Un chantier titanesque : un an après son arrestation, le "violeur de la Sambre" attend son procès en prison mais l'ampleur hors-normes du dossier et le nombre incertain de victimes compliquent la procédure judiciaire.
Pendant près de 30 ans, Dino Scala aurait attaqué les femmes de dos, au petit matin, mains gantées et visage couvert. Au terme d'une enquête tentaculaire - un millier de procès-verbaux, une centaine d'interpellations, des prélèvement ADN... - cet ouvrier au casier judiciaire vierge, marié et père de trois enfants, est interpellé fin février 2018 devant son domicile de Pont-sur-Sambre (Nord).
Au plan judiciaire, 19 viols et agressions sexuelles ont été retenus dans le cadre de l'information ouverte en 1996, contre celui que la PJ surnomme le "violeur de la Sambre", du nom de la vallée industrieuse de cette rivière franco-belge. Mais en garde à vue, l'homme de 58 ans, détenu à Sequedin près de Lille, avait reconnu "une quarantaine" de victimes, affirmant avoir agi "sous le coup de pulsions qu'il ne parvenait pas à contrôler". Des aveux qui ont ouvert de nouvelles et vastes pistes dans ce dossier déjà filandreux, aux mains d'une juge d'instruction de Valenciennes.
"Aujourd'hui, la justice continue de passer d'autres faits au +tamis Scala+ pour tenter d'établir de nouveaux liens; le nombre de victimes pourrait donc augmenter", explique Me Emmanuel Riglaire, qui défend l'une des victimes. "La difficulté est qu'il existe très peu de preuves techniques, scientifiques", relève-t-il, estimant qu'un procès n'interviendrait pas "avant 2020, 2021 dans le meilleur des cas".
"Après avoir attendu des années qu'on mette un nom sur un visage et un visage sur des faits, certaines victimes attendent toujours aujourd'hui d'être considérées par la voie judiciaire", souligne Me Caty Richard, autre avocate de victimes de Dino Scala. Contacté à plusieurs reprises par l'AFP, le parquet de Valenciennes n'a pas donné suite.
"Traumatisme"
Le dossier est d'autant plus complexe qu'il comporte un volet en Belgique. Une juge d'instruction de Charleroi (sud) enquête ainsi sur huit plaintes pour viols, tentative de viol ou attentats à la pudeur commis entre 2004 et 2018 majoritairement sur des mineures à Erquelinnes, ville frontalière, où il est soupçonné d'avoir commis l'agression sexuelle ayant conduit à son interpellation, selon le parquet.
Le mode opératoire similaire et l'identification de l'ADN de Dino Scala sur une victime ayant porté plainte pour un viol en 2006 attirent les soupçons des policiers. "On a envie de l'entendre sur ces dossiers", déclare à l'AFP le procureur de Charleroi, Vincent Fiasse. Une équipe commune d'enquête franco-belge a été constituée, et le suspect devrait être entendu en France "courant mars" par les enquêteurs belges.
Jusqu'à présent, le violeur présumé s'est montré coopératif, affirmant assumer ses actes sans pouvoir les expliquer cependant. "Ces aveux sont une démarche assez rare dans ce genre d'affaire et qui va permettre aux victimes d'être reconnues dans ce qu'elles ont subi, ce que salue la partie civile", reconnaît Me Riglaire. De leur côté, des victimes se préparent à des années d'attente, souvent avec des séquelles.
"C'est très long"
"Son arrestation ne change rien (...), le traumatisme reste là pour toujours", confie l'une d'elles, sous couvert d'anonymat. Elle dit être encore suivie psychologiquement, plus de 10 ans après les faits. "Je dors toujours avec la télévision allumée et je ne sors jamais seule quand il fait noir", témoigne une autre femme, victime d'un viol en 2002, accusant également Dino Scala. Aujourd'hui, elle attend l'avis à victime avec impatience. "C'est très
long".
A Pont-sur-Sambre, où Scala était connu - notamment comme responsable au club de football - et décrit comme "sociable" et "serviable", l'affaire avait provoqué une onde de choc. Mais un an plus tard, nombre des 2.500 habitants veulent "tourner la page".
"Ça fait un an, c'est derrière nous maintenant", assure un voisin devant l'ancienne maison de la famille Scala, qui a déménagé. "Plus personne n'en parle", renchérit Charles, 29 ans, dont Dino Scala fut l'entraineur pendant cinq ans. "Mais on pense aux victimes et aux personnes qui souffrent dans
cette affaire, y compris sa famille".