu pour le dernier trimestre 2023.
Sont admis en néonatologie à Abbeville des enfants nés prématurés ou porteurs d'une pathologie néonatale : détresse respiratoire, infection materno-fœtale, problème génétique, neurologique. En 2022, 132 bébés ont été accueillis dans ce service à Abbeville.
"On se sent coupable de ne pas être présent"
En 2015, deux jours après sa naissance, le petit garçon d'Amélie a été hospitalisé en néonatologie à Abbeville. "Il n'arrivait pas à récupérer son poids de naissance et il a attrapé une infection materno-fœtale pendant la césarienne", explique-t-elle.
Il est admis le 31 décembre et sort le 7 janvier. Une période pendant laquelle Amélie est, elle aussi, hospitalisée à la maternité. "Je ne pouvais pas me lever comme je le voulais. Les filles en néonatologie m'appelaient quand il se réveillait et quand il avait faim", se souvient l'aide-soignante, aujourd'hui âgée de 32 ans. "Pour tisser le lien, ce n'est pas évident. Même pour le papa, ça a été compliqué. Et pour les grands-parents aussi", ajoute-t-elle.
Ce dispositif de caméra, Amélie aurait bien aimé qu'il existe à l'époque. "Ça aurait comblé un manque", estime-t-elle.
"Les premiers moments de vie sont importants. Là, on rate tout. Même les soins, et on se sent un peu coupable de ne pas être présent. S'il y avait eu une caméra, j'aurais été un peu là, je l'aurais vu, même si ça ne remplace pas le toucher ni les odeurs"
Amélie, mère d'un enfant hospitalisé en néonatologie
"S'ils faisaient des chambres mères-enfants, ce serait le top"
"Il me paraît effectivement fondamental de favoriser, autant que possible, le 'zéro séparation' afin de respecter au mieux la niche sensorielle et affective de l'enfant dès sa naissance", observe Barbara Le Driant, chercheuse de l’université d’Amiens qui travaille sur les conséquences de la séparation sur l’attachement.
"S'ils faisaient des chambres mères-enfants, ce serait le top", estime Amélie. Ce dispositif existe dans plusieurs services de néonatologie comme au CHU d'Amiens où 8 chambres sur 35 sont des chambres mère-enfant.
Un cordon virtuel à 38 000 euros
Le dispositif de "cordon virtuel" existe depuis plusieurs années dans des services de néonatologie à travers la France. Et a inspiré le personnel du pôle femme-enfant d'Abbeville. "L'idée émane d'une cadre de santé. Quand elle a entendu parler du concept, elle a immédiatement souhaité le déployer au sein de l'établissement", précise la direction.
Le dispositif a été déposé dans le cadre de l'appel à projets "pièces jaunes" porté par la Fondation des Hôpitaux. Banco, le projet, chiffré à 38 000 euros, a été retenu et sera financé à hauteur de 50 % par la Fondation.
L'accès sera entièrement gratuit pour les familles. "Le système n'est pas particulièrement complexe. Les parents et la famille auront un accès privé et sécurisé aux images de leur enfant", précise la direction.