Témoignage. Coronavirus : "On m'appelle dix fois par jour", raconte Thierry Lazaro, maire de Phalempin

Publié le Mis à jour le Écrit par Jean-Louis Manand

Suite de notre série sur les maires du Nord et du Pas-de-Calais face à la crise. Aujourd'hui, Thierry Lazaro, maire de Phalempin (près de Seclin dans le Nord).

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Les colères de Thierry Lazaro, c'est presque une marque déposée. Elles ont du souffle, de la couleur, du relief, un accent ; et il faut le reconnaitre, beaucoup d'humanité et de justesse. On peut ne pas aimer la forme, mais admettre qu'il y a du fond. En cette troisième semaine de confinement, le maire (DVD) de Phalempin reste fidèle à lui même. Morceaux choisis : "Je gueule comme un putois contre les cons qui jettent leurs gants de protection par terre, dans la rue, et laissent leurs saloperies aux autres." Ou encore : "Les maires... putain ce qu'on les a emmerdés ; n'empêche qu'aujourd'hui ils sont là !"
 
Le Covid 19 pourrait être une ennemi mortel pour le maire de Phalempin, 60 ans, sous cortisone depuis de nombreuses années pour cause de polyarthrite et d'asthme. Mais Thierry Lazaro est en mairie chaque matin. "On a imposé de nouvelles règles, comme par exemple maintenir toutes les portes ouvertes ! Pour ne pas avoir à les toucher. De toutes façons, on n'a rien à cacher. Et une seule personne par bureau ! " La mairie est fermée au public, mais sont toujours assurés l'accueil téléphonique, l'état civil et la comptabilité. "Là encore, le personnel municipal est extraordinaire. Lui aussi était souvent critiqué et moqué. Il montre toute la force du service public."
  
Dès le premier jour du confinement, le 17 mars, Thierry Lazaro s'est inquiété des commerçants, artisans et professions libérales de sa commune. "On a la chance à Phalempin d'avoir des commerces relativement florissants. Il ne faudrait pas qu'ils baissent le rideau dans trois ou six mois. J'en connais qui n'en dorment plus la nuit. Souvent leurs loyers sont chers. Alors je cherche des solutions pour que la mairie - même si ce n'est pas dans ses compétences - prenne en charge une partie de ces loyers. J'ai envie de leur donner un coup de main, mais je sens que l'administration hésite. Il faut éviter "l'effet dominos". Je viens donc d'écrire sur ce point au Premier ministre." 


"Il y aura un avant et un après"

 
Pour l'instant, pour aider ces commerçants comme pour aider les personnes âgées ou isolées, le maire fait passer le maximum d'informations, via le compte Facebook de la ville. "Je n'étais pas un adepte mais je suis dessus maintenant en permanence. Je fais même des vidéos." Dans sa ville de près de 5000 habitants, située au Sud de la Métropole lilloise, il a instauré le couvre-feu de 22 à 5 heures : "Ça en chatouille quelque uns mais tant pis.
  
Thierry Lazaro rentre chez lui l'après-midi pour travailler. "Là tout de suite, je suis en train de lire une note du Préfet sur les procédures de prise en charge des morts de Coronavirus. Faut s'accrocher. Le moral en prend un coup. Je viens de vivre ça avec le décès de la veuve de l'ancien maire de Phalempin, Louis Flinois. Une femme très croyante dont les obsèques n'ont pu réunir qu'une quinzaine de personnes. La famille n'a pu lui dire au revoir. Un drame..."
 
"Il y aura un avant et un après", assure Thierry Lazaro. "Les élus municipaux, on leur crachait à la gueule... et maintenant ils sont aux confins de toutes les misères. Qui pourra ensuite être pour la fusion des communes ? Nous sommes les petites mains de la République. Nous sommes indispensables. Nous sommes la proximité. Tout le monde à Phalempin a mon numéro de téléphone. On m'appelle dix fois par jour ; je sors dix fois par jour."
 
"Personne n'aurait imaginé ça, conclut Thierry Lazaro. Demain, on pourra polémiquer. Demain, on règlera les comptes, on pourra même réclamer des comptes. Mais le débat, ce sera après. Aujourd'hui, on s'aime, on s'aime pas, mais on tient à tout le monde." Celui qui n'est pas en colère devant le malheur des gens... ne les aime pas. Thierry Lazaro ? Non, l'Abbé Pierre.

 
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