"On a de l'argent, mais personne à embaucher" : un centre d'addictologie ferme faute de personnel

Après le décès d'un addictologue et la démission d'un autre, le centre d'addictologie ferme ses portes à partir du 6 décembre à Amiens. Une fermeture temporaire qui pourrait bien se pérenniser, faute de candidats.

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La fermeture du centre d'addictologie Sésame d'Amiens, c'est un choc pour Jean-Manuel Bethouart. Il y a 10 ans, il était suivi dans ici pour se remettre d'une maladie invisible : l'addiction. "J'ai rencontré des gens qui m'ont aidé, les infirmières, tout le personnel soignant et tous les thérapeutes qui m'ont donné l'espoir de pouvoir renaître." Aujourd'hui, il s'en est sorti, mais il est toujours suivi ponctuellement par les équipes et s'inquiète de cette fermeture brutale.

"C'est un port d'attache que moi, je l'appelais le nid. Le nid, parce qu'on y était bien. Vous étiez pris en charge par des professionnels : des infirmières, médecins, addictologues, mais vous étiez aussi en communauté et là, vous appreniez à vous resocialiser", confie-t-il. 

L'ancien patient craint qu'en dehors de structures comme celle-là, leurs addictions ne soient sous-estimées voire banalisées : "Elle est absolument nécessaire, il y a beaucoup de gens aujourd'hui qui ont des problématiques de consommation d'alcool et d'autres produits bien entendu. Mais plus spécifiquement l'alcool parce que c'est quelque chose de culturel et en France, il ne faut pas trop en parler. Même Emmanuel Macron a dit que le vin ce n'était pas un alcool comme les autres et qu'il fallait arrêter d'emmerder les Français. Mais l'alcool, ça atteint beaucoup de personnes."

Fermer faute de spécialistes 

Pour l'instant, la fermeture du centre d'addictologie est temporaire, tant côté hospitalisation que du côté de l'hôpital de jour. Elle est planifiée du 6 décembre à fin janvier, mais il y a peu de chance qu'elle rouvre si tôt.

À la suite du décès de l'une des deux addictologues du service il y a deux mois, le docteur Cyrille Guillaumon a immédiatement cherché un remplaçant. Sans succès. La charge de travail est vite devenue trop lourde pour la seconde addictologue. "On est plus sur une situation où on se demande si on a de l'argent ou pas pour embaucher. On a de l'argent, mais plus personne à recruter", affirme le médecin. "Depuis deux mois, on cherche un addictologue au niveau des agences d'intérim, mais les addictologues, c'est une perle rare sur le plan national. Et si vous regardez sur le plan de l'ancienne Picardie, en définitive, des services d'addictologie, il n'y a pas beaucoup. Les addictologues, on les compte sur les doigts d'une main et encore la moitié doit suffire."

Difficile d'assurer une continuité de soins de qualité 

Malgré le manque de spécialistes, la structure promet d'assurer la continuité des soins, mais pas forcément sur le site : "on préfère recevoir nos patients et leur proposer un programme personnalisé qui sera peut-être un peu plus éloigné de leur domicile qu'auparavant", explique le docteur Guillaumon. 

La distance cumulée au manque de personnel, la prise en charge risque d'être de moins bonne qualité. "Les patients sont quand même pris en charge par le reste de l'hôpital, sauf qu'il n'y a plus d'addictologie. On ferme les lits d'hospitalisation. Il n'empêche que si les patients ont besoin d'être hospitalisés, ils pourraient être hospitalisés sur des structures de psychiatrie générale. Mais, ce ne sera plus l'expertise d'un service d'addictologie".

Même si la structure retrouvait un addictologue plus tôt que prévu, le service ne rouvrirait pas avant la date prévue : "On a allongé un peu la période jusqu'à fin janvier parce que si on a un médecin addictologue qui arrive courant janvier, il ne connaît pas la structure qui ne connaît pas les équipes et on s'est dit qu'il lui fallait peut-être un peu de temps pour pouvoir recréer un projet de service avec cette équipe pour pouvoir ouvrir dans les bonnes conditions".

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