Les urgences et le SMUR de Senlis ont fermé en décembre 2021. Près de trois ans plus tard, le SAMU peut à nouveau agir depuis l'hôpital de Senlis, mais le service des urgences n'a pas rouvert. Si le retour du SMUR est unanimement salué, les syndicats alertent sur les pertes de chance liées à un service incomplet.
C'est une réouverture en demi-teinte. Depuis le 12 novembre, un équipage du SMUR est à nouveau opérationnel à l'hôpital de Senlis. Il avait fermé fin 2021, en même temps que le service des urgences qui, lui, n'a pas rouvert.
"La réouverture aujourd'hui, avec une équipe complète, comprenant médecins, infirmiers et chauffeurs, est quand même importante pour réaliser la prise en charge des patients sur cette partie du département. L'équipe est en capacité d'intervenir dans des délais plus réduits qu'une équipe qui partirait de Creil" se félicite Pascal Rio, directeur du Groupe hospitalier public du sud de l'Oise (GHPSO), qui regroupe les hôpitaux de Creil et Senlis.
"Il reste un sacré bout de chemin à faire, sans service d'urgences derrière, le SMUR, ce n'est pas la panacée. Dans l'urgence vitale, si le SMUR n'a pas de service d'urgences derrière lui, il va devoir faire des kilomètres. En termes de prise en charge, on n'est pas dans les clous" nuance Régis Quintard, délégué syndical CFDT de l'hôpital de Senlis.
Ce qu'il reste à Senlis
Une ligne de SMUR, c'est une équipe qui peut partir prendre en charge des patients suite à un appel au SAMU. Depuis sa fermeture à Senlis, les appels étaient régulés vers les hôpitaux voisins, Creil ou Gonesse, qui mobilisaient leurs équipes. Le retour de la ligne à Senlis est donc un progrès, mais celle-ci ne pourra pas fonctionner à sa pleine capacité 24 heures sur 24.
"La présence du médecin ne sera que douze heures par jour, observe Régis Quintard. Donc c'est déjà 50% par rapport à l'annonce, nous n'en sommes pas satisfaits. La nuit, c'est un équipage allégé avec une infirmière et un ambulancier SMUR, ils ne pourront pas tout faire. Ils n'ont par exemple pas les compétences pour réanimer quelqu'un." La nuit, pour certaines urgences, les équipes continueront donc de venir d'autres hôpitaux.
Depuis la fermeture du service d'urgences, un centre médical de soins non programmés a ouvert, en 2023. Il accueille, la journée et en semaine, les petites urgences du quotidien, qui ne nécessitent pas le dispositif d'un vrai service hospitalier.
Pour la direction du groupement hospitalier, ce centre a "trouvé son public. Il est fréquenté par une quarantaine de personnes chaque jour. La deuxième étape est la réouverture de cette ligne de SMUR, qu'il nous faut consolider, et dans le futur, nous verrons quand et comment il sera peut-être possible de rouvrir les urgences", se projette Pascal Rio, précisant toutefois que pour la réouverture des urgences, il n'a "pas de timing précis à vous donner aujourd'hui."
"C'est fort apprécié des patients, mais cela ne remplace pas un service d'urgences, les urgences vitales ne sont pas prises en charge ici, rappelle Brigitte Drillon, représentante du comité de défense et de développement de l'hôpital de Senlis. Ce serait bien que ce soit ouvert le weekend aussi, car le weekend, vous n'avez plus rien ici, pas même un médecin généraliste."
Lors de la fermeture des urgences, la présidence de ce comité de défense rappelait que depuis 2012 et la création du groupement hospitalier, l'hôpital de Senlis aurait perdu huit services. "Il faut refaire venir sur Senlis la chimiothérapie de jour, développer la chirurgie et la médecine ambulatoire, il n'y en a pas suffisamment sur Senlis, observe Brigitte Drillon. Et développer la gériatrie aiguë. Il faudrait aussi quelques lits d'hôpital de jour pour les pathologies saisonnières de l'enfant, comme la bronchiolite. Nous avons adressé un courrier à ce sujet l'ARS en juillet dernier (...) environ trente mères ont signé, à ce jour, nous n'avons pas eu de réponses. On aimerait que ça bouge un petit peu plus."
Elle rappelle que Senlis est l'hôpital de référence pour le sud rural de l'Oise, qui compte 100 000 habitants et se trouve à proximité de l'A1 ainsi que de deux parcs d'attractions. Les urgences vitales ne manquent donc pas.
La valse des patients
Dans la configuration actuelle de l'offre de soin, plusieurs cas de figure persistent où le patient devra être transporté vers d'autres hôpitaux. "La nuit, quand il y aura besoin d'un médecin du SAMU, il faudra qu'il vienne de Creil, de Gonesse... En cas d'urgence vitale, cela peut être fatal" constate Régis Quintard.
La journée aussi, les urgences vitales pourraient faire des kilomètres. "Le SMUR partira d'ici sur une urgence vitale, il sera ensuite réorienté vers un autre hôpital, prévoit le syndicaliste. Le patient peut partir de Senlis, être orienté vers Nanteuil-le-Haudouin par exemple, puis réorienté vers un autre hôpital, peut-être Meaux, peut-être Gonesse, peut-être Compiègne. Des kilomètres en plus peuvent mettre en péril une urgence vitale."
Pour l'heure, avec ses "budgets très serrés", le directeur du GHPSO rappelle que des investissements importants sont en cours à Creil. Treize kilomètres séparent les sites hospitaliers de Creil et Senlis, Creil est la troisième ville de l'Oise avec 36 000 habitants, Senlis en compte 15 255. À Creil, "nous allons ouvrir de nouvelles urgences et une nouvelle pharmacie. Nous avons eu l'autorisation par le comité d'investissement en santé de commencer la phase des travaux pour aménager la rotonde de Creil, qui abritera les services de médecine et la pédiatrie. Ce sont de bonnes nouvelles pour Creil et pour Senlis."
Avec Haron Tanzit / FTV