Ce lundi à minuit, une messe de Noël a été célébrée à Somain sur un rond-point où se retrouvent tous les jours des gilets jaunes. Entre contestation sociale et naissance de Jésus.
"Il est né le divin enfant...". Il est minuit sur le rond-point des Quatre chemins (ou rond-point de la Renaissance) à Somain. 250 personnes, le plus souvent vêtus d'un gilet jaunes, entonnent ce célèbre chant de Noël. Certains du bout des lèvres, d'autres avec conviction. Tous sont réunis pour une messe peu commune, à l'initiative d'un prêtre du secteur, le Père Joseph Nurchi. "Ça a été une demande de plusieurs jaunes, il a accepté, explique Aurélie, une des gilets jaunes organisatrices. Nous sommes tous là avec un objectif : une qualité de vie meilleure."Il fait 3°C mais plusieurs feux de bois réchauffent l'atmosphère. Sous son aube, le prêtre porte un gilet jaune. Un autre prêtre du secteur, est aussi là à ses côtés. Joseph Nurchi soutient le mouvement depuis le début et rend régulièrement visite à ceux qui "tiennent" ce rond-point au quotidien, à Somain, petite ville proche de Douai (Nord). "C'est une Eglise qui est solidaire du mouvement des Gilets jaunes, explique-t-il au début de la célébration. On ne partage pas tout. On a des petites discussions, des accrochages... On a des divergences de point de vue. Certains sont contre l'accueil des migrants, moi je suis pour... Mais on a quand même une convergence qui est qu'il y a une situation d'injustice sociale qui est faite aux gens et qu'on ne peut pas accepter. C'est ce qui nous rassemble..."
Ce rond-point de Somain est l'un des rares de la région à continuer inlassablement la mobilisation. Cette semaine, la police a délogé les manifestants. Ils ont trouvé refuge quelques mètres plus loin, sur un terrain privé. Ils veulent continuer le mouvement. Cette messe en est devenue le symbole.
"Ce soir, dans la joie de Noël, je manifeste que je ne suis pas content du sort que l'on fait aux hommes."
Un autel de fortune a été aménagé sous un auvent. Une crèche, quelques bougies, un micro qui grésille : l'ambiance est bon enfant. Catholiques, athées, communistes, musulmans... L'Assemblée est respectueuse, écoute l'Evangile de la Nativité, chante "Les anges dans nos campagnes" ou "Douce nuit". Mais est encore plus à l'écoute quand le Père Nurchi, ancien ouvrier, prononce une homélie mêlant Noël et les Gilets jaunes, Jésus et Macron : "Ce soir, dans la joie de Noël, je manifeste que je ne suis pas content du sort que l'on fait aux hommes. Nous sommes autour de cette crèche, de cette famille qui cherche un toit pour donner la vie à son fils. (...) C'est un lieu de convergence du dialogue que recherche et propose l'Eglise. Ici, au rond-point, vous avez toujours discuté avec les gens.
La violence, c'est pas notre truc. Aucune violence n'est légitime : la violence économique, les casseurs... L'Eglise propose que les gens se parlent. Il faut remplir les cahiers de doléance dans les mairies. Il faut déclencher le processus de négociation. Et qu'en face, ils descendent du ring de boxe pour discuter. On a besoin que ceux qui nous gouvernent écoutent ceux qui sont gouvernés. Sinon, ce qui va se passer, ça va être encore plus grave."
Les Gilets jaunes applaudissent. Un hommage a également été rendu aux 10 personnes mortes en France en marge du mouvement des gilets jaunes. Et une cinquantaine de bougies ont été déposées sur le rond-point.
"C'est magnifique. Ça fait chaud au coeur de voir tout le monde rassemblé comme ça", constate Ludo, un fidèle de ce rond-point depuis le début du mouvement. "Moi, je suis athée mais je trouve que c'est bien, ça réunit tout le monde, toutes les catégories sociales", renchérit Isabelle.
Le mouvement des Gilets jaunes va-t-il continuer ? Sous quelle forme ? A Somain, sur ce rond-point occupé depuis plus d'un mois, personne ne sait vraiment et les réponses divergent. Mais cette messe de Noël ne semblait pas sonner comme un point final...