Suite de notre série sur les maires et la crise du coronavirus. Aujourd'hui, Steeve Briois, le maire d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) raconte son quotidien.
Hénin-Beaumont avait été l'une des portes d'entrée du Covid 19 dans le Pas de Calais. Début mars, une jeune militaire de l'Oise, en visite dans sa famille, avait déclenché les symptômes de la maladie. Et peu après, une habitante de la commune, âgée d'une cinquantaine d'années, décédait au CHR de Lille. La première victime du Covid 19 du département. Un mois plus tard, le maire (RN) d'Hénin-Beaumont, 27 000 habitants, tente de maintenir un minimum de vie sociale, malgré le confinement. Ce vendredi, le marché hebdomadaire rouvrait, dans des conditions très particulières. "Une organisation quasi-militaire", selon Steeve Briois.
"Il faut reconnaitre, témoigne-t-il, que le marché de ce matin n'avait rien à voir avec l'exubérance, l'animation, l'affluence d'un marché habituel. On l'a tout d'abord limité à une seule place (Place de la République) au lieu de trois, avec des barrières tout autour, une entrée et une sortie pour éviter que les gens se croisent. Il n'y avait que dix commerçants seulement, que de l'alimentaire, espacés d'une dizaine de mètres chacun." Un dispositif ultra sécurisé sous la surveillance d'une vingtaine d'agents et policiers municipaux. Du gel hydroalcoolique à disposition. Une personne par famille. 80 personnes maximum sur la place.
Après trois semaines de confinement, l'une des grandes inquiétudes du maire d'Hénin-Beaumont, c'est justement l'avenir des commerçants et producteurs locaux. Le Facebook de la ville renseigne sur les magasins du centre qui restent ouverts et incite à privilégier les achats de proximité, plutôt que d'aller courir les grandes surfaces. "Les 14 maires de l'Agglomération (Hénin-Carvin) ont voté ce matin une enveloppe de 500 000 euros pour les entreprises de moins de 11 salariés qui n'entrent pas dans le dispositif d'aide aux TPE du Gouvernement, explique Steeve Briois. Hénin-Beaumont fera un geste également en payant une partie des loyers des pas-de-porte qui sont obligés de fermer, comme les coiffeurs ou les fleuristes. Quant aux commerçants qui louent des locaux à la ville - ils sont une dizaine - j'annule leurs loyers d'avril, mai et juin."
Service de livraison à domicile
Aux premiers jours du confinement, comme la plupart des maires, Steeve Briois a dû en urgence se préoccuper des personnes fragiles et isolées. Le Centre Communal d'Action Sociale (CCAS) a mis en place un service de livraison à domicile. "Le premier fichier qui datait du Plan Canicule (2003) avait été régulièrement actualisé, se félicite l'élu. On sait donc qui appeler. Et on appelle toutes les semaines ! Pour une course à faire ; rassurer quelqu'un qui n'arrive pas à rédiger son attestation de déplacement et panique ; prendre des nouvelles et simplement papoter. Parler... c'est tellement important." Les présidents d'associations sont également mis à contribution et invités à prendre des nouvelles de leurs adhérents.
La mairie reste ouverte le matin, avec trois personnes pour assurer l'accueil du public, mais pour ne traiter que les urgences. "Les décès, évidemment, précise Steeve Briois. Mais plus de cartes d'identité. Les services continuent de fonctionner en télétravail mais aussi avec des agents encore sur le terrain : une vingtaine de personnes pour le CCAS et la police municipale ; une quinzaine pour la propreté des rues. Des services qui me font remonter toutes les demandes des habitants et que j'étudie chez moi le soir. "
"Du boulot, il y en a plus que d'habitude, constate le maire d'Hénin-Beaumont. On se concentre sur la solidarité, les projets sont à l'arrêt." Le maire a instauré un couvre-feu de 22 à 5 heures du matin. Il a ouvert une classe pour l'accueil des enfants dont les parents travaillent à l'hôpital ; et il s'apprête à élargir le dispositif aux enfants d'autres soignants, gendarmes et policiers, en ouvrant une seconde classe dans une autre école de la ville.
Steeve Briois, 47 ans, réélu le 15 mars pour un deuxième mandat, travaille de chez lui. Il passe en mairie quand sa présence est indispensable et effectue chaque jour un tour de ville, d'une heure, en voiture. "Le rôle du maire est essentiel ! S'il reste un petit pouvoir du maire... c'est celui là : être proche des gens en cas de coup dur. Et dans ce cas précis, les gens ne comptent pas sur le conseiller départemental, le conseiller régional, le député ou le ministre. Ils comptent sur leur maire."
"Prendre son temps"
Avec Steeve Briois, vice-président du Rassemblement National, la politique n'est jamais très loin. Si sa présidente Marine Le Pen (également députée RN du Pas de Calais) ne se gêne pas pour dénoncer ouvertement les mensonges, les faiblesses et l'incompétence de nos gouvernants - au contraire des autres grands partis - lui affirme "ne pas être dans la polémique".
Il regrette malgré tout "les couacs" du Gouvernement en ce qui concerne le montant des aides aux TPE. Et on sent bien que la pénurie des masques l'a profondément irrité. "On en avait encore quelques milliers en mairie. Un stock qu'on a fait contrôler avant de le distribuer, notamment à deux établissements d'Hénin-Beaumont : 5000 masques pour la Polyclinique et 5000 pour l'Hôpital Charlon. Ça illustre bien l'effondrement du service public... "
"Il y aura un avant et un après, ose croire Steeve Briois. Je pense notamment à la mondialisation. Il faudra produire en France pour ne plus dépendre de tout le monde. J'espère que de cette crise du Covid sortiront des choses positives, comme par exemple relancer le commerce de proximité, réfléchir au rôle essentiel des municipalités, en finir avec les villes-fantôme, défendre enfin les producteurs locaux. Entretenir un autre rapport avec le temps. Prendre son temps... "