A Lille et dans plusieurs villes de France, des rassemblements sont prévus pour demander la levée des brevets détenus par les laboratoires pharmaceutiques sur les vaccins covid. Trois laboratoires ont engrangé en un an plus de 30 milliards de dollars, alors que la couverture vaccinale mondiale reste très incomplète.
Ce sont des chiffres qui donnent le vertige : BionTech, Moderna, et surtout Pfizer, ont engrangé à eux trois 34 milliards de dollars en un an grâce aux bénéfices réalisés sur la vente des vaccins contre le covid-19. Cela représente plus de 1000 dollars à la seconde.
Selon la même étude, menée par l'alliance People's vaccine, "il est obscène qu'une poignée d'entreprises génèrent des millions de dollars de profit par heure, quand à peine 2% de la population des pays à faible revenu est complètement vaccinée contre le coronavirus." L'Organisation Mondiale de la Santé a de son côté constaté que 75% des vaccins avaient été administrés dans à peine 10 pays. Cette inégalité vaccinale dessert en réalité toute la planète dans sa lutte contre le virus. Le variant Omicron, venu d'Afrique du Sud, s'est ainsi très rapidement répandu à travers le monde.
L'Europe refuse de lâcher ses brevets
Pourtant, l'Europe refuse toujours de libérer les brevets des vaccins contre le covid-19, c'est-à-dire de rendre les recherches et les formules accessibles à tous, limitant ainsi drastiquement les profits des fabricants. L'Inde et l'Afrique du Sud en avaient pourtant fait la demande dès mai 2021, soutenus par 63 pays dont les Etats-Unis. Même pour une levée temporaire, la Commission Européenne n'a rien voulu entendre.
"Ce qu’on nous dit, c’est que supprimer les brevets ne sert à rien, parce que re-déployer prendrait du temps dans tous les cas. En fait, on prend surtout du temps pour bloquer la levée des brevets" ironise Alain Vantroys, délégué régional de la Ligue des Droits de l'Homme.
Pour plaider cette cause, des rassemblements sont prévus ce 30 novembre dans plusieurs villes de France, dont Lille. La LDH, mais aussi la CGT, Sud Santé Sociaux ou encore Attac, ont appelé à la mobilisation.
"Combien de vies humaines on pourrait sauver ?"
Les organisateurs estiment notamment que les brevets concernant les vaccins covid ne sont pas un dû, puisque leur développement a largement bénéficié de l'argent public.
"Un brevet est censé récompenser la prise de risque et l'investissement. Quand ils sont à ce points couverts, avec ce filet de sauvegarde à toutes les étapes, on se demande quels sont les risques réels", s'interroge Jérôme Martin, de l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, auprès de l'AFP.
"Il y a aussi la question de la recherche fondamentale publique, c’est cela qui a permis de développer le vaccin quand la Chine a diffusé le séquençage du génome du virus" abonde Alain Vantroys, faisant référence aux nombreux chercheurs financés par des programmes publics qui ont travaillé sur la mise au point du vaccin. "Il faut rappeler que, jusque dans les années 70, la recherche publique se faisait de manière totalement ouverte, avec des données transparentes. Le changement a eu lieu pendant la période Reagan-Tatcher, sur fond de concurrence entre les Etats. Cette financiarisation de la santé est un basculement."
Aujourd'hui, face à l'urgence sanitaire mondiale, les associations organisatrices demandent un retour à la coopération internationale. "La question c'est : combien de vies humaines on pourrait sauver ?" presse le délégué de la LDH. La manifestation démarrera place de la République, à Lille, à 18h.