Une rentrée étudiante toujours plus chère : "L'année dernière, j'avais tout le temps ma calculatrice sur moi"

C'est la rentrée. Pour de nombreux étudiants, le casse-tête pour boucler les fins de mois est de retour. Certains sont boursiers, d'autres ne le sont pas, mais tous, ou presque, doivent jongler entre petites économies et petits boulots.

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Paul est étudiant en droit à l'UPJV. Il n'est pas boursier. Ses parents lui paient son loyer de 450 euros par mois et pour le reste, il doit se débrouiller seul. C'est déjà trop pour l'étudiant qui travaillait en bureau de poste. "L'année dernière, j'avais tout le temps ma calculatrice sur moi." Et pourtant, il nuance : "Je ne suis pas non plus à plaindre. Il y a des étudiants dans de plus grandes précarités que moi". 

Et pour cause, selon la FAEP (Fédération des Associations Étudiantes Picardes), un étudiant picard devra débourser 2 888 euros pour cette rentrée scolaire, soit deux SMIC nets.  "Ça comprend à la fois les frais spécifiques, donc les frais d'inscription, les frais de CVEC, l'assurance logement, etc. Donc les choses qu'ils payent vraiment une fois en début d'année. Mais, ça comprend aussi les frais de la vie courante : le loyer, le restaurant universitaire, l'alimentaire, les loisirs, les transports, tout un tas de choses qu'ils payent chaque mois", détaille Théo, porte parle de la FAEP. 

Et cette précarité n'irait pas en s'améliorant puisque malgré un gel du montant des bourses, les dépenses étudiantes n'ont cessé d'augmenter. "Aujourd'hui, l'augmentation, elle, est notamment visible sur trois points importants : le loyer, les loisirs et les frais spécifiques de la rentrée.", ajoute-t-il. 

L'inscription à l'université en hausse pour la première fois en 4 ans

Ce sont ces derniers qui ont le plus inquiété les syndicats étudiants et particulièrement le prix de leurs inscriptions puisque le gel du prix de l'inscription à l'université a pris fin à la rentrée 2024. Il y a quatre ans, la crise de la covid 19 avait poussé les pouvoirs publics à stabiliser son prix. Aujourd'hui pour s'inscrire, les étudiants doivent débourser 175 euros pour une année en licence et 250 euros en master, contre 170 euros et 243 euros l'année dernière. En tout, cela représente une hausse de 2,9%. 

Outre ces dépenses ponctuelles, c'est surtout le loyer qui pèse sur le budget des étudiants picards. Il est de plus en plus difficile de trouver un logement puisque les étudiants sont confrontés à des garanties exigées de plus en plus importantes comme l'explique cet article de France 3 Picardie. Une fois le bail signé, les étudiants doivent assumer des loyers toujours plus chers. Ils auraient augmenté de 2,32% en Picardie, selon la FAEP.

"J'ai les APL, mais je suis en colocation, alors les APL sont moins élevés. Je dois vraiment calculer toutes mes dépenses. Sans les APL, je suis dans le rouge de 70 euros. Et avec les APL, je suis en positif de seulement 3 euros.", témoigne Joaquim, lui aussi étudiant en droit non boursier.

Le jeune homme, travail au parc Astérix 16h par semaine pour subvenir à l'ensemble de ses besoins. Malgré ses 650€ de salaire mensuel, il ne s'en sort pas." J'aimerais bien avoir la bourse, même échelon 0 bis. On parle beaucoup des boursiers, mais pas des élèves non boursiers que les parents ne peuvent pas aider. Moi, ma mère ne peut pas m'aider.", confie-t-il. L'emploi est la première cause de décrochage ou d'échec scolaire pour les étudiants. 

Une alimentation trop chère malgré la baisse des prix

Comme 200 000 étudiants, selon l'Union Étudiante picarde, Joaquim bénéficie de la distribution alimentaire régulièrement. Aujourd'hui, il se rend à l'Agorae, une épicerie solidaire qui permet aux étudiants de faire des achats alimentaires à 10 ou 15% du prix du marché. Régulièrement, elle organise aussi des distributions gratuites de paniers repas. 

La boutique de la rue des francs mûriers installe ses étals pour accueillir du public, un public de plus en plus nombreux. Alors que l'association comptait 250 bénéficiaires sur l'année scolaire 2021-2022, elle a atteint 310 bénéficiaires l'année suivante et 570 bénéficiaires en 2023-2024. "Ce type d'association est primordial pour beaucoup de nos étudiants. Nous, on le voit lors de la distribution de paniers gratuits ou aux moments d'ouverture de l'Agorae", assure Théo, le porte-parole de la FAEP.

Cette augmentation des bénéficiaires de l'association survient alors même que l'alimentaire est l'un des seuls postes de dépenses qui aurait baissé pour les étudiants, selon la FAEP. Cette baisse de 3,06% est à nuancer selon Théo : "Il faut la relativiser. Il y a eu plusieurs années d'inflation avant. C'est une baisse qui survient après une hausse de toute façon". 

Des loisirs qui deviennent inaccessibles 

Quant aux loisirs, pas de débat : ils ne sont pas plus accessibles aux étudiants picards. Avec une hausse de 7,84% répertoriée par la FAEP par rapport à l'année précédente, il devient de plus en plus difficile pour les étudiants de se faire plaisir. "Vu le prix des places de cinémas à Amiens, l'année dernière, je n'y suis allé qu'une ou deux fois. Pour les restaurants, c'est pareil. Je mange à la maison.", confie Paul. 

Pour la FAEP, pas question de mettre de côté les loisirs comme l'explique leur porte-parole : " Les loisirs ce n'est pas secondaire, dans le sens où il y a beaucoup d'étudiants qui travaillent à côté de leurs études qui doivent aller à la fac, réviser leurs cours... Donc, le peu de temps qu'ils ont de disponible, il doit servir à quelque chose de bénéfique pour eux. Les loisirs, c'est quelque chose qui permet d'améliorer le bien-être étudiant et je dis ça parce qu'après la covid, une enquête montrait que 70 % des étudiants ont présenté un syndrome d'anxiété, des troubles psychologiques.

Malgré la mise en place du dispositif Santé Psy Étudiant en 2021 qui propose 12 séances gratuites avec un psychologue, 41% des étudiants présentent toujours des symptômes dépressifs. Le dispositif serait insuffisant selon la FAEP : "Il y a énormément de demandes pour des consultations notamment psychologiques et malheureusement toutes les demandes ne sont pas satisfaites." Difficile pour des étudiants en difficulté de financer un suivi psychologique hors de ce dispositif. 

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