Le président de la région Hauts-de-France affirme avoir "proposé" à l'Agence régionale de Santé (ARS) de faciliter la vaccination en milieu rural grâce à des bus et minibus. Mais ce n'est pas pour tout de suite.
Engagé dans la campagne présidentielle, Xavier Bertrand voulait convaincre qu'il restait pleinement - en même temps - au combat dans sa région contre l'épidémie de Covid-19 en soulignant, vendredi 2 avril sur FranceInfo, qu'il avait soumis des propositions à l'État "pour accélérer la vaccination" en milieu rural.
"J'ai proposé au directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) que cent bus sillonnent toutes les parties rurales de la région pour amener les personnes qui auraient des problèmes de déplacement pour aller se faire vacciner", déclarait le président de région. Il ajoutait une seconde idée : "Je lui ai proposé que 15 minibus, pour l'instant, puissent accueillir des équipes de vaccination pour les apporter dans le milieu rural, quelle que soit la taille de la commune."
Nous proposons à l’@ARS_HDF 100 bus pour transporter les personnes qui ont des problèmes pour aller se faire vacciner, 15 minibus pour apporter des vaccinateurs dans les communes rurales. Nous mettons à disposition 7500 ordinateurs aux lycéens pour suivre à les cours à distance. pic.twitter.com/CymAFMHi2S
— Xavier Bertrand (@xavierbertrand) April 2, 2021
Or aujourd'hui, le dossier n'a pas avancé. "La proposition a été faite et nous n'avons pas eu de retour de l'ARS, se désole la Région. On n'en est qu'à ce stade."
Aucune délibération n'a été votée par le conseil régional sur ce sujet. À l'inverse par exemple, la gratuité des TER et des cars interrurbains pour aller se faire vacciner, annoncée le 4 février, avait été votée et s'applique bel et bien aujourd'hui.
En communiquant sans plus de précautions, le président-candidat a-t-il fait un effet d'annonce ? Toujours est-il que la proposition n'est bien qu'une proposition... et qu'elle est loin de se concrétiser.
L'ARS ne veut pas s'en occuper
Contacté par France 3 Hauts-de-France, l'établissement public de l'État dit avoir répondu à la presse dès vendredi.
L'ARS salue cette initiative qui permettra aux collectivités et aux acteurs de santé - en charge de l'organisation matérielle et logistique de la vaccination - de faciliter l'accès aux centres de vaccination dans la région et de renforcer la proximité de l'offre.
Traduction : c'est une bonne idée, mais ce n'est pas notre affaire. L'ARS contribue à la création des centres de vaccination et supervise la répartition des doses, mais veut laisser la suite de la logistique, donc d'éventuels vaccinobus, aux acteurs plus locaux.
Pour la Région, au contraire, c'est à l'État de saisir la main tendue et piloter la logistique. Dans son courrier au directeur de l'ARS, qui nous a été transmis, Xavier Bertrand explicitait la répartition des tâches :
- à la Région, la signature d'avenants avec ses prestataires de transports scolaires et interurbains pour mettre à disposition cent bus, et l'aménagement de quinze minibus avec point d'eau, frigo et borne électrique ;
- aux intercommunalités et aux centres de vaccination, l'activation et la réalisation du service sur leur territoire ;
- à l'ARS, l'orchestration générale, "La Région vous laisserait maître de l'organisation".
Le conseil régional dit attendre une réponse directe et officielle de l'ARS.
D'autres initiatives locales déjà à l'oeuvre
Sans lien direct avec la proposition régionale, la préfecture de l'Oise a lancé un dispositif ressemblant avec son "bus anti-covid", impulsé par le conseil départemental. Sillonnant des dizaines de communes rurales, il amène des soignants au plus près des populations isolées, à l'origine pour les dépister, désormais pour les vacciner.
Plus récemment, le 2 avril, le préfet du Pas-de-Calais a autorisé la communauté professionnelle territoriale de santé Lens-La Gohelle, le centre hospitalier Béthune-Beuvry, la polyclinique d'Hénin-Beaumont et la clinique Saint-Omer, "à utiliser un dispositif mobile" pour assurer la vaccination de ceux qui ne peuvent accéder aux centres ou habitent en résidence autonomie.
De la même manière, dans l'Oise, une équipe mobile est portée par le centre de Formerie pour vacciner sur le territoire intercommunal de la Picardie verte, et "la préfète incite" les collectivités à faciliter le transport de leurs habitants vers les centres de vaccination, ou celui des vaccins vers les demandeurs.
Dans cette course contre la montre et l'isolement, la communauté urbaine d'Arras travaille également depuis trois semaines à optimiser la vaccination, avec ce qu'elle appelle informellement "le dispositif du soir" : "Nous avons un agent qui va tous les soirs chercher jusqu'à dix personnes fragiles et les emmène au centre de vaccination d'Arras pour leur faire profiter des doses inutilisées, parce que d'autres ont annulé leur rendez-vous."
Des initiatives de bon sens, épisodiques et locales, qui seraient peut-être facilitées et amplifiées par le renfort de bus régionaux. Les bonnes volontés sont là. Et parfois de nouvelles idées. Mais tant que tout le monde ne s'accordera pas sur la répartition des rôles, elles resteront des idées. Rien que des idées.